(Je décide de poster ce sujet dans cette portion du forum, "Mens sana in corpore sano" oblige!
Plus sérieusement si quelqu'un le voit mieux placé ailleurs, y'a pas de problème!
)Quand l’altitude vire au cauchemar
S’ils peuvent transformer le plaisir de la montagne en véritable calvaire, l’acrophobie et le vertige ne sont pas pour autant des maux incurables. De quoi rassurer leurs victimesUne décennie de sport en montagne, puis, tout à coup, la peur ; puis la peur de la peur... un cercle vicieux. Mais commençons par le commencement. A l’âge de 23 ans, Gemma, qui a grandi à Valencia
dans l’est de l’Espagne, se découvre une passion pour la montagne. Elle se met à la sillonner à pied, à V.T.T., à ski, profitant d’une liberté et d’une profession qui lui laissent du temps pour les loisirs. Un jour, c’est le choc : partie faire une excursion à ski dans les Pyrénées avec un groupe, elle reste subitement
bloquée, prise de panique. « Clouée sur place, j’étais hors d’haleine et mon coeur battait la chamade », se souvient-elle.
« Je m’en voulais d’autant plus que la pente n’était même pas raide, mais rien n’y faisait. »
L’acrophobie (du grec akros, extrémité, et phobos, crainte) peut frapper tout à coup, sans crier gare, et elle n’épargne pas les adeptes de la montagne. Une étude faite dans les années 1990 à l’Université
de Munich a révélé que la moitié des membres du Club alpin allemand déclaraient avoir souffert de ce mal sous une forme ou une autre à un moment donné. A en croire le célèbre psychiatre français
Christophe André, cette peur atteint un cinquième de la population, mais elle a tendance à s’atténuer avec l’âge. Ce qui ressort des deux travaux scientifiques, c’est que la plupart des victimes ne font
rien pour lutter contre ce phénomène.
Causes internesL’avis des spécialistes diverge quant à savoir ce qui cause l’apparition de ce type de phobie. Problèmes relationnels, ambivalence conflictuelle ou facteurs stressants, tels sont les termes très généraux
utilisés en guise d’explication. Dans le cas de Gemma, la double pression qu’elle subit pourrait très bien avoir été le déclencheur: au niveau professionnel, la fonction de cadre qu’elle occupe dans
une banque lui confère des responsabilités accrues et durant ses loisirs, égaler les performances de son partenaire constitue pour elle un défi permanent. Le traumatisme des Pyrénées s’est d’ailleurs
reproduit à l’occasion d’une sortie à vélo dans la Sierra Nevada au printemps : subitement, elle est contrainte de mettre pied à terre, toute tremblante, incapable de repartir. Dorénavant, la peur lui colle
à la peau et la panique la saisit de plus en plus souvent.
Convaincue que l’acrophobie est d’origine psychique, Gemma s’adresse à un psychothérapeute, mais comme elle se sent également déstabilisée dans la viequotidienne, il n’applique pas la bonne
recette. La psychanalyse assortie d’antidépresseurs et de calmants ne fait qu’atténuer
momentanément les symptômes, sans amener une quelconque guérison.
Théorie comportementale avec « exposition »Il faudra deux ans à Gemma pour se rendre compte qu’elle a fait fausse route. A coup de recherches sur internet et d’enquêtes dans son entourage, elle trouvera un spécialiste dont la stratégie thérapeutique
consiste à affronter la peur petit à petit, plutôt que de l’éviter par des médicaments.
« Il s’agit par exemple de visualiser mentalement une traversée que j’avais eu beaucoup de mal à réaliser et
de me décontracter pour maîtriser intellectuellement la situation. Les progrès, lents au début, s’accélèrent avec la pratique», explique Gemma. Son partenaire, qui a fait preuve d’une incompréhension totale face à ses accès de panique, sera intégré à la thérapie. Il devra d’abord apprendre à l’aider à surmonter sa peur du vide en l’accompagnant sur des ponts et dans des ascenseurs. Petit à petit, cet entraînement permettra à sa compagne de surmonter son acrophobie.
Toute thérapie brusque risquerait de faire effet contraire. L’approche progressive est donc la seule qui soit concluante. La méthode la plus efficace, qui s’inspire du traitement des allergies, consiste à désensibiliser
l’organisme en lui administrant des doses croissantes d’antigènes.
Transposée aux sports de montagne, elle propose à la personne atteinte de rechercher activement des situations créatrices d’acrophobie, afin qu’elle les maîtrise et se rende compte que les symptômes ne sont pas périlleux et disparaissent spontanément.
