Bonjour,
On me demande de retranscrire le texte suivant sur Sarah Marquis.
J'en profite au passage pour annoncer qu'elle donne une conférence sur Bruxelles lundi soir prochain, 25 janvier. Plus d'infos ici :
http://www.mauricelaventure.be/project/sarah-marquis-sauvage-par-nature/Bonjour,
Je souhaite partager avec vous quelques morceaux choisis du récit de la dernière aventure de Sarah
Marquis, « Sauvage par nature ».
Choisis non sans mal, car j’ai dévoré son livre sans pouvoir m’arrêter, insatiablement curieux de savoir ce
qui se passerait le jour, la semaine, le mois suivant… Et oui ! Voilà une femme qui, seule, va traverser la
moitié du globe terrestre en passant par les coins les plus arides, les plus froids, les plus désertiques, et
parfois si dangereux, à la seule force du courage, à porter un sac de 20kg sur le dos et à tirer une charrette
de 50kg derrière elle, traversant des déserts de sable, de neige, de terre et cailloux, des montagnes, des
zone humides, des forêts subtropicales, …etc. Et ce, en ne mangeant pas de viande, détail qui a son
importance me semble-t-il.
Sarah Marquis est née en 1972 à Delémont – Suisse.
2000 : Du nord au sud de l'ouest des États-Unis, 4260 km en 4 mois en passant par les Montagnes
rocheuses et le Désert des Mojaves.
2002-2003, « L'aventurière des sables » : Traversée des déserts australiens (14 000 km en 17 mois).
2006, « La voie des Andes » : Cordillère des Andes, du Chili au Machu Picchu (7 000 km en 8 mois).
2010 / 2013, « Sauvage par nature » : De la Sibérie à l'Australie en passant par la Mongolie, le désert de
Gobi, la Chine, le Laos et la Thaïlande (1000 jours de marche).
En 2013, elle est nominée " Aventurière de l'année " par le magazine National Geographic.
Je ne vais pas plus m’attarder sur la biographie, vous trouverez tout ce qu’il faut et bien mieux sur le net.
Mais ce que vous ne trouverez pas, c’est les 4 extraits que je vous retranscris ici, après avoir recueilli son
autorisation bien évidement.
J’espère que je vous donnerai envie d’aller plus loin dans la découverte de cette femme exceptionnelle.
Sa nouvelle expédition commencera en juin : De l’est à l’ouest des Kimberley, 4 mois de survie 100%.
Seule, elle évoluera sur des terrains hostiles et sauvages et se nourrira d’insectes et de plantes.
Site / Expédition 2015 :
Une dernière chose avant les extraits, elle dédie son livre « à toutes les femmes de par le monde qui
luttent encore pour leur liberté ».
Eau, où est tu ? (P.34)
Je me trouvais en Amérique du sud lors de mon expédition « la voie des Andes », 8 mois de marche sur la
cordillère. Je remontais une vallée caillouteuse, difficile. Le gris minéral brut dominait aussi loin que mes
yeux pouvaient voir. Le vent, par-dessus tout, était constant et usant. Je scrutais le paysage à la recherche
d’eau mais, dans tout ce gris, rien ne ressemblait à la vie. Je pensais alors que, s’il y avait de l’eau, il y aurait
la présence de la vie, et donc logiquement, de la végétation. Je cherchais ainsi du vert ou un simplement
changement de couleur dans le paysage, mais rien…
Selon ma carte topographique, une rivière d’une certaine importance doit arriver par l’ouest et s’couler
dans la vallée que je remonte en direction du nord. Ce n’est pas la première fois que ma carte
topographique (ancienne) m’annonce des rivières devenues des lits de cailloux. Je décide de m’arrêter et
de manger quelque chose. Je sais que je devrais marcher ce jour jusqu’à ce que je trouve de l’eau. Après un
grignotage rapide et une petite sieste, je décide de grimper sur le tas de pierres de 5 m de haut qui est
juste là, à quelques mètres. (D’ordinaire je passe toujours les obstacles qui se trouvent devant moi avant
de manger ou m’arrêter).Je mets donc mon sac à dos et me propulse au sommet en faisant attention à la
bonne synchronisation de mes mains et de mes pieds. Lorsque je relève la tête, le spectacle devant moi me
coupe le souffle : une rivière de montagne peu profonde mais large (comme sur ma carte) s’écoule
vigoureusement… La leçon que je reçois ce jour-là vaut toutes les leçons de survie. Mais pourquoi n’avais-
je pas trouvé cette rivière ? J’avais demandé à mon esprit de chercher de la verdure, en pensant que c’était
ce qui m’amènerait à l’eau. Vraiment ? Il a donc fait exactement ce que je lui avais demandé. Sauf qu’à
cette altitude il peut y avoir de l’eau et pas de végétation (c’est donc ce que j’ai appris ce jour-là). J’avais
commis la plus grande des erreurs !
