Déjà j'aime bien, il a l'air honnête.
On va pas jouer à la refaire à sa place depuis nos fauteuils. Mais je trouve intéressant de se projeter dans le brouillard de l'instant vécu, et à défaut de réponses, se demander quelles questions on se poserait à sa place.
En italique mes redites des passages clés de la vidéo.
Vents prévus à 60 km/h. Il y va. Il plante sa tente. Dedans il regarde son téléphone. Il a du réseau. Mise à jour des prévisions : 160 km/h. 
Ce qui n'est pas trop surprenant pour la région quand-même, en hiver les vents de nord atteignent plusieurs fois par mois 200 km/h à proximité des sommets. Faut être prêt à ça. Mais inhabituel quand, comme là, le vent vient du sud, et a fortiori il se pensait un peu protégé en s'étant installé sur le versant nord du Ben Nevis.
Une tente d'expédition en bon état endure normalement 200km/h à condition d'être bien ancrée. Même avec la meilleure toile et la meilleure structure, aucune tente n'est plus solide que ses ancrages. S'il y a des rochers, les utiliser. Si on peut faire un petit mur de neige au vent pour soulager un peu la pression sur la tente, c'est vraiment mieux.
Avec une pause et en regardant bien, on arrive à voir qu'il a bien installé les haubans. J'ai eu des clients qui sont revenus avec des arceaux cassés en me disant qu'une tente était de la m*rde, et quand on a regardé, les haubans étaient encore noués comme au jour de l'emballage de la tente neuve.
Il s'inquiète, appelle un gardien d'un refuge pas loin, le gardien lui répond que le refuge est fermé et verrouillé, et lui recommande de quitter la montagne de nuit parce que la tempête va encore empirer.Ma pensée : un refuge, même fermé, offre un obstacle au vent.
Autre pensée : marcher avec un vent de 160 km/h, en terrain accidenté et gelé, c'est pas facile. On se retrouve plus souvent à s'accroupir sous les rafales en attendant que ça passe. Et de nuit, ça j'ai pas encore essayé, mais y'a aucune raison que ce soit pas pire. Et donc s'il doit bouger il doit prendre la décision tout de suite. Bouger ou pas bouger ? Maintenant. Si bouger : son sac énorme et "mal fagoté" doit mentalement peser en défaveur de la décision, mais explicitement il justifie bien le choix par la météo, l'obscurité, et le terrain accidenté. Si pas bouger : renforcer l'ancrage de la tente, et faire son sac à l'intérieur et être équipé pour bouger immédiatement. Le gars dit à un moment qu'il a fait son sac, mais un peu après il parle de ses affaire éparpillées. On peut imaginer qu'il a commencé à suivre la démarche, mais pas jusqu'au bout, en s'accrochant encore à l'idée d'une bonne nuit de confort. La détente mentale n'avait pas encore fait clic.
Y'en a plus haut qui proposent d'attendre dehors. Je vois pas trop l'idée. Tant qu'elle est debout, la tente le protège du vent froid qui tue. Dehors y'a pas bien d'endroits où se mettre, ce serait comme attendre dans le radeau de sauvetage en pleine tempête alors que le bateau flotte encore.
Sur les premières heures de nuit (avant minuit) il était déjà sorti plusieurs fois pour replanter les piquets qui sortaient progressivement du sol. Mais ensuite il s'est endormi. Et il a été réveillé par le mouvement de sa tente qui roulait, les piquets s'étant libérés du sol.Bon on est tous d'accord qu'au vu de la nécessité de replanter les piquets plusieurs fois en quelques heures, c'était une énorme connerie de s'endormir alors que la tempête forcissait encore.
On sait aussi que sans quelque chose pour nous stimuler, bin la nuit on peut avoir tendance à s'endormir... Perso je pense que, voyant le besoin de faire des rondes fréquentes sur les piquets, j'aurais au moins mis un réveil, et plus certainement renoncé au sommeil, fait du café (il avait l'équipement), bougé souvent, et peut-être trouvé un moyen de créer de l'inconfort pour rendre le sommeil moins facile. Les conditions dehors étant suffisamment hard pour que l'abandon de l'abri soit la toute dernière option, mais l'abri montrant ses limites, la sagesse à partir de là était de mettre une énergie sérieuse à entretenir l'abri en continuant ses rondes mais aussi en faisant ce qu'il peut pour renforcer les ancrages et protéger progressivement la tente avec un muret de neige.
Ses godasses avaient été dans le vestibule. Après que la tente l'ait promené et qu'il ait réussi à en sortir, les chaussures étaient resté là où elles étaient. Il a tant bien que mal attaché sa tente le temps d'aller les chercher, mais l'attache a lâché pendant qu'il était en train de revenir avec les grolles aux pieds et la tente s'est envolée. Il avait heureusement préparé un sac d'urgence qu'il avait posé hors de la tente, pour cette éventualité. La tente s'est envolée à grande vitesse, pas imaginable de la retrouver ensuite.Franchement, quand on en est là, je pense que t'façons y'a plus de solution élégante... Il a fait la seule chose à faire : embrasser de tout coeur la déroute.
Ses vêtements sont mouillés. La détente mentale se déclenche pour lui à se moment là. Il décide de descendre en urgence. Pas de chemin à suivre, pas de visibilité, il utilise son GPS pour marcher "aux instruments" jusqu'à un chemin à moins de 2km de là. Ce parcours implique de traverser des torrents, se déplacer sur un terrain en pente, glacé et trempé, sans son équipement de glace, avec de la grèle dans la gueule, "it wasn't fun". Ses pieds sont esquintés par ses chaussures. Il est souvent tenté de faire une pause, mais il sait que s'il s'arrête même juste un peu sa température corporelle va s'effondrer et ce sera fini pour lui. Plus tard, même une fois rejoint le sentier, il a encore plusieurs kilomètres à faire. Il est certain que ses bâtons de marche lui ont évité plusieurs chutes, plusieurs fractures, et donc l'hypothermie par immobilité.Respect. Il a fait le boulot.
Arrivé en ville en pleine nuit il a trouvé un hôtel H24. Arrivé à l'accueil, il réalise que son portefeuille était dans la tente. Heureusement il avait son téléphone, il a appelé des copains qui ont payé pour lui. Plus tard son portefeuille a été retrouvé par un gars qui passait là.En tous cas, quel gâchis d'une bonne tente !

C'est pas le tout d'avoir le bon matos. Le bon matos, il est juste tout en haut de la pyramide des démultiplicateurs de chance.