Bonjour,

quand j'étais encore étudiant, voici 28 ans (!), je m'étais inscrit dans un centre de Préparation Militaire Air. Pour les plus jeunes qui n'ont pas connu les joies du service national, cette préparation permettait d'obtenir une année de sursis (que je n'utiliserai finalement pas mais on s'en fiche), mais aussi d'avoir plus de chance de choisir son affectation et d'intégrer soit le PEG (peloton d'élèves gradés), soit une école EOR (élève-officier de réserve). La formation se déroulait durant plusieurs samedi (une dizaine ?) et se clôturait par une semaine complète dans un camp d'entraînement. Dans mon cas, la semaine s'était déroulée en avril 1988 au camp de Chambaran, dans l'Isère, où se retrouvaient plusieurs PMAir des bases aériennes de la région. Au menu : préparation physique, maneuvres à pied, formation au commandement, tir, course d'orientation, entre autres joyeusetés. Une journée sur le terrain, pompeusement baptisée Raid commando de 24 heures, terminait l'entraînement.

C'est de cette journée, et plus particulièrement de cette nuit, dont je veux vous parler.
Après perception de l'armement : la bonne vieille MAT 49, un unique chargeur garni de cartouches à blanc et une seule grenade à plâtre, nous enchaînons marche, différents ateliers (lancer de grenade inerte...) et, clou du spectacle, un exercice de combat (prise et défense d'un village factice). En début de soirée, nous touchons une ration de combat (les vieilles avec clopes et flacon de gnôle !) et mangeons sur le pouce. Le problème est que nous sommes partis avec seulement notre bidon réglo de flotte et que nous ne pouvons pas ravitailler. Il ne nous reste pour la plupart qu'un tiers de litre d'eau. Nous souffrons déjà de déshydratation.

Vers 20H00, il me semble, nous partons pour une marche de nuit en colonne par un. Le lieutenant K., grand gaillard athlétique, béret cocoï vissé sur le crâne, kway camouflage, brêlage et sac F1 chargé à bloc, véritable gravure de mode (avec nos casques lourds et nos parkas, nous sommes tous jaloux

), ouvre la marche et file un train d'enfer. Nous suivons comme nous pouvons, nous tordant les chevilles dans les sentiers semés d'énormes cailloux. La nuit survient, sans lune et sans étoiles, nous obligeant à nous tenir les uns les autres pour ne pas perdre le contact. Toujours la même cadence infernale. Enfin, brutalement, un arrêt qui s'éternise. Nous mourrons de soif et en profitons pour vider nos bidons. Nous repartons en perdant la notion du temps. Puis, venues de nulle part, des grenades à plâtre éclatent et des rafales à blanc de AA52 retentissent autour de nous. Énervés et fatigués, sans munitions, nous répondons par des jurons aux gradés invisibles qui s'amusent à nos dépens !

Enfin, nous faisons halte à un carrefour dans un bois où nous percevons chacun un demi-litre de café. Assoiffés comme nous le sommes, nous tendons avec empressement notre quart, avalons péniblement quelques gorgées et.. balançons avec rage et désespoir le précieux liquide au loin. Le breuvage est absolument immonde ! Le truc impossible à avaler ! Un vrai supplice de Tantale.

Nous repartons et poursuivons la marche. Une voiture balai arrive et ramasse quelques éclopés. Nous ignorons superbement les chefs qui nous narguent en nous proposant de monter pour en finir.

Enfin, après une grande boucle, nous revenons au village d'entraînement pour y finir la nuit. C'est là que les choses "amusantes" commencent, ce long préambule n'ayant pour objectif que de vous placer dans l'ambiance du moment et de vous faire réaliser l'état physique et psychologique dans lequel nous nous trouvions.
Chaque groupe de combat est affecté dans une baraque pour le bivouac. Imaginez un cube en moellons, avec un sol en ciment, les fenêtres et la porte n'étant que de simples trous vaguement fermés par des volets de bois. Une seconde pièce est délimitée par une cloison avec une ouverture sans porte. Au-dessus de nos têtes, on aperçoit la charpente et le toit en tuile.

