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Auteur Sujet: Méthode pour identifier et gérer les risques au quotidien  (Lu 1949 fois)

18 mars 2012 à 17:58:52
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F.


Une partie de mon travail consiste à identifier les risques auxquels sont confrontés mes collègues dans leur activité, à imaginer des solutions pour éradiquer ces risques et à faire appliquer lesdites solutions.

Voici les éléments de la méthode utilisée pour ça, qui d'expérience, me paraissent transposables au domaine de la sécurité quotidienne et personnelle des individus.
Je ne prétends pas que cette méthode soit meilleure qu'une autre, ni même qu'elle soit particulièrement bonne dans l'absolu, mais elle a l'avantage d'être simple, et donc facilement applicable par le citoyen lambda.


I Cartographier les risques

Basiquement, il s'agit de lister tous les risques auxquels on peut être confronté dans chaque domaine de sa vie, puis d'affecter à chacun d'eux  une probabilité de réalisation ET un degré de gravité des dommages qui seraient alors causés. On aboutit alors à une hiérarchisation des risques, en fonction de la nécessité qu'il y a à adopter des mesures pour les contrer.

Le résultat est très personnel, il va varier selon le style de vie de la personne et des arbitrages qu'elle va faire dans sa hiérarchisation de risques, qui vont de l'évènement improbable mais dramatique s'il se réalise, à l'évènement probable mais au niveau d'empapaoutement facilement gérable avec les moyens du bord.

C'est une étape longue, difficile et ennuyeuse, mais c'est sur elle que repose tout le reste du système. Si elle n'est pas faite correctement, tout le reste ne servira à rien. Quelques principes pour arriver à un résultat qui soit exploitable :

1 Connaître vraiment les domaines dont on identifie les risques : puisqu'on parle de sécurité personnelle, ça revient en gros à réussir à regarder sa vie et ses activités comme elles sont plutôt que comme on aimerait qu'elles soient. Une bonne piste pour ça est de s'en tenir à des éléments purement factuels, sans y rajouter d'interprétation. Un regard extérieur, s'il est objectif, est également précieux.

2 Penser de façon systémique : ne pas se focaliser sur un domaine en particulier, mais voir l'ensemble, car la solidité d'une chaîne n'est jamais que celle du plus faible maillon.
Par exemple, un pékin qui identifierait les risques liés aux grandes randonnées qu'il fait pendant ses loisirs, mais qui ignorerait complètement le fait qu'il va tous les jours au travail en conduisant comme un sabot, n'abaisserait pas le niveau global des risques qu'il court. Au mieux, il modifierait la cause probable du gros pépin qui lui pend au nez.

3 Penser collectif : on ne vit pas dans une bulle, à moins d'être sans conjoint, ni famille ni ami. Il faut intégrer dans notre réflexion le fait que les activités de notre entourage impactent également les notres, de façon plus ou moins importante selon les domaines.  


II Imaginer et appliquer des moyens de gérer les risques identifiés

1 Les risques identifiés sont la contrepartie de la façon dont l'individu mène ses activités. Deux conséquences :
- la prévention des risques va passer essentiellement par une modification des habitudes de la personne, ce qui est quelque chose d'irréalisable de façon pérenne s'il n'y a pas une motivation véritable et durable pour le faire.
- à cet égard, la gestion des conséquences de la réalisation du risque est une stratégie qui paraît souvent plus confortable, parce qu'elle ne nous oblige pas à modifier nos façons d'agir au quotidien. Mais elle suppose une bonne capacité de résilience, pour conserver de véritables ressources pour surmonter un coup dur.

En tout état de cause on aura souvent intérêt à travailler de façon complémentaire sur ces deux versants de la gestion des risques.

2 Dépasser l'efficacité, viser l'efficience :
efficacité : atteindre l'objectif sans prendre en compte l'importance des moyens consacrés pour cela, ni les contraintes que leur mise en oeuvre génère.
efficience : consacrer le strict minimum de moyens nécessaire pour atteindre l'objectif ou au moins s'en rapprocher fortement. L'efficience prends en compte le ratio contrainte/efficacité.

Les mesures de gestion du risque global ont vocation à s'appliquer de façon continue et sans limitation de durée. Pour que cela soit effectif, il faut se limiter à un niveau de complexité et de contrainte gérable pour la personne qui met en oeuvre les mesures, sinon elle finira par ne plus les appliquer, même si elle était motivée au début.

3 Penser collectif : les stratégies de gestion du risque global passent à des niveaux plus ou moins importants par l'implication de l'entourage. On est alors souvent confronté au problème d'impliquer des gens qui n'ont pas ou peu conscience du risque, et donc pas ou peu de motivation pour le gérer.

