Comment faisaient les forgerons de l'Age du Fer pour évaluer la nature d'un métal & déterminer le traitement approprié?
J'imagine que leur matière première n'était pas homogène.
Parce qu'avec les moyens de chauffe & de trempe à ma disposition, je devrai pouvoir obtenir des résultats moins aléatoires.
A priori, c'est plutôt que je les utilise mal.
En premier lieu on doit comprendre qu'il est difficile d'analyser des artefacts en fer/acier ancien. On dispose d'un échantillon faible, le plus souvent c'est très oxydé (et donc certaines parties disparaissent plus vite que d'autres) et on maitrise mal les phénomènes métallurgiques soumis à un temps très long.
A priori, la trempe était rarement maitrisée à l'age de fer. Nombre de lames étaient simplement écrouies, parfois un peu aciérée par cémentation ou bien bénéficiaient par hasard de matière durcissante (phosphore).
Dans les livres cités parlant des lames au moyen âge, ce qui apparait c'est que les lames sont très médiocres, très peu homogènes dans leur composition et (par conséquent) le TT aléatoire. Mais il y a des exceptions, sans que l'on sache si c'est voulu ou si c'est le hasard. Ceci dit, elles faisaient le taf.
A coté de ça on connait des lames remarquables de cette époque, mais ce sont des armes de prestige. Si dans 500 ans on inspecte un Ferrari ou une Rolls préservées dans un musée, il ne faudrait pas en tirer une conclusion sur la voiture de monsieur tout le monde en terme de performance et d'assemblage.
Ce qu'il faut comprendre c'est que l'acier dont on dispose aujourd’hui est de grande qualité, super homogène et sophistiqué au niveau de la composition. Par rapport à ce qui se faisait il y a une centaine d'année.
Par exemple le "XC75" qui est pour la majorité un "simple acier au carbone" a en fait un ingrédient fondamental en plus souvent oublié et assez récent : le manganèse. En son absence, peu de coutelier et encore plus de forgeron/coutelier arriveraient à tremper convenablement une lame de nos jours.
Et ce "XC75" En plsu du manganèse est presque exempt de soufre, phosphore et autres impuretés qui en très petites quantités rendent une lame m*rdique (cf. le Titanic).
Comment faisaient les anciens?
Ils faisaient comme ils pouvaient. Tout d'abord arriver à produire une truc plus ou moins aciéré à partir de minerais travaillé au bas fourneau était un tour de force.
Selon le minerai, le combustible, le four on récupérait une masse informe de fer/scorie/partie aciérée. Puis s'en suivait un extrêmement long travail de martelage afin d'éliminer les scories. Il fallait la découper et à son aspect visuel, contact au marteau, étincelles, bruit et test à la lime...on mettait de coté les parties les plus utiles.
Les parties de fer aciérées plus ou moins identiques (fer aigre, fer doux...) et valables étaient amalgamées à la forge, plus ou moins bien.
S'en suivait souvent une phase de cémentation et de traitement thermique plus ou moins bien mené ou un simple travail à froid.
Si le matériel de base était homogène (minerai local bine connu, fer de marais, minerai réputé et disposant de traces de composant utile sans que l'on sache pourquoi) et que l'on disposait d'une ENORME expérience auprès d'un BON maitre....on pouvait sortir une lame valable passant les tests.
La connaissance se limitait à l'imitation et se basait sur l'oral :
"Tu maintiens ta lame loin du souffle de la bête plongée dans la noirceur et quand ta lame reflète la couleur de la gorge de pigeon à l'automne, tu récites les 30 premières strophes du livre sacré puis tu la plonges dans de l'eau sanctifiée en récitant des mantras et en tremblant comme il se doit. Au bout de 30 respirations de cheval tu la présentes devant l'expression d'Ormuz jusqu'à ce qu'elle prenne la couleur du soleil couchant suivant la pleine lune des semailles sur la montagne de l'ouest."Cette situation a perduré chez nous jusque vers les années 1700, sauf exception. Par la suite, avec la révolution industrielle on a eu un énorme progrès grâce à la méthode scientifique (travail sur des produits homogènes, essai-erreur, maitrise des conditions de réalisation).
Mais ce n'est que vers la fin du XIX siècle que l'on a commencé à comprendre ce qui se passait vraiment. Et des termes comme bainite, martensite, austénite....c'est seulement au XXème qu'ils sont arrivés.
Et si on prend un acier standard de la première moitié du XXème genre D2, A2, 01 : c'est généralement de la grosse daube par rapport aux mêmes aciers sortant actuellement d'un aciérie réputée.
L'acier moderne est plus constant dans sa composition, plus pur, sans agrégation...etc.
Si tu rates des trucs c'est probablement que tu manques de pratique, que tu es passé à cote d'un truc (ex: normalisation) ou que tu es passé à coté de quelque chose en matière de tour de main (ex : éviter les phénomènes de coalescence) ET surtout que tu utilises des matières premières inconnues et différentes.
Or, le TT sur un acier XC75 n'a rien à voir avec du C130 ou du A2 ou du D2....sans parler des aciers cémentés ou inox. Déjà, il faudrait employer des appellations normées modernes et pas ces appellations hors norme et très vagues.
Reste une question : force est de constater (puisque nous sommes là) que les lames approximatives du passé faisaient finalement le taf.
Par conséquent le moindre couteau actuel est souvent plus que suffisant et on fait probablement beaucoup de "surqualité".
Mais c'est aussi parce que la motivation ayant mené à l'achat de ces outils correspond souvent des besoins élevés sur la pyramide de Maslow.
Enfin, même avec une lame extraordinaire, si on fait une c*nnerie, elle va casser, s’ébrécher, s'user... Ce qui amène à la conclusion habituelle, les bonnes pratiques sont plus importantes que le matos.
Mais comme on a tous déjà des pratiques excellentissime,

...il faut bien progresser en utilisant du meilleur matos.
