Hello,
alors voilà je m'étais fixé ce petit objectif: enfin une vraie sortie avec de la vraie marche, de vrais enjeux en terme d'orientation, d'effort physique et de gestion des ressources (matérielles comme intellectuelles, émotionnelles) et un beau secteur où oublier un peu que le béton existe.
Peu d'expérience avant ça, si ce n'est un petit stage au CEETS et quelques courtes sorties en binome. Pour cette première j'ai choisi la magnifique réserve naturelle des plateaux du Vercors, un bout du GR91 qui va de Corrençon-en-Vercors jusqu'à Chatillon-en-Diois.
-soit un peu plus de 50km (entre deux et trois jours de marche) ni trop long ni trop court
-Quelques complexités à gérer telles que la rareté de l'eau (l'info source consultée avant le départ indiquait seulement deux points d'eau fonctionnels sur mon trajet) et les patous. (Paraît aussi que y'a un fou furieux qui habite dans le coin et qui dit tout le temps "restez pipou"... heureusement je ne l'ai pas croisé!)
Je vais d'abord faire un petit checking du matériel que j'ai emporté, de mes objectifs un petit résumé de l'excursion, avec un point sur ce qui a fonctionné et merdé.
L'idée ici est de m'exposer à vos éventuelles et impitoyables tatanes, mais aussi à vos conseils.
Le matos en tenant compte de deux choses:
-"en rando on transporte nos peurs sur notre dos"
-les règles de base de l'équipement apprises au CEETS.
-sac Virga 2 granite gear (acheté d'occaz, neuf. ça Change des sacs de bourrin!)
-SdC carinthia Tropen
-un vieux thermarest gonflable pas très épais et fatigué, lourd mais costaud. (ouaip j'ai voulu tester autre chose que le dodo sur tapis mousse)
-Poncho en guise de protection pluie et d'abri (j'ai décidé au dernier moment de laisser mon tarp à la voiture, pour m'alléger mais surtout challenger un peu plus mon besoin de confort et de sécurité. C'était une décision à la con, j'expliquerais pourquoi)
-gourde inox 900ml et mug inox 0.7ml
-réchaud bois, surtout pour la cuisine du soir, moment où on a le temps (demande d'autorisation faite au préalable à l'office du tourisme de Corrençon)
-brûleur à alcool Trangia.
-couteau avec lame de 8.5cm bien costaud
-Pochette de petit matériel (fire steel, quelques allumettes, un bout de savon, une min-mini-mini trousse de soin, pas assez de paracorde, une frontale, un tout petit mora de cou, une paille filtrante).
- Un vieux bout de plaid en lin pour poser mon cul, protéger mon matelas du sol, ma tête du soleil...
-bonus: Une petite kettle légère alu Trangia, petit plaisir perso car je trouve ça stylé, et peut servir de gamelle supplémentaire.
-Deux cartes IGN car il manquait un bout de ma rando sur la première.
-boussole
-sac à provision (principalement bouffe sèche: quinoa, avoine + poudre d'amande top protéines pour le dej', crackers, Pecorino, un peu de jambon speck, des fèves fraiches, un sachet de bouillon de volaille, un mini tube de crème de marron, café moulu, infusion, du lard pour le premier soir)
-4L d'eau
Le total doit faire dans les 12kg.
J'arrive à Corrençon-En-Vercors en fin d'après midi, je pose ma voiture, je charge le sac, je fais un clin d'oeil à une fermière en lui promettant de revenir, et me voilà parti.
N'ayant plus pratiqué depuis le stage du CEETS 9 mois plus tôt, je ne sais plus rien faire en terme d'orientation. Je me rappelle juste comment mettre la carte dans le bon sens à l'aide de la boussole et me fier à mon bon sens. Je galère à me situer et à trouver le GR, sur la carte le village est un fouillis d'embranchements et de symboles, ça commence bien. Je m'autorise à me renseigner auprès d'un couple de petits vieux. Le monsieur m'indique bien la direction, la dame gentiment me demande si j'ai assez d'eau.
Me voilà peu après en train de m'enfoncer dans la cambrousse en cette fin d'après-midi caniculaire. Quelques km plus tard j'atteins la clairière qui abrite le refuge de Carette, après laquelle il n'y a plus de refuge ni d'eau avant 17km. Je m'y arrête donc car il est 19h30. J'appréhende un peu de dormir seul en forêt. Aussi magnifique que soit le lieu, je ne l'ai encore jamais fais. Ce n'est pas que j'ai peur de me faire dévorer. C'est un sentiment étrange, une sorte de cafard-appréhension. Mais je suis content de m'y confronter.