Symptômes physiques violentsS’il n’y a rien de réellement inquiétant à avoir la gorge ou l’estomac noué, un rythme cardiaque qui s’emballe, une respiration qui se fait haletante, des nausées ou un étourdissement ne sont pas sans
risque s’ils surprennent l’alpiniste en terrain escarpé. Mais c’est la peur qui reste l’élément déterminant : celle, par exemple, de perdre le contrôle de la situation et de tomber, voire de se jeter dans le vide,
comme attiré par l’abîme. L’acrophobie se manifeste toutefois non seulement au bord d’un à-pic, mais également dans la vie de tous les jours. La pire de ses formes est la peur de la peur, par exemple celle
que ressentent nombres de randonneurs en préparant l’excursion du lendemain.
Acrophobie et vertigeIl importe de bien faire la différence entre l’acrophobie et le vertige. Ce dernier se manifeste dans une situation concrète, lorsque sa victime, sur une arête ou un sommet, se trouve au-dessus du vide. Elle
cherche alors des repères visuels qu’elle ne trouve que partiellement dans son entourage. Résultat : le flux d’information entre le nerf optique, responsable de la performance visuelle, et le centre qui
commande posture et mouvements est perturbé. Perdant le contrôle de son corps, le sujet, pris d’un fort malaise, finit par vaciller. Ce phénomène est bien connu des skieurs qui, par « jour blanc »
et par très mauvaise visibilité, se retrouvent dans un univers uniformément
blanc.
Le vertige, que l’épuisement physique ou psychique peut renforcer, s’accompagne souvent d’autres symptômes tels que sudation, tremblements, tachycardie, nausées ou « genoux en compote ». Il
peut aussi être d’origine psychogène, sans être une phobie proprement dite : le déséquilibre somatique résulte d’une instabilité intérieure. Comme l’acrophobie, le vertige peut être causé par le stress
dû à la vie professionnelle ou privée, facteur qu’il convient d’analyser en conséquence.
A faire ou à éviter...Vertige... en situation de détresse– Assurer une bonne prise des mains et des pieds, si possible s’asseoir
– Eviter de tourner la tête à l’extrême (p. ex. pour apercevoir le tracé de la via ferrata)
– En regardant en bas, chercher des objets fixes bien marqués dans le champ de vision latéral
– Eviter ce qui fausse la perception visuelle : photographier, observer à la jumelle, regarder passer les nuages
– Utiliser une corde d’assurage en guise d’aide psychologique
Vertige... pour une amélioration durable– Exclure les troubles organiques (faire examiner l’organe de l’équilibre par un médecin)
– Gagner en assurance par un entraînement « à sec » (p. ex. optimiser les techniques d’escalade en salle)
– Améliorer sa condition physique afin d’éviter l’épuisement, qui renforce le vertige
– Entraîner son équilibre (p. ex. à l’aide d’une échelle ou d’une toupie thérapeutique)
– En cas de vertige d’origine psychogène, analyser les facteurs de stress
Acrophobie... en situation de détresse– Assurer une bonne prise des mains et des pieds, si possible s’asseoir
– Chercher à rassurer par la conversation
– Ne pas administrer de calmants en montagne (risque de chute dû à un ralentissement de la perception)
– Utiliser une corde d’assurage en guise d’aide psychologique
Acrophobie... pour une amélioration durable– Rechercher les conflits non résolus dans la vie
– S’entraîner à affronter le vide en des lieux tels que ponts, clochers, si possible avec une personne de confiance (version moderne : jeu virtuel)
– Etablir un programme de décontraction (p. ex. exercices de contrôle respiratoire, de relaxation musculaire)
– Préparer mentalement les courses
– Demander des conseils médicaux et psychologiques (p. ex. thérapie comportementale)
Vivre la peur et l’apprivoiserElévation du pouls, de la pression artérielle, de la glycémie, de la tension musculaire, telles sont les manifestations d’un mécanisme qui permet à l’être humain de réagir rapidement face au danger, que ce soit en le fuyant ou en l’affrontant : la peur. Celle-ci peut se muer en maladie et devenir elle-même dangereuse en montagne si elle prend trop d’ampleur – ou si elle est totalement absente. Peu efficaces contre l’acrophobie, les médicaments peuvent même faire plus de mal que de bien dans certains cas.
Spécialiste en médecine d’altitude à l’Université de Graz, le professeur Wolfgang Domej estime que les calmants n’ont pas leur place dans ce domaine, au vu de leur effet néfaste potentiel sur la capacité de
réaction et des conséquences qui en découlent. Une première série de tests effectués à Atlanta indique toutefois que l’administration du principe actif appelé D-cyclosérine pourrait améliorer le traitement de l’acrophobie
(étude rapportée en 2006 dans NeuroRx, organe de l’American Society for Experimental NeuroTherapeutics, tome 3, pages 82 à 96).http://www.sac-cas.ch/index.php?id=1&L=1