Ces histoires m'évoquent ces vacanciers parisiens qui ont reproché un jour à mon grand-père d'avoir la mauvaise idée de faire la moisson l'été... parce que les bennes de grains sur la route, ça leur faisait prendre du retard sur la route des vacances.
Opposition entre le "consommateur" qui ne supporte pas d'être déranger dans sa façon de concevoir ses loisirs... et celui qui travaille, contraint de composer avec son environnement.
Argumentaire basé sur un jugement de valeur.
Travail VS loisir
locaux VS touristes
D'un coté, des gens qui travaillent, dont l'activité a été rendue plus compliquée par la présence d'un prédateur indésirable
De l'autre, des gens qui ne font que passer et qui aimeraient que leur lieu de vacances corresponde à ce qu'ils ont imaginé plutôt que de s'adapter à ce qu'ils trouvent.
Juste pour contrebalancer: Chez moi le berger et les moutons viennent en camion d'un autre departement, paturent sur l'alpage communal mis gracieusement à disposition par la municipalité idem pour les cabanes de fonction .. je ne vois pas pourquoi ils seraient prioritaires dans l'usage du pâturage. D'un point de vue strictement économique le tourisme rapporte beaucoup plus à la commune (gîtes,commerce,population jeune,ecole, medecin) et un" accident patou" fait clairement tache pour la reputation touristique...
Vision mercantile des choses... qui abouti généralement à faire de "la nature" un parc d'attraction aseptisé pour que les touristes claquent un max de pognon en un minimum de temps, (comme dans l'immense majorité des stations de ski), et peu importe les conséquences pour ceux qui y vivent ou en vivent...
C'est comme le livreur garé en double file bloquant la rue et qui lance "Moi je bosse !" (au type qui se plaint parce qu'il est déjà en retard pour aller au taf) ;-)
Comparaison inappropriée... puisqu'on parle ici de quelqu'un dont l'activité professionnelle est perturbée par un touriste de passage qui n'accepte pas de s'adapter à l'environnement dans lequel il s'immisce.
Et ça se discute parce qu'en réalité l'activité des bergers n'a pas de rentabilité économique: leur travail est financé par les impôts (et de ce point de vue il n'est pas évident que ce modèle survive aux contraintes budgétaires). Le randonneur, lui, ne coûte rien.
L'immense majorité des éleveurs et des paysans préfèrerait pouvoir vivre de leur activité... mais comme Tumiza, tu raisonnes de façon purement mercantile au lieu de t'interroger sur la finalité de l'activité.
Au passage, si la situation économique se détériore, le touriste disparaitra du paysage bien plus rapidement que l'éleveur à qui il reste davantage de possibilité d'auto-subsistance.
Comme souligne par Tumiza : on est dans un conflit d'usages. Et personne n'a absolument raison ou tort, il faut juste trouver des compromis raisonnables (le recours aux chiens en est un: pas mal de bergers préfèreraient sans doute qu'on bute les loups, comme jadis)
Tu omets un paramètre qui me semble essentiel: le touriste ne fait que passer, et il pourrait aussi bien aller ailleurs sans que ça change quoi que ce soit à sa vie... ce n'est pas le cas de celui qui y travaille.
De son point de vue le berger n'est pas du tout utile. Il n'entretient pas l'environnement: il le dégrade. C'est une nuisance.
Je serais curieux de savoir sur la base de quoi il porte ce jugement
(au passage, le lien ne fonctionne pas... le blog semble avoir été rendu inaccessible)
Par exemple les causses ont un paysage de steppe du fait de la destruction du couvert boisé, en raison de l'élevage. Le randonneur de passage, s'il ne fout pas le feu, fait moins de dégâts.
L'emploi du champ lexical "nuisance", "destruction", "dégrade" illustre un parti-pris à priori dans l'observation des faits...
Quoi qu'on en pense, le pastoralisme est pratiqué en France depuis plusieurs millénaire et tel qu'il est actuellement depuis plusieurs siècles... il a donc façonné le paysage d'un biotope anthropisé, dans lequel de nombreuses espèces se sont adaptées et installées.
Éradiquer le pastoralisme au prétexte qu'il aurait "détruit" le biotope provoquera aussi des destructions d'espèces
Alors bien-sûr, il y a aussi des comportements contestables parmi les éleveurs et les bergers, il y a des chiens de protection mal éduqués ou mal sélectionnés dont les réactions peuvent être difficilement prévisibles.
De mon coté, même si je côtoie les éleveurs et quelques bergers toute l'année, je ne suis qu'un randonneur... et même si, parfois, je suis déçu de ne pas pouvoir faire la sortie que j'envisageais parce qu'un troupeau se trouve sur mon itinéraire, il ne me viendrait pas à l'idée d'exiger du berger qu'il modifie sa façon de travailler à cause de moi.
Lorsque ça arrive, je cherche le berger pour discuter et à chaque fois que ça m'arrive, ça se passe très bien.
Je rebondis là dessus, je pense qu'il y a un compromis à trouver. Et j'ai aussi l'impression que nombre de soucis sont dû à l'augmentation de la fréquentation des sentiers de randos (pollution, non respect de propriétés privés et aussi incidents avec les chiens de garde de troupeau).
De ce que je vois dans le milieu montagneux où je vie, il y a 2 causes à cette augmentation de la fréquentation des sentiers de randonnée:
- réaction aux confinements successifs pendant lesquels un certain nombre d'urbain a souffert du manque de nature et de liberté...
- situation économique difficile qui impose de revoir la distance d'éloignement pendant les vacances et pousse les touristes à rester à l'intérieur des frontières
Dans les deux cas, on se retrouve avec un public qui vient moins pour découvrir un milieu que pour "consommer" une nature presque fantasmée (fantasme entretenu par les publications des influenceurs), et qui, dans l'immense majorité des cas, commet des fautes de comportement avec les animaux, n'ayant aucune idée du comportement normal d'un animal dans son milieu naturel.
On rencontre le même problème avec un certain nombre de néo-ruraux qui s'installent à la campagne sans imaginer une seule seconde qu'il leur faudra s'adapter à leur nouvel environnement.
Un autre truc sur l'utilité ou non du pastoralisme, je pense qu'on est très nombreux ici à utiliser des vêtements en laine. Je dois dire que par convictions (politiques et écologiques) je préfère quand cette laine est produite à côté de chez moi. La fin du pastoralisme voudrait dire la fin de la laine française (qu'on trouve déjà peu) à moins de garder les moutons dans des hangars (j'ai beau haïr les l214 et consorts, je suis pas pour autant pour des conditions d'élevages degueulasses).
On touche ici à l'opposition entre les activités "rentables" et les activités "utiles":
- dans l'immédiat, le pastoralisme est difficilement rentable, en particulier à cause des contraintes imposées et de la concurrence mondiale... même si j'observe autour de moi des évolutions
- dans une vision pérenne des choses, il me semble indispensable de conserver cette capacité... parce qu'elle contribue à une certaine vision de la subsistance humaine
Le jour où les touristes de la ville n'auront même plus les moyens de partir en vacances, ils seront probablement ravis d'être employés comme saisonnier à garder les troupeaux!!!