Salut à tous !
Ca fait longtemps que je pense faire un sujet un peu plus détaillé sur la chasse sous-marine en complément de ce que j’ai déjà écris
dans ce sujetDéjà pourquoi ? Parce que à mon sens c’est la manière la plus sélective et respectueuse de prélever du poisson. J’en suis au point ou 99% de ma protéine animale provient de ma pêche (Je dis ça pour le très occasionnel ciflard ou autre).
Ensuite, c’est engageant et on connecte avec notre environnement et notre nourriture à un autre niveau. Pas besoin d'écrire un pavé là dessus, de toute manière c’est indescriptible, ça se vit c’est tout. Pour moi, cela s’inscrit aussi dans une démarche de se bouger le cul pour vivre et rester en bonne condition physique parce que notre mode de vie le demande et non pas la salle de sport (ex je remonte mes ancres à la main, je hisse les voiles sans winch, je chasse en apnée, je “bidonne” pour aller chercher l’eau potable dans des bidons de 20L, etc). Et comme je le fais avec mes stagiaires, un petit mot sur le respect des océans de leurs habitants, du vivant et de la nature au sens général. Déjà, il s’agit de prendre connaissance des législations, des tailles minimums et des époques de chasse. Il faut absolument respecter ces règles de base mais elles ne sont à mon sens pas suffisantes. Chaque chasseur se doit d’y ajouter ce qui lui semble juste. Pour moi par exemple, il ya des poissons que je ne touche tout simplement pas, comme le Mérou qui est en danger ou les poissons perroquets dont la chasse est inintéressante au possible. Je ne chasse plus non plus les céphalopodes. Je tire toujours beaucoup plus gros que le minimum indiqué, mais jamais plus de 6-8 kg grand maximum ! Ça n'a aucun intérêt pour moi car je n’ai pas de frigo, je ne peux faire que des conserves ou fumer du poisson pour le moyen terme (et surtout pour le goût). Quand on chasse le “moyen”, on s’assure à la fois de laisser l’opportunité aux jeunes poissons de se reproduire, et de laisser les plus gros (potentiellement toxique en plus dans certaines zones, voire ciguatera) porter la plus grosse quantité d’oeufs. Ensuite, il faut savoir revenir bredouille avec le sourire, même si on a eu ‘x’ opportunités de tirer, il faut savoir s’abstenir et ne tirer que lorsqu’on est sûr de faire un maximum de dommage voir sécher le poisson (le tuer sur le coup). Il convient d’achever la proie avec une bonne dague asap, cela va sans dire. Il faut savoir aller à l’eau pour le plaisir d’aller à l’eau, observer, s'émerveiller, apprendre, etc. Pour plus de détail sur la réglementation en vigueur en France, visiter la page
https://www.lechasseursousmarin.com/reglementation-generale/1. L’apnéeNous sommes tous capables de retenir notre respiration et descendre suffisamment profond pour trouver du poisson (10m c’est bien). Pour cela j’encourage vivement de s’inscrire à un cours avec un instructeur certifié, vous gagnerez un temps phénoménal et éviterez de mourir bêtement. Le niveau 1 prend 3 jours. Typiquement les chasseurs autodidactes et apnéistes autoproclamés : plongent avec trop de plomb, pour pallier une mauvaise technique d’entrée (canard) et une très mauvaise technique de palmage. Ont une très mauvaise posture, potentiellement dangereuse en profondeur. Meurent plus souvent, par excès de confiance lorsqu’ils s’aventurent dans des profondeurs qu’ils ne maîtrisent pas, poussent les temps d’immersion un peu plus loin, et surtout quand ils sont seuls.
2. Les techniques de chasseTous les poissons ne s'attrapent pas de la même manière, en fonction de leur nature craintive, curieuse, confiante mais aussi de leurs habitats et habitudes. Aussi le chasseur doit s’adapter à des conditions différentes et des paysages sous-marins différents.
La coulée : C’est à la fois la plus simple et intuitive, et la plus exigeante techniquement. Quand on débute on a tendance à chercher le poisson depuis la surface et une fois repéré plonger sur celui-ci pour le tirer… et le temps d’arriver à son niveau bien souvent il est parti depuis bien longtemps, et ne reviendra pas ! Une bonne coulée doit être calme et silencieuse (canard et palmage impeccable) avec le soleil dans le dos le plus possible, en plongeant lorsque le poisson nous voit le moins bien (c’est à dire surtout pas lorsqu’il est de côté). En observant les meilleurs prédateurs, on les voit parfois nager nonchalamment au milieu de leurs proies sans les émoustiller ; il faut s’inspirer de cela. Se déplacer lentement et sans bruit, ne pas fixer la proie, ne pas “écarquiller” les yeux (ca se passe naturellement quand on approche et encore plus lorsqu’on s'apprête à tirer, il faut à tout prix contrôler ces signes d’excitation et de prédation). Le Barracuda est un exemple de poisson très accessible à une bonne plongée à la coulée (accompagnée parfois d’une brève accélération finale pour se mettre à portée de tire).
