L'ajout d'azote au charbon ne donne pas nécessairement de bons résultats. Pour mémoire une étude a été menée sur un panel de variétés de riz et 4 traitements :
-Sans vers de terre, avec NPK
-Sans vers de terre, sans NPK
-Avec vers de terre, sans NPK
-Avec vers de terre, avec NPK
Les meilleurs résultats (en production de biomasse totale il me semble) ont été obtenus "avec vers de terre, sans NPK" et de loin même en moyenne. Il été aussi mis en évidence une très grande variabilité en fonction des variétés, certaines valorisant beaucoup mieux l'apport de charbon que d'autres.
Étant donné que dans le charbon une bonne partie du carbone n'est pas consommable par la boite microbienne, il n'y a pas la même compétition entre C et N que lorsqu'on apporte du carbone qui sera consommé. Il n'y a donc pas les mêmes risques de faim d'azote et pour une fois C/N n'est pas un indicateur pertinent. Il faudrait pouvoir distinguer le carbone "noir" (non consommable) et le carbone consommable.
N'oublions pas que les processus en jeu dans une terra preta sont très mal connus, notamment l'impact sur les cycles biogéochimiques et celui de l'azote en particulier. Le processus qui amène la matière organique à s'accumuler sous une forme non consommée, sans acidification ni bloquage d'éléments minéraux, est encore inexpliquée également (à moins qu'il y ai eu du nouveau récemment). Ce dernier phénomène conduit la terra preta a s'épaissir par le dessus suite à une accumulation de carbone, alors que jusque là les seuls processus pédogénétiques connus qui aboutissent à l'épaississement se font par le dessous (à partir de la roche-mère) ou par accumulation de matière organique en conditions anoxiques, froides ou très lixiviantes.
De la même manière, il n'est pas dit que la capacité d'échange cationique (CEC) du charbon soit seulement dû à sa porosité (particulièrement importante lorsqu'il est "actif"). Il est possible que le gain de CEC dû au charbon soit en partie le fait de la graphite qu'il contient : il s'agit de feuillets (comme l'argile) de carbone quasiment pure (du graphène), qui présente un grand nombre de sites négatifs (donc capable de fixer des cations). La graphite n'est pas dégradable, je ne sais de quel fait (C/O trop faible ?), et pourrait être la forme que prend le carbone organique lorsqu'il s'accumule. Cela équivaut plus ou moins à former des "argiles organiques", ce qui serait à l'échelle du vivant tout entier une révolution majeure : car jusque là la vie n'a pas été capable de se prémunir d'une dégradation du sol en milieu lessivant à l'échelle des temps géologiques (problème surtout tropical et équatorial, mais également circumpolaire).
Le principal problème que soulève l'usage à grande échelle du charbon comme amendement, c'est qu'il nécessite énormément de bois. Or la France, pays pourtant boisé, connaîtra sans doute une pénurie de bois d’œuvre dans les prochaines décennies, et les sources de bois de chauffages risquent de se tarir également dans beaucoup de régions (surpopulation). L'usage du charbon comme amendement risque donc fort d'entrer en compétition avec les autres usages de la biomasse ligno-cellulosique, d'autant que l'industrie et l'INRA nourrissent le fantasme d'une production de carburant à grande échelle à partir de ces matières premières.
Je pense qu'il ne faut donc pas prendre cette technique comme une panacée, mais d'abord se demander si elle est susceptible de procurer un gain suffisant en regard de son coût. Par exemple, en sol profond limoneux ou argileux, il n'est pas dit que les gains puissent êtres important étant donné que le sol est déjà propice à la végétation. Dans les sols franchement sableux des landes, ou dans les landes sableuses du massif central et de l'Ouest de la France, le gain potentiel serait par contre important. A chacun de raisonner en fonction de son contexte, donc

Pour ce qui est du compostage, l'idéal c'est de s'en passer. Car on oublie de dire que les pertes d'azote (par volatilisation) et de potassium (par lixiviation) sont le plus souvent colossales, sans compter tout le carbone aisément exploitable comme source d'énergie par la faune/flore du sol qui est perdu pour elle. Le résultat du compostage, c'est un C/N assez bas mais un degré élevé de polymérisation de la matière organique : elle est "stabilisée", autrement dit beaucoup moins disponible pour la faune/flore du sol et pour les plantes... ça limite considérablement son intérêt comme engrais, et ça augmente son intérêt comme amendement. Il ne s'agit donc pas d'une panacée, mais d'un outil spécifique à l'aide duquel on peut atteindre certains objectifs : cramer les graines d'adventices (important pour les fumiers de ruminants), modifier le microbisme (important si on a peur de ses propres crottes), produire un amendements pour les sols pauvres en matière organique (concerne surtout les problèmes de structure) dans lesquels la source de nutriments se fait par une autre voie (engrais chimiques ou non).
Perso, j'ai pas eu de problème lorsque j'ai épandu des toilettes sèches humaines au jardin pour tout ce qui se mange cuit ou dont la partie récoltée est en hauteur. J'avais quand même couvert avec de la paille pour limiter les risques de salissement des parties aériennes.