Premier jet... je me réserve le droit de compléter et de corriger ce premier post sur ce sujet, notamment à la lumière de ce qu'écriront les futurs posteurs
Le 15 octobre 2006, dans la cabane du fond du jardin derrière le garage d’un pavillon d’une petite ville de Seine et Marne, le grand héron cendré en la personne de Fred Perrin a autorisé l’un de ses hauts gradés en métal qui chauffe et qui refroidit en la personne de Le Baron à nous initier, à Corin et à moi-même, à quelques secrets de sa méthode permettant notamment de transformer quelques vieux bout d’acier en symbole freudiennement phallique.
La matière brute proposée était des ressorts d’une Panhard PL 17 tigre.
La première étape se constituait d’un simple croquis : le couteau mesurait sur le papier un peu moins de seize centimètres. Montage en plate semelle avec plaquette en bois. Le Baron retouchait le croquis en quelques points afin d’assurer un meilleur équilibre et une prise en main plus agréable. La largeur du couteau était celle de la barre de ressort. Le croquis est indicatif… on s’adapte au matériel disponible. Et c’est tant mieux, j’espérais une épaisseur de 3mm, au final ce sera 4,5mm.
Il s’agissait ensuite de couper la barre d’acier à la longueur approximative du futur couteau. Deux méthodes étaient proposées : la scie à métaux ou la meuleuse. Devinez laquelle fut plébiscitée compte tenu du délais imparti dans le laps de temps du jour du seigneur.
Le bout de métal ainsi découpé était chauffé à l’aide d’un chalumeau, afin notamment de le redresser (ben ouais un ressort de voiture c’est pas droit) : pour ce faire tenu au bout d’une pince, il était placé sur une enclume (dans le cas présent une enclume de cordonnier), et rectifié à grand coup de marteau. A la fin de cette opération nous le laissions refroidir à l’air.
Une fois refroidi le croquis de départ était sommairement reporté sur le métal. Les repères étaient constitués des différentes « cassures » dans la ligne du couteau tel l’encoche pour l’index, le contre-tranchant…
Il s’agissait donc ensuite d’ébaucher la forme du couteau. Là encore les deux mêmes méthodes que précédemment était proposée, et là encore devinez laquelle fut choisie…
L’étape suivante était la réalisation de l’émouture. Bien que cette dernière puisse se faire la lime (à ce titre une polémique semble engagée entre la tradition mécanique et l’efficacité estampillée GHC, dans la mesure où la première implique un mouvement dans le sens de la largeur de la lame et la seconde dans le sens de la longueur), l’un des secrets de Fred Perrin (un okuden ?) est l’emploi de la meuleuse puis du « back stand » (euh c’est ça l’ortographe ?). Rien n’interdit de revenir sur la meuleuse, puis sur le back stand en fonction de ce qui nous convient. Et rien n’exonère du travail à la lime si besoin est : dans ce cas sentir le point d’équilibre lorsqu’on place la lime sur l’émouture et limer dans le sens ricasso-pointe.
LA TREMPE (terme récurent… dans toutes les activités exercées par Fred Perrin : trempe du couteau , prendre une trempe, et tant qu’à faire une bonne…) :
Il s’agit de chauffer le métal (toujours au chalumeau en ce qui nous concerne) jusqu’à une couleur rouge-oranger sur toute la surface de l’émouture. Bien entendu, il est nécessaire d’insister un peu plus au niveau du ricasso compte tenu de l’épaisseur du métal à cet endroit. On plonge ensuite le couteau dans un bac d’huile (elle-même préalablement chauffée, et ici de vidange). Mais dans la mesure où il s’agit une trempe sélective, on n’y plonge pas tout le couteau, mais en gros tout la surface qui concerne l’émouture. On imprime au couteau un mouvement de va et vient latéral pendant quelques secondes (une quinzaine ?) et on finit par plonger entièrement la lame du couteau.