Cependant arrivent bientôt trois gars de mon âge qui font halte au même endroit. Je décide d'être cool avec moi-même et de ne pas chercher d'autre endroit afin de dormir seul. Je passe une belle soirée avec les gars, puis tout le monde piaute rapidement. Après avoir essayé de monter mon poncho en abri pour réviser mes noeuds je m'aperçois que j'ai quelque peu oublié ceux ci! De plus je n'ai pas pris assez de corde. Après un montage fastidieux je démonte finalement le tout je couche à la belle étoile après avoir enroulé mon dodo dans le poncho. J'ai peu dormi. il me semble avoir roupillé un peu au début, puis être resté eveillé de longues heures, et re somnolé au lever du jour.
Mais la nuit a été agréable et joliment étoilée. Je ne suis pas fatigué, puis mon long éveil m'a permis de me souvenir des noeuds oubliés
après un bon dej' je repars vers 9h.
Je suis conscient d'avoir à faire 17km avant le prochain point d'eau. j'ai explosé mon stock la veille puis le matin du fait de la chaleur. Il me reste environ 1l. C'est un rappel à l'ordre qui claque sec pour moi; j'avais imaginé pouvoir me rationner en eau sans penser une seconde que je défoncerais trois litres avant même de commencer vraiment mon trip.
Le trajet est superbe. Des passages en forêt assez oniriques. La végétation y est drue, le soleil moins agressif. Les bruits de vie et de vent activent les sens à un point, c'est génial. Quelques framboises sauvages!
ça descend, ça monte, c'est plein de caillasse, les appuis travaillent, j'adore. je bois l'eau à petite goulées.
Je traverse une grande plaine d'estive où se trouvent des bêtes, et je fais suffisamment profil bas pour ne pas attirer les chiens.
Puis le terrain devient rocailleux, le marquage du sentier se fait plus rare. l'eau aussi. De plus en plus assoifé, je finis par trouver un arbuste chargé de baies noires. D'abord certain que c'est du sureau noir, j'en goutte une petite du bout des lèvres. C'est sucré et doux. Je ne suis pas sûr que ce soit du sureau et penche alors pour l'aronia. J'apprendrais plus tard que l'aronia est très rare en France, pour autant je suis maintenant sûr que c'en était. Mais au moment T je n'étais pas certain, je me suis fié au goût et en ai mangé quelques unes pour apaiser ma soif.
Avec le recul, c'était vraiment une action à la con. je n'étais pas sûr de moi à 100% et je l'ai quand même fais en me fiant à mes ressentis. Ce n'était pas malin, même si j'ai pris la décsion d'en manger peu.
17km plus tard j'arrive à la Jasse du playe peu après 14h où je trouve de l'eau. Magnifique sensation! il n'y a qu'un maigre filet d'eau mais pour moi c'est le nirvana.
Je refais mes stocks d'eau, je bois en même temps. Puis je me lave les mains, le visage, je grignote un morceau et me pose à l'ombre une vingtaine de minutes. Une randonneuse Allemande de passage m'offre un petit café fait à la cafetière italienne. Je ne refuse pas! quelques cranberries en échange, et c'est reparti. J'ai 12 km avant le prochain refuge et je me sens encore capable de les faire. De plus, ça me permet de n'avoir pour le lendemain plus que 22km avant d'atteindre le point d'arrivée.
Je croise une seconde estive, aboyé mais pas dévoré, puis une troisième entendue mais pas vue un peu plus tard.
Toujours plus rassasié de paysages et de chaleur sèche, la pause caca s'impose peu à peu, et la pêche est posée au sommet d'une butte, depuis laquelle je peux observer la taïga Drômo-Iséroise, d'un air intelligent et mystérieux, à l'affut du loup
J'arrive au point d'arrêt du jour alors que la golden hour cède la place aux prémisses d'une tempête.
J'avais regardé la météo avant de partir et m'y était naïvement fié: de l'orage mais seulement quelques millimètres de pluie... Tu parles... ça a tabassé toute la nuit et ça a sérieusement draché.
Heureusement que j'avais calculé d'arriver proche d'un abri en cas de pépin.
Cependant ca a été une soirée sympa. Au refuge il y'avait du monde: deux nenettes, un couple et trois catalans avec lesquels je me suis lié d'amitié et ai cuisiné, huile d'olive coulant dans mes veines oblige. Deux patous en divagation nous ont rendu visite! cool... l'eau coulait au compte goutte dans la source la plus proche du refuge. J'ai pu utiliser suffisamment d'eau pour m'hydrater. J'avais encore 3L et demi d'eau en arrivant au refuge, la précédente leçon sur la gestion du stock d'eau ayant été retenue.
J'ai un peu mieux dormi que la nuit d'avant. Faut dire que l'ambiance tempête-refuge et les 29 km ont aidé.
Pour finir rapidement:
Le lendemain je savais que j'allais traverser sur les 22km une grosse zone à patous contre laquelle un gars du coin m'avait mit en garde: les chiens là bas y sont cons paraît il. avec la pluie en plus et en étant solo je ne me suis pas senti de taille pour un tel défi. J'ai donc raisonnablement opté pour un trajet avec retour anticipé repéré la veille sur la carte et qu'empruntaient aussi les catalans.