Nous sommes au printemps. La température frôle les zéros degrés, avec beaucoup d'humidité d'après mes souvenirs. Heureusement, il a fait beau toute la journée.
Habillement :Comme la plupart de mes camarades, je suis en mode tout coton.
- Slip coton
- Tee-shirt coton
- Chemise réglo F1
- Pantalon et veste Armée de l'Air (veste zippée et 4 poches fermées par boutons pression)
- Ceinturon toile
- Grosse paire de chaussettes (ou deux ?). Elles seules sont en laine
- Rangers
- Parka F1 avec capuche
- Casque lourd (on y avait échappé toute les semaine, pas cette fois)
- Poncho en PVC
Total look bidasse des années 70, bien déprimant, et bien humide après une telle journée passée à mariner dans nos tenues.
Équipement : Pas de sac de couchage, pas de matelas. Rien, que dalle, nada ! Juste la gourde F1 et son quart accroché au ceinturon.
Un seul soldat du groupe portait un sac à dos pour transporter les ponchos en cas de pluie et c'est tout.
Dans les poches, pas grand chose : cuillère, quart pliant suédois, couteau pliant, paquet de kleenex. Peut-être un briquet ? Un peu juste pour passer la nuit. Je ne connaissais pas à l'époque M. Manise. Nous subissons une sorte de N3+ avant l'heure...

Nous nous répartissons dans la baraque en nous demandant comment nous allons bien pouvoir dormir dans de telles conditions. Les gradé nous ont mis en condition en laissant sous-entendre qu'on pourrait bien avoir une surprise durant la nuit. Ou pas...

Je choisis un coin de la pièce, étale mon poncho par terre, dans une tentative dérisoire de trouver un peu de confort et d'isolation et je m'allonge. Je mets ma capuche, glisse mes mains dans les poches et c'est parti pour une nuit infernale. La moitié du groupe finit par s'endormir ou somnoler. Je soupçonne certains d'avoir des sous-vêtements plus appropriés que les miens. Un malin a emporté une couverture légère de survie qu'il a étalée sur lui. Il ronfle paisiblement. Ça m'énerve, moins de l'entendre que de constater qu'il parvient à se reposer ! J'ai commis l'erreur de garder mes rangers au pied, de peur d'avoir froid en les otant et craignant un réveil en urgence. Elles me serrent trop et gênent ma circulation. Je finis je crois par les désserrer mais ça ne va pas non plus.

La couche est dure, glaciale, je me tourne dans tous les sens. J'essaie d'utiliser le casque comme oreiller mais il est trop haut et trop dur. En désespoir de cause, je me retrouve assis sur mon casque, adossé à une paroi, en maudissant ma situation. J'ai mal aux fesses. J'essaie de caler ma tête qui bascule continuellement. Dans la pièce à côté, je vois que les copains ne valent pas mieux. Je finis par les rejoindre. Nous achèverons la nuit assis, en brûlant devant nous les emballages en carton de nos rations arrosés de gnôle pour nous réchauffer trop brièvement (*).

Le lendemain matin, épuisés, nous avons repris la marche et sommes rentrés au camp.
Question :J'en arrive au principal. J'ai souvent repensé à cette nuit mémorable et comment j'aurais pu améliorer ma situation. J'en ai même parfois rêvé !
Et vous, qu'auriez-vous fait à ma place ? Comment auriez-vous optimisé votre tenue et votre couchage ? Quel petit matos et pièces d'habillement prendriez-vous et comment l'utiliseriez-vous ? J'ai quelques idées mais je vous laisse vous exprimer. Vous avez 4 heures !

(*)Concernant ce dernier point, je ne me rappelle plus comment leurs restes ont atterri ici : sans doute nos baraques nous ont-elles été attribué avant la marche et nous les avons déposées à ce moment ? Mais ceci est sans importance.