Différentes techniques pour dépasser ce manque de motivation :
- Amener les autres à partager notre point de vue sur le risque : en l'absence de réalisation rapide du risque, cela ne fonctionne pas, car à court terme, personne n'est prêt à modifier radicalement sa vision des choses, s'il n'y a pas de faits concrets pour l'y obliger. Pire, le risque contre lequel on essaie de sensibiliser ne se réalisera probablement pas dans un avenir proche, d'où perte de crédibilité : pour l'entourage, le fait qu'il ne se passe rien devient la preuve de l'absence de risque et donc de la paranoïa de celui qui alerte.
- Contraindre les autres à mettre en oeuvre des stratégies de gestion du risque : cela ne fonctionne absolument pas dans un cadre professionnel, qui est par nature hiérarchisé. Aucune raison que cette méthode donne de meilleurs résultats dans des cadres où les relations entre individus sont davantage horizontales que verticales
- Sélectionner des stratégies de gestion du risque efficientes plutôt qu'efficaces : si la stratégie à mettre en place n'est pas ou peu contraignante, l'adhésion des autres en sera facilité d'autant.   Dans cet esprit, il peut être payant de privilégier des stratégies moins performantes que d'autres pour gérer le risque, mais également moins contraignantes, donc plus acceptables par les tiers (à voir si l'effectivité ainsi gagnée compense la dégradation du niveau de performance possible). Cela fonctionne assez bien si couplé avec une autre technique.
- Présenter les stratégies de gestion du risque en fonction de ce que l'entourage est capable d'entendre, plutôt qu'en fonction de la réalité du risque.
Par exemple, un proche peut admettre plus facilement le stockage de vivres s'il est présenté comme offrant la possibilité de ne pas être obligé de se conformer au sacro-saint jour des courses les fois ou on a mieux à faire, plutôt que comme une garantie contre une rupture brutale des chaînes d'approvisionnement et des services publics. C'est une méthode moralement discutable et difficile à manier, surtout si l'entourage est nombreux, mais elle donne de bons résultats.
- Accepter le fait que l'entourage refusera de participer à la gestion du risque et ne changera pas d'avis dans un avenir prévisible, puis adapter ses propres stratégies en conséquence. De loin la méthode la plus simple, mais elle suppose d'accepter également qu'il y aura forcément des brèches dans nos stratégies de gestion du risque.


III Actualiser les stratégies de gestion des risques

Le risque global fait partie intégrante des activités de la personne. Il change donc avec ces dernières.
D'où la nécessité de réévaluer périodiquement le risque, pour actualiser les stratégies de gestion associées. Par certains cotés, des stratégies dépassées, qui ne correspondent plus à la réalité du risque  couru, sont plus dangereuses qu'une absence de stratégies, car elles induisent une trompeuse impression de sécurité.

NB : Je me répète, cette méthode est une adaptation d'un outil conçu pour gérer des risques certes variés, mais tous de nature professionnelle. Je ne prétends ni à l'originalité, ni à l'exhaustivité, mais juste à la facilité à la mettre en oeuvre pour le non spécialiste.





Les véritables gagnants d'une ruée vers l'or sont les marchands de pioches.

18 mars 2012 à 20:22:13
Réponse #1

guillaume


Vraiment excellent, merci F. :akhbar:.

Le passage sur "penser collectif" est éloquent. Personnellement, je travaille maintenant avec mes proches en adaptant mes stratégies perso en sachant que l'entourage refuse d'y participer ET la présentation du risque en fonction de ce que mon entourage veut bien entendre...

a+

18 mars 2012 à 21:07:26
Réponse #2

A x i


Merci pour cette méthode, c’est une synthèse claire qui permet effectivement une application plus aisée.

Pour aller plus loin quelques questions me viennent à l’esprit, notamment sur l’outil que chacun va se créer en application de la méthode :

-   Pour cartographier les risques quels types de critères sont utilisés pour définir les probabilités de réalisation (bon ça à la limite ca va) et surtout les degrés de gravité ?

Car si on utilise un critère descriptif (par ex. échelonner de très fréquent à très peu fréquent pour la probabilité et de sans incidence à incidence élevée pour la gravité), en multipliant pour avoir un résultat en tant que risque, comment les hiérarchise-t-on ensuite ?

Si on utilise un système de notation (des chiffres correspondants aux différentes échelles), la hiérarchisation semble plus simple, mais dans ce cas existe-t-il des matrices types (en gros un système de notation type) ? et par conséquent des critères mathématiques pour hiérarchiser automatiquement les risques ?

(Parce qu’en effet c’est vraiment une étape longue, difficile et ennuyeuse)


-   Comment fait on pour comparer des risques s’ils font référence à des gravités impactant des domaines différents (par ex. la sécurité des personnes, la protection des biens et des ressources, des critères financiers…) ?