Ils ont voulu prendre un raccourci et ont perdu le chemin alors qu'ils avaient un GPS, alors j'ai été assez fier de retrouver le chemin en utilisant simplement la boussole, la carte et un repère visuel!
Arrivé au point final après 11km ils m'ont proposé de me mener en voiture jusqu'à la chapelle-en-Vercors, ce qui était idéal pour rentrer ensuite en autostop jusqu'à ma voiture. déçu de ne pas avoir finalisé mon excursion comme c'était initialement prévu, j'ai refusé et ai décidé de rallonger un peu ma marche sous la pluie afin de redescendre jusqu'à la vallée par moi-même...
prise de décision égotique et entêtée! j'ai galéré à trouver mon chemin pour redescendre, j'ai bouffé 10-12 km de plus, cinq heures de grosse pluie, arrivé en bas personne ne s'arrêtait pour me prendre en voiture, et j'ai fini par croiser un troupeau et deux patous sur la route qui m'ont empêché de continuer dans ma direction.
Du coup... je suis reparti dans l'autre sens et suis péniblement rentré jusqu'à Corrençon en stop en faisant le grand tour du massif dans l'autre sens!!! j ai vu de beaux endroits, j'ai séché mes pieds sur un pont près d'une rivière, un vieux dans un village m'a tapé la discute depuis sa fenêtre avant de me descendre un gros café chaud, et il ne pleuvait plus. j'ai roulé avec plein de gens cools et J'ai encore eu droit à de bonnes sessions de marche. Les grolles trempées toute la journée m'ont explosé les pieds si bien qu'à chaque arrêt dans un bled je me foutais pieds nus.
c'était laborieux et ça a fait travailler ma sécurité intérieure, mais paradoxalement j'ai aimé cette journée.
Arrivée à Corrençon vers 19h 30 alors que j'étais descendu de la montagne dès 12h. je me renseigne à tout hasard auprès d'une commerçante si il est possible de dormir au village pour pas cher. elle appelle une amie à elle qui a un gite d'étape à 20e la nuit. J'y ai rencontré des Allemands de passage très sympa qui m'ont offert du vin pour m'achever, et après une douche-lessive (laver ses habits pendant qu'on se douche) je suis tombé raide!
loin du trip solitaire et réglé que j'avais initialement projeté de faire. Encore mieux que ce que je m'imaginais!
les moins:
-Gestion de l'abri et du principe de l'isolation quelque peu médiocre en fonction d'un décision de dernière minute par envie de challenge: seulement un poncho, pas d'isolation de sol. peu de couches de vêtements et même pas techniques. ok c'est l'été, j'aurais pas mouru... Mais quand même j'ai fais la brute.
-Orientation par carte et prise de repère trop peu maîtrisée: Dans le cas présent ce n'était pas un très gros problème, mais le fait est que globalement sans capacité d'orientation on est en sursis, peu indépendant, vulnérable.
- Prise de décision parfois trop impulsives ou trop peu maîtrisées, laissées au petit bonheur la chance: Si ce n'est pas le besoin de me prouver quelque chose, c'est une anticipation de peur/appréhension; par exemple je ne sais pas si j'aurais géré en cas de confrontation avec un patou, ou si je m'étais blessé en chemin. Je n'ai pas encore encore très confiance en mon potentiel décisionnel et ma gestion des émotions vives.
-Je n'ai pas dormi seul
-J'ai globalement du mal à trouver le sommeil en mode dodo-en-vrac. Ca pourrait être embêtant sur de plus longues sorties. Mais je n'ai pas envie de dépendre d'un matelas ultra sophistiqué pour avoir du repos. Je veux pouvoir dormir même sur un mousse, avec ou sans abri. rusticité où es tu?
-oublis débiles: exemple paracorde, ou crème solaire.
-Maintenant je saurais que quand la météo annonce quelques millimètres de pluie, j'anticipe le déluge.
les plus:
-Je fais gaffe où je fous les pieds. Ca parait con mais c'est la base. 3 secondes.
-Je me suis découvert un bon rythme de marche et une bonne endurance.
-J'ai une certaine peur des gros chiens qui me faisait hésiter avant de partir pour le Vercors, et je suis content de m'être lancé malgré cette crainte.
-Malgré le coup du sommeil j'ai tout de même une rusticité pas trop dégueu, je m'adapte bien et j'ai pas le découragement facile. La journée de retour était longue, aléatoire et éreintante mais j'ai pas pesté ni ne me suis emporté une seule fois. puis c'est cette rusticité qui m'a permis de partir avec un équipement peu important, avec plus d'expérience ça pourra devenir un atout.
-Je fais du super bon café
Voilà, si vous avez prit le temps de lire c'est cool. n'hésitez pas à rebondir sur mon texte si ça vous dit, et ne mâchez pas vos mots dans le cas d'une éventuelle critique! salut!