Suite à mon bivouac d'hier et à ma question sur le forum d'avant hier, je vous livre un petit retour sur mon premier bivouac neigeux, sous la forme d'un récit relativement détaillé (j'avoue que la synthèse n'est pas mon fort). Soyez indulgents svp, je suis encore relativement novice, et j'ai pas mal galéré
les conditions:
J’avais prévu de tenter un bivouac pendant ma semaine à la montagne, et il s’est avéré qu’hier était le jour le plus propice. Néanmoins, les conditions étaient quand même assez particulières, car il y avait plein de neige, mais qu’il faisait très chaud pour la saison, et que la température ne descendait jamais sous les trois degrés même au plus froid de la nuit. Du coup, tout est trempé, beaucoup d’humidité.
Récit:
Je pars de chez moi a 9h30, et je me dirige dans la forêt juste à côté de la station. Je marche 5-10 minutes et je finis par trouver un lieu qui me semble relativement plat, et pas trop exposé aux chutes de branche. J’ai pour objectif de me confectionner un lit surélevé avec quelques perches posées perpendiculairement sur deux buches pour m’isoler du sol et de tout ruissellement éventuel. J’avais déjà fait ce type de constructions pour faire des bancs.
Je suis confronté à un premier problème: il a beau faire relativement chaud pour l’altitude et la saison, il y a encore un bon mètre de neige accumulé lors des chutes précédentes, ce qui fait que quasiment tous les arbres et les branches mort(e)s sont sous la neige, impossibles à récupérer. Je me mets en quête d’arbres morts sur pied, mais les deux seuls présents sont immenses et j’ai vraiment peur de me prendre la cime sur la tête si je tente de les faire tomber. Je les laisse donc en place.
Le lit de camp de la honte:
L’heure commence à tourner et j’ai toujours pas de moyen d’isolation, ni de bois pour le feu. Je commence un peu à stresser, je suis crevé, et je prends alors une mauvaise décision (pas pour ma survie mais plutôt en termes d’éthique). J’ai remarqué qu’il y a plein de petits arbres qui poussent en touffe, pas comme un noisetier avec des touffes énormes, mais avec des groupes de 5 à 10 perches collées les unes aux autres. Je me dis que si j’en prélève une parmi les plus fines à chaque fois, en coupant proprement, c’est pas si grave que ça. J’essaye de minimiser à fond les dégâts (du coup je mets 3h à trouver les perches qui me semble les plus « éthiquement » prélevable), mais avec le recul le lendemain je me dis que c’était quand même con et que j’aurais plutôt dû tenter de me faire un matelas avec les branches mortes en bas des résineux. Ça aurait été plus rapide, sûrement plus performant, et j’aurais moins eu l’impression de retourner à l’époque de mes 9 ans quand je sciais n’importe quoi dans les espaces verts du coin avec la scie de mon couteau suisse. Pour ma défense, on était pas dans un endroit super sauvage et préservé. C’était en bordure de forêt à 5 minutes à pied des immeubles d’une station de ski (on entendait les cris des fêtards le soir), peu entretenu (ce qui pour le coup donnait une ambiance assez sauvage), entre deux routes, sans le moindre chemin, et fréquenté uniquement par des bambins qui viennent y faire des cabanes l’été.
Le bois, le feu, et l’humidité:
Bref, je clos l’instant confession. Je finis mon oeuvre vers 14h, j’avale un sandwich vite fait et je me mets en quête de bois pour le feu (pas de réchaud, donc si pas de feu, pas de dîner, et pas d’eau car mes 2 litres d’eau seront largement insuffisants vu l’effort que je fournis et le fait que j’ai besoin de 600 ml pour les pâtes).
Il fait beau et chaud pour la saison, (mais pas très chaud en absolu) du coup l’humidité est vraiment énorme, il pleut en permanence depuis les arbres et le polycoton de ma smock commence à devenir lourd et froid. Je parle même pas de mes gants de travail en cuir rembourrés polaire qui sont complètement imbibés. Je précise également à ce stade que je ne peux jamais quitter mes raquettes sinon je m’enfonce jusqu’au genou dans la neige mouillée, ce qui fait que tout prend beaucoup plus de temps et d’huile de coude.
Je finis par trouver un résineux déraciné et pas encore recouvert de neige à 100m du camp. Le temps d’ébrancher et de faire des buches, il est déjà 16h30, le soleil va bientôt se coucher. Je monte le tarp en canadienne au-dessus du lit de fortune, et je tente de démarrer un feu. Pour une fois je m’autorise des allume feu de barbeuc en sciure, mais du coup je surestime leurs capacités. Je ne prends pas la peine de fendre des buches et je tente de mettre des brindilles directement dessus, mais tout est trempé, forcément ça ne marche pas. C’est parti pour une séance de batonnage d’anthologie sur des bûches bourrées de noeuds, j’ai cru que mon rat 7 allait y rester.