Orage en Mongolie (P.75)
Ce soir-là, je dois à plusieurs reprises changer de campement. Le vent change de direction et d’intensité. Il
me faut impérativement dénicher un endroit adapté. Je remonte le long de l’unique formation rocheuse,
une formation de mini pics bizarroïdes qui sortent du paysage. Je ne veux pas me laisser surprendre par
l’orage, alors j’amarre ma tente au sol avec tout ce que je trouve. Satisfaite, je regarde le ciel qui
s’assombrit. Je me glisse dans ma tente, c’est l’une des plus robustes du marché. J’ai par précaution creusé
des rigoles tout autour pour permettre à l’eau de s’évacuer rapidement, au cas où il en tomberait de
grandes quantités. Mais j’ai un mauvais pressentiment, je sens que ça bouge anormalement dehors. Une
ouverture de quelques centimètres me suffit pour comprendre : Le cauchemar ! Le pire, je pense à ce
moment-là (mais l’avenir me prouvera le contraire). Un mur opaque progresse dans ma direction, il n’est
plus qu’à 10 m, et c’est… de la grêle ! Le pire ennemi pour une tente. Je remets mes chaussures aux pieds
dans l’urgence, je suis prête à évacuer au cas où ! A peine mes chaussures aux pieds, voilà que ma maison
de toile semble se tendre depuis la base. J’ouvre rapidement ma première toile et, horrifiée, je me trouve
face à une coulée de boue qui arrache tout sur son passage. L’adrénaline parcourt mon corps en un éclair.
Il faut agir, et vite. J’entends ma tente émettre des bruits que je n’avais encore jamais entendus, elle lutte.
Je jette de toutes mes forces mon sac sur un promontoire à proximité. Je n’y crois pas ! Je déploie toutes
mes forces pour extirper ma charrette avant que ce monstre ne l’engloutisse complètement et moi avec. Je
lutte, elle ne m’aura pas comme cela. Je me jette à terre sur le côté pour m’accrocher au sol, en tirant de
toutes mes forces sur l’un des manches de la charrette. La force que dégage ce torrent de boue est
extraordinaire, je piétine, je glisse, je rattrape le manche qui me file des mains. Cela ne dure que quelques
minutes, qui me paraissent une éternité, puis tout s’arrête, l’orage est passé. Aussi soudainement que cela
a commencé. Une douce petite pluie fine caresse mon visage, le monstre est passé ! Je reprends mes
esprits. Je me laisse tomber de tout mon corps, je suis épuisée mais je n’ai pas lâché le manche de ma
charrette, elle est là saine et sauve. Je lance un cri de victoire ! J’ai gagné cette bataille-là !
Je hurle : « Mongolie ! Tu ne m’auras pas ! »
Misty Mountains / Australie du Nord (P.237)
Je traverse les Misty Mountains baignées dans le brouillard où le vert domine. Je suis à l’affût des moindres
bruits. Ici vit le très rare kangourou arboricole Dendrolagus Lumboltzi. Je dors chaque nuit au fond de ces
forêts lugubres et humides, entourée de créatures qui frôlent ma tente pendant la nuit.. En cette fin de
journée, je suis mouillée jusqu’aux os : le soleil n’a pas daigné venir me sécher durant la journée comme il
l’avait si ponctuellement fait jusqu’ici. Cette forêt ne ressemble pas aux précédentes, même le jour elle est
sombre et dense. Les dénivelés ont été conséquents depuis ce matin, au point que dès que je m’arrêtais,
j’avais froid. Alors j’ai évité les pauses. Mais maintenant j’ai faim, soif, et mes os me font mal à cause de
l’humidité. Je cherche désespérément 3 m² pour poser ma tente. Je décide de forcer le destin et me
contente d’un minuscule promontoire. Ma tente ne sera pas tendue idéalement mais elle tiendra. L’eau
tombe du ciel à présent avec insistance. Je ne peux même pas ouvrir mon parapluie, les branchages m’en
empêchent. Je monte ma tente aussi rapidement que possible. Soudain un énorme serpent bien
grassouillet glisse d’un arbre juste là devant moi et continue son petit bonhomme de chemin. Il fait
maintenant presque nuit, je me glisse dans ma tente complètement détrempée. Une fois à l’intérieur,
j’allume ma lampe frontale pour découvrir que je ne suis pas seule mais accompagnée de sangsues jaunes
et noires…
Je me fais un bon thé chaud et plonge dans de l’eau bouillante un de mes fameux sachets de noodles
prévus pour ce genre de circonstances et j’oublie déjà les baisés intéressés de ces tigresses. Je passerai la
tente au crible avant de dormir, pour être sûre qu’elles ne feront pas une orgie sur mon compte.
Butterfly Springs / (P.272)
En fin de journée, je me dirige vers cette piste de terre, et 1.5 km plus tard j’arrive à Butterfly Springs. La
roche collecte soigneusement l’eau des pluies qui remplit ce bassin sur sa partie est, tandis que le sable
forme une plage sur la partie ouest. C’est un plan d’eau situé au milieu d’anciens eucalyptus qui s’élancent
dans le ciel. Je me laisse tomber dans cette eau douce tout habillée. Je m’empreigne de ce paradis isolé de
tout, la tête dans les nuages… Le coucher de soleil colore la roche d’un rouge orange inoubliable. Je dresse
mon camp et retourne me laver cette fois toute nue au milieu de la nuit, la lune est apparue juste au-
dessus de la paroi rocheuse. Elle est belle et pleine. Je batifole dans l’eau et retrouve mes instincts
profonds, je me sens connectée à plus grand que moi. C’est de toute beauté. Je me laisse flotter encore un
peu en regardant les étoiles et décide de retourner au camp à 400 m. Je reste pieds nus. J’allume ma lampe
frontale et progresse sur le sable mou, entre les buissons. Tout à coup je repère dans le faisceau de ma
lampe deux magnifiques serpents blancs avec des zigzags brun clair qui se déplacent la tête hors du sol en
ondulant. J’ai tellement de chance de les voir, même à 1.5 m de mes pieds nus, pensé-je (oups). Un gecko
aux yeux de chat se lèche les babines à quelques pas de ma tente. J’en suis troublée, l’isolement de cet
endroit laisse la nature et la faune respirer et s’épanouir. Je m’en vais avec un regret au petit matin …