A l’indienne : se réalise en général dans peu de profondeur en se déplaçant au fond le plus discrètement possible, c'est -à -dire souvent en se poussant avec la main libre plutôt que de palmer et en profitant du reliefs sous-marin pour rester caché et surprendre le poisson. Il s’agit d’être vif et de tirer sans hésiter car le poisson décollera très vite, souvent vers le large, pour ne pas revenir et vous donner une seconde chance. On peut souvent utiliser la technique de la coulée suivie d’une petite indienne.
A trou : Il s’agit de flécher les poissons lorsqu’ils se sentent à l'abri ! Mais il faut arriver discrètement car autrement il décollent rapidement pour ne plus revenir. La vieille technique méditerranéenne consistant à effrayer le poisson pour les forcer à s'enraguer (se mettre à trou) et ensuite les flécher semble ne plus fonctionner aussi bien qu’autrefois : le poisson s’adapte aux techniques et à la pression de chasse (en fonction des spots évidemment). Par exemple, le sar fuira plutôt vers le bleu du large que dans son trou en apercevant un chasseur.
A l’agachon : ma préférée, par pur plaisir de faire de longues immersions et observer la vie autour de moi. C’est l’équivalent de l’affût en chasse terrestre. A la différence que, si parfois à l’agachon on peut flécher par chance le badaud de passage qui nous aurait pas vu, l’agachon joue sur la curiosité de certains prédateurs, qui ne résisteront pas à venir voir ce truc qui vient de disparaître derrière le rocher. On peut parfois exagérer cet effet en gratouillant sur le rocher, en tapant avec la crosse ou la pointe de la flèche, en lâchant quelques bulles, en faisant un nuage de sable derrière lequel on se cache, etc. Mais il faut surtout bien comprendre que même si on se fait le plus discret possible, on aura bien souvent pas besoin de stimuli suplémentaire pour que tous les environs soient au courant du gros mammifère planqué derrière le caillou… Une stratégie souvent payante est de plonger quelque mètres en avant de son poste d’agachon et de s’y rendre en frôlant le fond. Le poisson curieux qui viendra voir la ou vous avez disparu sera pris par surprise à mi-chemin, offrant une bonne fenêtre de tire qu’il faudra saisir rapidement… au risque de le voir décoller comme une torpille.
3. Le matos Pas besoin d’investir dans du matériel de compétition. Au départ, un fusil passe partout est largement plus rentable pas seulement du point de vue de l’investissement initial, mais surtout de sa plage d’utilisation et de sa simplicité à manœuvrer sous l’eau qui résultent à un plus grand succès.
Un fusil de 75cm avec un simple sandow sans moulinet est à mon avis l’arme de choix du chasseur débutant et intermédiaire. Le plus on prend de niveau avec un fusil aussi simple, le meilleur on deviendra lorsqu’il s’agira de changer d'équipement (dans quelques années ?). Sans moulinet et si l’on commence à cibler des poissons combatifs, il convient de relier le fusil à la bouée de surface : si on fatigue à la remontée, on lâche tout et on récupère le harpon et le poisson depuis la surface.
Camo ou pas camo ? Perso, je résiste à la mode du camo, surtout que j’utilise la même combi pour l’apnée sportive que pour la chasse. Le camo est un micro détail qui peut (peut-être, potentiellement) faire une différence lorsqu’on a un extrêmement bon niveau d 'aquacité et que l’on sait se faire oublier sous l’eau… Mais croyez moi quand je vous dis que 90% des loulous en camo que je croise plonge comme des pieds et le camo c’est surtout pour la gopro. Alors vu que le camo à tendance à doubler le prix des combis, je conseillerai
une combi deux pièces 5mm (7 pour l’hiver atlantique en france) sobre (noire, bleu nuit, etc) intérieur refendu (donc à enfiler soit dans l’eau quand on a la technique, soit avec de l’eau savonneuse). Je conseil également vivement une pissette !!
Les palmes : elles doivent être longues et conçues pour l’apnée. Pas besoin de carbone, qui sont vraiment les palmes à la mode mais axé performance. Encore une fois, la plupart des chasseurs que je vois avec palmes carbones ont une technique terrible (la technique n’étant pas la même pour les palmes carbones et les palmes en plastique). En plus en chasse, les palmes plastiques sont plus silencieuses et vous penserez moins à votre portefeuille à chaque fois que vous donnez un mauvais coup dans les cailloux. Un mot sur la perf : j’ai volontairement fait toutes mes plongées jusqu’au niveau instructeur et bien plus avec des palmes en plastique et des combi de m*rde. Avec des palmes premier prix D4, rigides comme du bois, je suis arrivé à -60m en poids constant (la je parle d’apnée sportive). J’ai fait ça car je voulais pouvoir par la suite insister sur la technique au-delà du matos, et donc commencer par l’appliquer à moi même.