Boire et manger:
Je finis par réussir à avoir quelques flammes, je m’empresse de mettre tout ce qu’il me reste d’eau dans la popote pour tenter d’arriver a faire bouillir le tout pour me faire des pâtes. C’est tellement la dèche d’eau et j’arrive presque au bout de mes réserves de bois batonnable, du coup je récupère l’eau des pâtes au cas où car je ne suis même pas sur de pouvoir faire tenir le feu suffisamment longtemps pour bouillir de la neige.
J’engloutis les pâtes et je pose la casseroles a peine lavée sur le feu avec un peu d’eau des pâtes, je rajoute de la neige (un peu sale, toute la neige parait sale quand c’est de la soupe) et je finis par obtenir un litre d’eau mi eau des pâtes mi neige sale, pleine de débris de feu et autres trucs louches provenant de la neige, bien bouillie pour la purifier. J’ajoute au tout une micropur, une pincée de sel et un sachet de tisane pour tenter d’avoir un goût potable. Et bah j’étais tellement content d’avoir réussi à alimenter un feu dans ces conditions que cette eau de pâtes et de neige à la verveine et au chlore avait la saveur des plus grands nectars (bon pour la couleur par contre on repassera).
A partir de ce moment (vers 20h30 je dirais), je commence à me détendre un peu, d’autant plus que cette fois c’est bon le feu est lancé, j’ai mangé et j’ai de l’eau, et je peux commencer à utiliser le bois (mort) humide, plus besoin de batonner. Je fais durer un peu le plaisir, je me refais un peu d’eau et je vais me coucher.
Le dodo:
La nuit se passe globalement très bien, j’ai eu un tout petit peu froid à un moment car mon sursac est trop serré pour mon sac de couchage duvet, mais en me mettant sur le coté de manière un peu plus compacte c’était réglé. Au final la nuit à été beaucoup moins humide que la journée, grâce à la baisse de température. J’ai eu aucun problème de condensation, après le montage en canadienne laissait vraiment bien passer l’air. Pas de froid ressenti en provenance du sol, sauf quand je dépassais des matelas.
Le lendemain, je me lève, je range tout, j’efface les traces autant que je peux, j’éparpille mon lit et je rentre à l’appart.
BILAN, enseignements:
-Je suis globalement assez satisfait, parce que malgré quelques conneries j’ai réussi à me débrouiller sur des conditions qui n’étaient pas faciles pour mon niveau d’expérience, c’était la première fois que je dormais dans la neige, j’étais tout seul, et tout était trempé. Si il avait plu par contre j’aurais abandonné, je pense que j’étais à la limite en termes de skills. J'ai vraiment bossé toute la journée, j'étais éreinté le soir.
-toujours fendre le bois quand les conditions sont mauvaises, ça évite de perdre du temps à souffler sur des brindilles trempées en espérant que ça prenne par la grâce du seigneur
-je regrette pas d’avoir pris la smock car je suis devenu accro aux poches, mais pareil, déjà que c’était un peu dur à gérer, si il avait plu ça aurait été un enfer, même avec poncho. J’avais quand même une veste imper-respi au cas ou dans mon sac.
-quand on a un lit surélevé, bien penser à mettre la faitière plus haut que d’habitude, la c’était un peu limite niveau confort, avec en plus un sursac
sans fermeture, je me suis bien contorsionné.
-gérer des gants de travail en milieu neigeux/humide, c’est compliqué. Je les gardais tout le temps sur moi pour garder au chaud tant bien que mal l’intérieur avec la chaleur de mes mains mais je les ai posés une fois par terre, quand je les ai récupérés et que je les ai mis j’ai eu envie d’abandonner. D’autant plus que des gants en cuir comme ça (delta plus venitex) sont quasi impossibles à sécher sur le terrain; après plusieurs heures au coin du feu ils étaient un peu plus chauds mais encore trempés. Mais si on les maintient au chaud, l’humidité est gérable, j’ai l’impression que ça isole quand même. J’étais quand même content d’avoir une paire de gants thermiques sèche en plus au cas
-si il y a beaucoup de neige, ça peut être très galère de trouver du bois mort car tout est recouvert et il n’y a pas tout le temps d’arbres morts sur pieds aux dimensions permettant un abattage sécurisé
-quand le sol est très froid, il faut un matelas suffisamment long. Dans mon cas les matelas faisaient pile ma taille ce qui fait qu’en bougeant je me retrouvais souvent avec la tête ou les pieds en dehors, et la je ne tardais pas à le sentir.
-Pas mal d’amertume d’avoir coupé du bois vert, je me suis trop mis la pression et je m’étais dit que je ferais ce lit de camp coute que coute, la prochaine fois je m’adapterai plus intelligemment aux conditions, je gèrerai mieux le stress - qui n’était pas un stress de survie car pas loin de la station mais plutôt le stress de l’échec et de devoir rentrer le soir car pas d’abris et pas de feu - pour ne pas faire peser l’adaptation aux imprévus (ici la relative absence de bois mort accessible) sur la pacha mama. Sinon le lit de camp, malgré son origine peu éthique, a très bien fonctionné pour l’isolation et le protection d’un éventuel ruissellement
-l’eau des pâtes un peu diluée, ça passe
-pisser dans la bouteille, c'est un kiff absolu (par rapport à l'alternative j'entends), et c'est pas si dur que ça de le faire proprement