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Le Point
Publié le 19/03/2023 à 07h30
"Mort en stage de survivalisme : un « Rambo » mythomane jugé en correctionnelle
L’instructeur venait de l’infanterie de marine, c’était un baroudeur, mais il ne savait pas distinguer des carottes sauvages et des plantes toxiques.
Par Erwan Seznec
Publié le 19/03/2023 à 07h30
Temps de lecture : 4 min
Il s'appelle Potiniarii Malardé, mais tout le monde l'appelle John. Né à Tahiti, âgé de 51 ans, il a servi son pays sur plusieurs théâtres d'opérations, comme soldat puis chef de groupe, au 3e régiment d'infanterie de marine de Vannes. Il a pris sa retraite en 2009. Il a la nuque large, les épaules larges, les mains larges. À la barre du tribunal correctionnel de Lorient, pourtant, ce 13 mars, c'est avec une voix de petit garçon pris en faute que John Malardé répond aux questions du président.
« Saviez-vous que cette plante était dangereuse ?
– Oui. Non.
– C'est oui ou c'est non, monsieur Malardé. »
L'ancien militaire doit répondre de la mort d'un jeune homme, intoxiqué lors d'un stage de survivalisme qu'il encadrait. Le déroulé de la journée tragique a été décrit par tous les témoins dans des termes identiques. Le 8 août 2020, douze stagiaires, dont trois enfants de 10 et 12 ans, se retrouvent sur un terrain à Kervignac, Morbihan. Ils veulent apprendre les bases de la survie : construire un abri, faire un feu, se nourrir de plantes sauvages. Le stage est organisé par la société de John Malardé, Aïto Survivor, créée en 2015.
L'encadrant a la tête de l'emploi. « C'était le Rambo de notre enfance », dira un des stagiaires aux gendarmes. Mais un John Rambo mythomane, souligne le président. Il s'imagine inventeur d'un couteau équipant l'armée américaine et s'attribue des faits d'armes imaginaires. Et surtout, il prétend connaître les plantes.
Carotte sauvage et ciguë, un classique
La grande famille des ombellifères comporte des variétés comestibles, comme la carotte sauvage, et d'autres, toxiques, telles la ciguë et sa cousine, l'œnanthe safranée. À l'œil, la confusion est très facile. Il existe une règle simple pour l'éviter. Les carottes sauvages aiment le sec et le soleil. L'œnanthe safranée préfère l'ombre et la vase. Par ailleurs, elle est infecte, alors que la carotte sauvage a un goût de carotte.
John Malardé le savait-il ? S'il le savait, pourquoi n'a-t-il pas mis ses stagiaires en garde ? L'essentiel de l'audience va tourner autour de ces deux questions. Le 8 août, en effet, l'instructeur a laissé huit de ses élèves ingurgiter de l'œnanthe safranée, cueillie au bord d'un ruisseau. Lui-même y a goûté ! Ils ont tous été malades, mais celui qui avait ramassé, cuisiné et mangé la plus grande ration en est mort. Il se nommait Ulysse Tâm Hà Duong, il avait 26 ans et il voulait entrer dans l'armée. Son agonie a duré trois jours. Le lendemain du drame, le responsable avait affirmé à un proche d'un stagiaire, qui le pressait de questions : « Le stage s'est bien passé, il y a juste quelqu'un qui a mangé une plante mal nettoyée. »
Le procureur Éric Pouder comme les avocats des parties civiles le pressent de questions. Le président lui parle très doucement et lui demande à deux reprises : « Vous comprenez ce que je dis ? » Il marmonne, s'embrouille, ne sait plus. Oui, il connaissait l'œnanthe safranée, non, il n'a pas confondu. Mais alors, demande un des avocats des parties civiles, cet enfant de douze ans qui jure que l'instructeur leur a montré à tous la plante toxique en disant qu'il s'agissait de carottes sauvages, il ment ? John Malardé ne répond pas.
Responsable, mais pas coupable
Pendant l'instruction, il avait déclaré qu'il se sentait « responsable, mais pas coupable ». Vincent Omez, l'avocat des parents et de la compagne d'Ulysse Tâm Hà Duong, lui demande si maintenant, à la barre, il se sent coupable. La salle retient son souffle, en vain. Toujours pas de réponse. Accusé d'homicide involontaire, il est venu au tribunal vêtu d'un sweat-shirt orné d'une énorme tête de mort. Un avocat lui en fait la remarque, parle d'indécence. Quelqu'un dans le public applaudit. « Je n'ai pas réfléchi… » bafouille l'accusé.
À quel moment la désinvolture devient-elle criminelle ? John Malardé n'avait aucune formation de botaniste, aucun diplôme d'instructeur ou de secouriste. Il apprenait à ses élèves à faire du feu dans la nature en plein mois d'août, malgré les risques d'incendie. Il proposait à ceux qui le souhaitaient des stages clandestins de tirs à balles réelles. Il n'était pas en règle vis-à-vis de l'Urssaf. Il n'a pas compris le danger quand il a senti l'amertume des légumes cuits par son stagiaire. Il a mal interprété les convulsions de ce dernier, il a pensé à une crise d'épilepsie. Il a fallu qu'un autre stagiaire se fâche pour qu'il se décide à appeler les secours.
« Ulysse Tâm Hà Duong est mort de votre amateurisme », résume le président. « J'y repense en permanence », murmure le colosse. Son avocate, Émilie Shilling, a demandé qu'il ne retourne pas en prison. Il a fait quatre mois de détention provisoire. Le procureur a requis trois ans de prison, dont six mois avec sursis, 16 000 euros d'amende et l'interdiction définitive d'organiser ce type de stage. Le jugement sera rendu le 3 avril."
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