Salut à tous

Après quelques années déjà à étudier et/ou côtoyer les ours : bruns d'Europe (Scandinavie : vu un ours, mais mort, et Roumanie, où je l'ai entendu roder dans la nuit noire à une vingtaine de mètres du bivouac en entendant sa respiration), Kodiak (sur l'île du même nom en Alaska) et malais en début d'année à Bornéo, voilà mes quelques retex

En Alaska, je me suis retrouvé face à un ours Kodiak...ou plutôt dos à un ours Kodiak, pendant que je pêchais, il est arrivé à 4-5m derrière moi (un jeune mâle de 200-250kg environ, sans être un énorme mâle), puis s'est avancé en marchant doucement vers moi... Je me suis mis face à lui, j'ai reculé doucement et calmement, en lui parlant, il a continué à avancer vers moi, pas agressif, mais curieux, jusqu'à ce que je me retrouve avec de l'eau à mi-cuisses dans le lac juste derrière. Avec l'autre personne qui était derrière moi, on a alors levé les bras, fait des gestes amples en haussant un peu la voix...puis il s'est arrêté, retourné, a traversé la rivière en pêchant une truite femelle (oui : ils sont extrêmement sélectifs, pour récupérer les oeufs et les poissons non nécrosés), puis il a continué à vaquer à ses occupations de l'autre côté de la rivière.
Sur ce même séjour, un jeune guide avec qui on était, parti chasser avec un de mes amis, se sont fait charger par un ours après avoir tué un cerf sitka lors d'une chasse. Les ours sont attirés par le bruit du fusil. Ils ont pris leurs jambes à leur cou sur 1km en emportant les beaux morceaux déjà découpés et mis dans leur sac, mais l'ours s'est arrêté sur la carcasse, sans chercher plus.
Enfin, lors de ma dernière expé en solitaire en jungle de Bornéo cette année, en février, je me suis retrouvé au bord d'une rivière, au bas d'une pente abrupte, et j'ai entendu un cris rauque. Puis, j'ai vu roder une petite boule de poils dans la végétation à 2-3m de moi... En regardant de plus près, j'ai vu que c'était un petit ourson malais. Deux secondes après, j'ai vu la mère débouler de la forêt en courant (c'est impressionnant de voir la vitesse que ça a), traverser la rivière en une fraction de seconde en grognant, en courant vers moi. Je n'ai pas bougé, juste écarté légèrement les bras et mis un pied en avant. L'oursonne s'est stoppée à 3m devant moi, les griffes posées sur un tronc d'arbre couché (impressionnantes : ça fait près de 10cm, malgré la relativement petite taille de cette espèce : moins d'1m40 pour environ 40kg pour les femelles) à me regarder deux secondes, puis elle a continué vers son petit que j'avais pris soin de laisser partir sans être sur la trajectoire.

Tout ça pour dire que ça rejoint tous les témoignages d'avant et les éternelles recommandations face à un animal sauvage et plus encore face à un ours : dans 90% des cas, il ne faut surtout pas tourner le dos et courir : le guide a fait une "semi-erreur" (il s'est d'ailleurs fait engueuler par son mentor, guide depuis plus de 30ans). Les ours ne sont pas agressifs et leurs charges, aussi impressionnantes soient-elles, ne sont quasiment jamais des vrais attaques, mais des charges d'intimidation. Si on court, l'ours nous poursuite, mais s'il voit qu'on n'est pas agressifs, qu'on ne fuit pas comme une proie, qu'on reste calme et sans lui tourner le dos, ça va le surprendre au pire, le rassurer au mieux. Ensuite, il va parfois (comme mon ours Kodiak) s'avancer pour montrer qu'il est bien le plus puissant : se grandir, hausser la voix, va alors lui montrer qu'on n'est pas non plus prêt à se laisser impressionner.

Quelques guillemets toutefois

:
- s'il y a de la nourriture, surtout de la viande (d'autant plus si c'est une proie de l'ours), il faut s'en écarter absolument (au moins une cinquantaine de mètres), parce que l'ours n'est pas partageur : c'est pour ça que je disais plus haut, une "semi-erreur" : il fallait bien s'écarter rapidement de la viande pour ne plus être en situation de concurrence avec l'ours, mais toujours garder un oeil derrière soi et une fois écarté de la carcasse, continuer en reculant prudemment en observant le comportement de l'ours ;
- s'il y a des petits, la mère va les protéger en éloignant les indésirables ou menaces potentielles, mais elle ne va pas non plus se mettre en danger, donc si on n'est pas entre elle et ses petits et qu'on laisse les petits vaquer à leurs occupations sans montrer d'agressivité envers eux (ne pas bouger ou s'en éloignant en reculant doucement, en parlant calmement, pour laisser la mère s'approcher des petits) la mère ne va pas attaquer : rester observateur passif ;
- enfin, un gros mâle territorial peut parfois montrer des signes plus agressifs, en grognant ou grommelant, en faisant de petite accélérations (2-3 pas) vers son opposant, en grattant ou frappant le sol : dans ce cas, reculer humblement, tête baissée (sans perdre l'ours des yeux pour autant), parler doucement (et oui, encore) ; s'il fait une charge ou commence à être trop proche, hausser le ton et faire des gestes amples vers lui avec les bras, éventuellement avec un pas en avant.
Après, ce sont des recommandations générales, mais ça reste des êtres vivants, avec chacun leur personnalité, leurs humeurs, leur particularité et il arrive qu'un ours vienne vraiment au contact (ou qu'on n'ait pas le temps de s'éloigner assez). Dans ce cas, si les grands gestes, cris et coups de sifflets (type sifflet de gendarme, si on en a : les ours ont peur des bruits stridents) ne stoppent pas l'ours, soit on a un refuge solide à proximité directe (moins de 1 seconde pour l'atteindre, 2 max si l'ours n'est pas juste à côté), soit on se couche au sol, face contre terre et on protège la tête et les flancs (organes vitaux) en essayant de limiter les dégâts.

Voilà toutes les leçons que j'ai pu tirer de mes expérience, mais qui ont porté leurs fruits et m'ont permis d'approcher des ours de (très) prêt, sans jamais être en danger, en en tirant les plus belles expériences de ma vie d'aventurier et de biologiste