Masque et tuba évidemment.
Une bouée (qui n’évite pas de devoir faire très attentions à ses alentours) pour être visible et ne pas mourir découpé par une hélice, accrocher le poisson, un deuxième harpon, etc.
Une dague de plongée portée au choix au mollet ou l’avant bras opposé à la main de travail.
4. La sécu Idéalement,
ne pas chasser seul. C'est-à dire que l’apnée sportive ne se pratique JAMAIS seul, le risque principal étant la syncope.
En chasse parfois, on a pas trop le choix… Mais il convient de ne pas se laisser dépasser et rester largement dans sa zone de confort. De courtes plongées à 10m de profondeur, on commence à remonter aux premiers signes d’inconfort léger (arrivée de spasme dû à l’augmentation du CO2, PAS à la diminution du O2, on est donc pas du tout hypoxique). Prendre le temps de bien récupérer plusieurs minutes en surface. Du coup, ne jamais hyperventiler : cela a pour effet de faire chuter le niveau de CO2 et de retarder l’envie de respirer, menant à une potentiel syncope sans même “la sentir venir”. La respiration est calme et non forcée, avec le diaphragme. Il faut être le plus détendu possible lors de la phase de préparation et pendant l’immersion. Il est largement plus agréable, safe, et souvent rentable de chasser en binôme ! A privilégier absolument.
Exemple pratique : On peut regarder la zone ou je vais chercher mon diner en ce moment et un exemple de comment peut se dérouler une session de chasse :
Ma première action de chasse se passe quand je sors de la baie ou est mon bateau. Je fais un canard dans peu de profondeur et commence par une sorte d’indienne caché le long de la corniche rocheuse jusqu’à surgir juste sous le “champagne” (les bulles créées par les vagues qui brisent sur la roche) prêt à tirer à tout moment ! On peut être tout à fait surpris par la taille de ce que l’on peut trouver le soir dans peu d’eau, sous le champagne. Si je ne surprends rien, je reste un court moment à l’agachon puis remonte et ne perd pas plus de temp ici. (La croix correspond à mon canard, en pointillé mon déplacement, le point rouge mon poste de tire)
Les prochaines actions seront des suites d’agachons à moyenne profondeur (10-20m max), sauf si en chemin une opportunité se présente à la coulée. Je ferai un premier agachon au point A ou je sais qu’il y a un très bon poste pour le Sar, et ensuite déciderai en chemin des prochain postes que je repère depuis la surface (points rouges sur la carte, posé aléatoirement mais pour donner une idée). Important : je repère les postes d’agachon depuis la surface, pas le poisson ! La, c’est patience et chance… je peux espérer de la Carangue, du Dentis ou de la Bonite par exemple. Inutile de s’acharner sur un poste d’agachon plus d’une fois (deux max !) ; on bouge.
En arrivant dans la zone B, je ralentis, palme sans un bruit et m’arrange pour approcher avec le soleil dans le dos : il y a très souvent des bancs barracudas dans ce coin et je tenterai à la coulée, je me positionne donc à mon avantage.
Je fais un dernier agachon profond au large du petit cap dans la zone 25-30m, face au large couché dans le sable et caché derrière un nuage de sable que j’ai moi même levé.
Sur le chemin du retour (si je n’ai toujours rien), j’explore tous les trous qui me paraissent prometteurs. Pas d’immersions longues, je couvre du terrain et provoque le plus d’actions, de “scénarios” de chasse possible.
En général si je rentre broucouille, c’est que j’ai choisi de ne pas décocher de flèche ce jour-là (parfois on est juste pas d’humeur à tuer), pas par manque d’occasions… Il faut quand même profiter de ces sessions pour apprendre et observer, avec le harpon si possible (même si pas chargé) car un canard et les déplacements sous l’eau sont bien plus difficile avec un harpon que sans, autant s’y habituer le plus possible. Aussi, le comportement du poisson n’a rien à voir, le harpon fait fuir le poisson de manière évidente… En se baladant juste avec palme masque tuba, on observerait des comportements qui ne sont pas représentatifs de ceux que l’on observerait une fois en chasse !
Voilà pour le petit texte d’introduction à la chasse sous-marine qui j’espère éclairera quelques lanternes, donnera envie à d’autres, et surtout n’hésitez pas avec vos questions auxquelles je répondrai avec grand plaisir
!