Dans le cas du domaine de la survie, bien évidemment on privilégie la vie, mais parfois on se retrouve confronté à des décisions concernant notre matériel, mais qui peuvent finalement impacter fortement nos capacités à prolonger notre existence. Evitons une sorte d’effet boule de neige…


-   Pour la motivation des troupes il semblerait que chiffrer des éléments donnent un appui considérable à l’argumentaire. En entreprise toute décision est liée au monétaire, toute action a un coût (y compris le temps qui est converti en dépenses d’argent) donc cet argument est à considérer de manière primordiale.
Là on touche pleinement aux calculs d’efficacité/efficience.
Dans d’autres milieux on peut tenter une évaluation économique pour des choses qui a priori ne dépendent pas d’argent, mais qui au final sera une stratégie intéressante pour l’implication des acteurs (par ex. pour la préservation de l’environnement on peut faire une évaluation économique de la ressource naturelle, pas uniquement en tant que matière première mais aussi intérêt touristique, biodiversité…)
Mais dans milieu privé, avec nos proches, dégager des chiffres est un peu plus dur. Par contre on peut facilement évaluer les impacts négatifs des risques, et donc on montre qu’investir un peu de temps pour la mise en place de stratégie de gestion du risque nous éviterait de perdre encore plus de temps si le risque est avéré.

Donc pouvons-nous envisager d’impliquer l’entourage en les mettant face à toutes les difficultés rencontrées si nous ne sommes pas prêts à faire face au risque ?



Quelqu’un a-t-il des éléments de réponse ?


NB : si vous habitez dans une zone qui possède un risque particulier (zone innondable, centrale nucléaire ou terminal industriel proche…), vous avez des chances de trouver des documents très intéressants et pédagogiques dans votre mairie.
Notamment le PCS : Plan communal de sauvegarde, le PPR : Plan de prévention des risques ou encore le DICRIM : Document d’information communal sur les risques majeurs

Un dernier document est directement lié à la gestion des risques dans un cadre familial, c’est le PPI : Plan particulier d’intervention.


A+/AL

18 mars 2012 à 23:24:45
Réponse #3

F.


Personnellement, je travaille maintenant avec mes proches en adaptant mes stratégies perso en sachant que l'entourage refuse d'y participer ET la présentation du risque en fonction de ce que mon entourage veut bien entendre...

Je pense qu'on est beaucoup dans ce cas.
Puis faut pas voir tout en noir, il y a plein de gens qui ne veulent pas entendre parler de l'existence et encore moins d'analyse du risque parce que ça les renvoie à des choses qu'ils préfèrent laisser de coté, mais que ça n'empêche pas de poser dans leur quotidien des actions très utiles pour gérer le risque, en amont et en aval.



Merci pour cette méthode, c’est une synthèse claire qui permet effectivement une application plus aisée.

Pour aller plus loin quelques questions me viennent à l’esprit, notamment sur l’outil que chacun va se créer en application de la méthode :

Pour cartographier les risques quels types de critères sont utilisés pour définir les probabilités de réalisation (bon ça à la limite ca va) et surtout les degrés de gravité ?

Pour moi le plus simple c'est d'utiliser une quantification numérique, pour la probabilité et la gravité. Par exemple de 1 à 3, 4 ou 5.
Concrètement tu fais un tableau excel, avec pour chaque ligne : nom du risque, probabilité, gravité et produit des deux. Après il faut que tu décides où tu place le curseur à partir duquel tu penses devoir vraiment prendre le risque en considération. Par exemple si tu travailles sur une échelle de 1 à 4, je trouve pas mal de fixer le seuil d'alerte à 6.
Tu peut adapter comme tu le juges bon le nombre d'items pour décrire la probabilité et la gravité. Il y a un juste milieu à trouver :  si tu en choisis trop peu, tu vas obtenir un truc simple mais trop schématique et si tu en choisis trop, tu auras quelque chose de très précis en théorie, mais trop complexe pour être utilisé correctement en pratique.
Personnellement, je trouve que de 1 à 5, ça devient déjà bien prise de tête.
Mais encore une fois, le nombre d'items est fonction des besoins et capacités de chacun.



Comment fait on pour comparer des risques s’ils font référence à des gravités impactant des domaines différents (par ex. la sécurité des personnes, la protection des biens et des ressources, des critères financiers…) ?

Justement l'intérêt de la démarche c'est de pouvoir classer les risques de domaines différents ( santé, travail, loisirs, finances, domestiques...) en fonction de leur importance plutôt que des activités à l'occasion desquelles ils apparaissent. Parce que ça va permettre de se rendre compte que les risques les plus importants ne sont pas forcément là où on les imaginait.

Donc pouvons-nous envisager d’impliquer l’entourage en les mettant face à toutes les difficultés rencontrées si nous ne sommes pas prêts à faire face au risque ?

Non, parce que pour que ça marche il faudrait que l'entourage soit convaincu à la fois de l'existence du risque et de la possibilité de le circonvenir avec des mesures simples et peu contraignantes. Et si à ce stade une personne ne veut pas mettre en place quelque chose et préfère s'en remettre à la chance, cela devient un choix libre et conscient, duquel on peut penser ce qu'on veut, mais qui relève de la liberté de chacun.
Les véritables gagnants d'une ruée vers l'or sont les marchands de pioches.

 


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