Une partie de mon travail consiste à identifier les risques auxquels sont confrontés mes collègues dans leur activité, à imaginer des solutions pour éradiquer ces risques et à faire appliquer lesdites solutions.
Voici les éléments de la méthode utilisée pour ça, qui d'expérience, me paraissent transposables au domaine de la sécurité quotidienne et personnelle des individus.
Je ne prétends pas que cette méthode soit meilleure qu'une autre, ni même qu'elle soit particulièrement bonne dans l'absolu, mais elle a l'avantage d'être simple, et donc facilement applicable par le citoyen lambda.
I Cartographier les risques
Basiquement, il s'agit de lister tous les risques auxquels on peut être confronté dans chaque domaine de sa vie, puis d'affecter à chacun d'eux une probabilité de réalisation ET un degré de gravité des dommages qui seraient alors causés. On aboutit alors à une hiérarchisation des risques, en fonction de la nécessité qu'il y a à adopter des mesures pour les contrer.
Le résultat est très personnel, il va varier selon le style de vie de la personne et des arbitrages qu'elle va faire dans sa hiérarchisation de risques, qui vont de l'évènement improbable mais dramatique s'il se réalise, à l'évènement probable mais au niveau d'empapaoutement facilement gérable avec les moyens du bord.
C'est une étape longue, difficile et ennuyeuse, mais c'est sur elle que repose tout le reste du système. Si elle n'est pas faite correctement, tout le reste ne servira à rien. Quelques principes pour arriver à un résultat qui soit exploitable :
1 Connaître vraiment les domaines dont on identifie les risques : puisqu'on parle de sécurité personnelle, ça revient en gros à réussir à regarder sa vie et ses activités comme elles sont plutôt que comme on aimerait qu'elles soient. Une bonne piste pour ça est de s'en tenir à des éléments purement factuels, sans y rajouter d'interprétation. Un regard extérieur, s'il est objectif, est également précieux.
2 Penser de façon systémique : ne pas se focaliser sur un domaine en particulier, mais voir l'ensemble, car la solidité d'une chaîne n'est jamais que celle du plus faible maillon.
Par exemple, un pékin qui identifierait les risques liés aux grandes randonnées qu'il fait pendant ses loisirs, mais qui ignorerait complètement le fait qu'il va tous les jours au travail en conduisant comme un sabot, n'abaisserait pas le niveau global des risques qu'il court. Au mieux, il modifierait la cause probable du gros pépin qui lui pend au nez.
3 Penser collectif : on ne vit pas dans une bulle, à moins d'être sans conjoint, ni famille ni ami. Il faut intégrer dans notre réflexion le fait que les activités de notre entourage impactent également les notres, de façon plus ou moins importante selon les domaines.
II Imaginer et appliquer des moyens de gérer les risques identifiés
1 Les risques identifiés sont la contrepartie de la façon dont l'individu mène ses activités. Deux conséquences :
- la prévention des risques va passer essentiellement par une modification des habitudes de la personne, ce qui est quelque chose d'irréalisable de façon pérenne s'il n'y a pas une motivation véritable et durable pour le faire.
- à cet égard, la gestion des conséquences de la réalisation du risque est une stratégie qui paraît souvent plus confortable, parce qu'elle ne nous oblige pas à modifier nos façons d'agir au quotidien. Mais elle suppose une bonne capacité de résilience, pour conserver de véritables ressources pour surmonter un coup dur.
En tout état de cause on aura souvent intérêt à travailler de façon complémentaire sur ces deux versants de la gestion des risques.
2 Dépasser l'efficacité, viser l'efficience :
efficacité : atteindre l'objectif sans prendre en compte l'importance des moyens consacrés pour cela, ni les contraintes que leur mise en oeuvre génère.
efficience : consacrer le strict minimum de moyens nécessaire pour atteindre l'objectif ou au moins s'en rapprocher fortement. L'efficience prends en compte le ratio contrainte/efficacité.
Les mesures de gestion du risque global ont vocation à s'appliquer de façon continue et sans limitation de durée. Pour que cela soit effectif, il faut se limiter à un niveau de complexité et de contrainte gérable pour la personne qui met en oeuvre les mesures, sinon elle finira par ne plus les appliquer, même si elle était motivée au début.
3 Penser collectif : les stratégies de gestion du risque global passent à des niveaux plus ou moins importants par l'implication de l'entourage. On est alors souvent confronté au problème d'impliquer des gens qui n'ont pas ou peu conscience du risque, et donc pas ou peu de motivation pour le gérer.
Différentes techniques pour dépasser ce manque de motivation :
- Amener les autres à partager notre point de vue sur le risque : en l'absence de réalisation rapide du risque, cela ne fonctionne pas, car à court terme, personne n'est prêt à modifier radicalement sa vision des choses, s'il n'y a pas de faits concrets pour l'y obliger. Pire, le risque contre lequel on essaie de sensibiliser ne se réalisera probablement pas dans un avenir proche, d'où perte de crédibilité : pour l'entourage, le fait qu'il ne se passe rien devient la preuve de l'absence de risque et donc de la paranoïa de celui qui alerte.
- Contraindre les autres à mettre en oeuvre des stratégies de gestion du risque : cela ne fonctionne absolument pas dans un cadre professionnel, qui est par nature hiérarchisé. Aucune raison que cette méthode donne de meilleurs résultats dans des cadres où les relations entre individus sont davantage horizontales que verticales
- Sélectionner des stratégies de gestion du risque efficientes plutôt qu'efficaces : si la stratégie à mettre en place n'est pas ou peu contraignante, l'adhésion des autres en sera facilité d'autant. Dans cet esprit, il peut être payant de privilégier des stratégies moins performantes que d'autres pour gérer le risque, mais également moins contraignantes, donc plus acceptables par les tiers (à voir si l'effectivité ainsi gagnée compense la dégradation du niveau de performance possible). Cela fonctionne assez bien si couplé avec une autre technique.
- Présenter les stratégies de gestion du risque en fonction de ce que l'entourage est capable d'entendre, plutôt qu'en fonction de la réalité du risque.
Par exemple, un proche peut admettre plus facilement le stockage de vivres s'il est présenté comme offrant la possibilité de ne pas être obligé de se conformer au sacro-saint jour des courses les fois ou on a mieux à faire, plutôt que comme une garantie contre une rupture brutale des chaînes d'approvisionnement et des services publics. C'est une méthode moralement discutable et difficile à manier, surtout si l'entourage est nombreux, mais elle donne de bons résultats.
- Accepter le fait que l'entourage refusera de participer à la gestion du risque et ne changera pas d'avis dans un avenir prévisible, puis adapter ses propres stratégies en conséquence. De loin la méthode la plus simple, mais elle suppose d'accepter également qu'il y aura forcément des brèches dans nos stratégies de gestion du risque.
III Actualiser les stratégies de gestion des risques
Le risque global fait partie intégrante des activités de la personne. Il change donc avec ces dernières.
D'où la nécessité de réévaluer périodiquement le risque, pour actualiser les stratégies de gestion associées. Par certains cotés, des stratégies dépassées, qui ne correspondent plus à la réalité du risque couru, sont plus dangereuses qu'une absence de stratégies, car elles induisent une trompeuse impression de sécurité.
NB : Je me répète, cette méthode est une adaptation d'un outil conçu pour gérer des risques certes variés, mais tous de nature professionnelle. Je ne prétends ni à l'originalité, ni à l'exhaustivité, mais juste à la facilité à la mettre en oeuvre pour le non spécialiste.