Vient ensuite l’aiguisage. Le couteau est fixé avec la lame dirigée vers nous. On enroule du papier de verre autour d’un bâton et on ponce en va et vient dans le sens ricasso-pointe. Un autre secret de Fred Perrin ici : on crache sur la lame après avoir soi-même absorbé de la bave de crapaud urbain (le modèle qui fait « quoi ! quoi ! » à tout bout de champ). On utilise pour l’opération 4 papiers de verre différent (du gros grain vers le petit grain).
Le couteau sera ensuite poli (l’instrument idoine enduit de pâte à polir est fixé sur une perceuse elle-même placée dans un étau) : attention à bien tenir le couteau !!
On place ensuite la lame du couteau dans un récipient contenant du perchlorure de fer qui permet de révéler la ligne de trempe et/ou les « nervures » de l’acier. Afin que le perchlorure n’attaque plus que de raison notre lame, on le neutralise avec de la lessive en poudre que l’on frotte sur la lame avec le doigt (nous avons signé un pacte avec un litre de notre sang afin de ne pas révéler la marque de cette lessive… j’aime autant vous dire que j’en ai pour une semaine à bouffer du steak pour me retaper !!!).
Il est possible de polir une nouvelle fois le couteau… certaines répétitions d’opération ne dépendent que du niveau de finition désiré.
QUANT AUX PLAQUETTES : en ce qui me concerne parmi le stock disponible de La Baron j’ai choisi du noyer… juste parce que je ça trouvais beau. Une fois le bloc de bois coupé en deux dans le sens de la longueur, restait à polir (opération pour laquelle je ne suis manifestement pas très doué d’autant que je suis incapable de définir au toucher un bois bien poli ou pas), ce qui s’est fait au back stand.
Les plaquettes sont ensuite sommairement découpées et placées sur le manche préalablement percé à l’endroit voulu. L’ensemble est provisoirement assemblé à l’aide d’une quelconque fixation amovible. Le but est de marquer au crayon les divers endroits qui feront l’objet de découpe plus précise. Une fois ces découpes effectuées, la fixation définitive peut se faire à l’aide de colle contact néoprène et de rivets. A défaut de rivets il est possible d’employer des clous qui seront coupés à l’aide d’une pince coupante puis aplati à l’aide d’un marteau.
Les finitions peuvent se faire au back stand pour faire en sorte que les plaquettes affleurent le métal au niveau de la tranche du couteau, puis à la dremel, notamment pour l’arrondi de l’index et pour annihiler les angles vifs des divers biseaux. L’emploi du papier de verre est conseillé pour le ponçage en vue de la finition du manche, que l’on peut enduire copieusement d’huile de lin (ce que je n’ai pour l’instant pas fait).
Le Baron a procédé à un aiguisage ultime sur une barre de céramique (quelques allers et retour) puis sur du cuir.
Notes : sur le papier, j’avais indiqué un guillochage ; il ne s’est pas révélé utile dans la mesure où les « marques du temps » ont été laissées sur le métal… et servent donc de guillochage de fortune.
La plupart des opérations de gros œuvre et/ou de finesse ont été effectuées par Le Baron : s’il nous avait laissé faire, je ne suis pas sûr qu’on aurait fini en une journée, que l’émouture aurait été réussie du premier coup, et qu’il n’y aurait pas eu d’accident.
Toujours avoir à disposition un petit récipient avec de l’eau afin de pouvoir refroidir le métal.
MATERIEL :
Meuleuse
Marteau
Enclume
Pince/tenaille
Etau
Serre-joint
Perceuse à colonne (et ce qu’il faut pour pouvoir percer le métal)
Back stand
Perceuse polyvalente (sur laquelle on pourra fixer les disques de polissage)
Dremel
Scie ruban
Chalumeau
Papiers de verre
Perchlorure de fer
Pâte à polir
Clous/rivets
Huile
Jeu de limes à métaux
Râpe à bois
Colle néoprène ou JB Weld ( ??)
Edit: un grand merci au Baron et à sa femme pour l'accueil et le temps et la patience qu'il nous ont consacré. D'autant que la pause sandwich a été considérablement amélioré tant par des victuailles supplémentaires que par un accompagnement blues-rock faisant vraiment passer notre temps pour une époque de dégénérés... Yo!