Bonjour à tous,
Je fais remonter ce petit topic qui date un peu car plusieurs personnes m'ont demandé des précisions sur le matériel comme "AspiVenin" et son utilisation dans les secours.
Donc pour en parler un peu, l'AspirVenin c'est un produit qui s'est très bien vendu car un excellent marketing, et surtout une absence totale de recherche derrière... A première vue l'idée semble bonne, de vouloir faire sortir le venin qui vient d'être injecté, mais la physionomie humaine est un peu plus complexe et après des recherches il s'avère que ce système est beaucoup plus délétère qu'autre chose.
Pour faire court, quelques points essentiels concernant ce produit :
- Un bon marketing sur le principe, dans les faits sur les venins de serpents, la quantité de venin réellement "aspiré" est plus que négligeable ( tests d'injections et d'utilisation de pompes type aspivenin avec isotope radioactif pour calculer la quantité retirée ), complètement inutile pour empêcher l'empoisonnement systémique en cas d'envenimation réelle.
- Danger lié à son utilisation : la pression exercée détruit souvent le lit capillaire ainsi que le réseau lymphatique, ce qui provoque des nécrose et ainsi la perte du tissu sain. Dans certains cas, on a même remarqué que cela favorisait la dispersion systémique du venin.
- Dangers de fausse sécurité : Il ressort également des études que les personnes qui utilisent ces dispositifs, pensant retirer efficacement le venin, tardent à déclencher le système de secours, et c'est seulement lorsque l'état du patient empire que l'appel aux professionnels se fait, ce qui est extrêmement délétère ( voir mortel ) pour le patient. Toute morsure de serpent doit être suivie d'un appel aux secours professionnels immédiat et une surveillance médicale.
- Omission de la réalité : Il ressort qu'aux USA, sur les morsures de crotale ( potentiellement mortelle ), jusqu'à 50% des morsures sont "sèches" et il n'y a donc aucun venin injecté lors de la morsure. Sous nos latitudes, où la Vipère est le risque le plus important, jusqu'à 90% des morsures sont sèches.
Ainsi on voit que l'utilisation de l'aspivenin est plus que douteux, et se révèle même dangereux dans de nombreux cas. C'est pour ça que son utilisation est à proscrire complètement lors d'une morsure de serpent.
En anticipation de la question suivante "mais alors que faire en cas de morsure de serpent ?" et bien il est sécuritaire de dire la chose suivante :
Principe de précaution, toujours considérer que le venin est injecté, et par conséquent appeler les secours. Le venin de la vipère met entre 30min et 6h avant de déclencher des symptômes, c'est pourquoi une surveillance médicale doit être mise en place.
Le traitement "extérieur" de choix, c'est le transport rapide du patient vers un hôpital qui peut gérer l'empoisonnement. Tous ne possèdent pas les sérums nécessaires. Pour cela il est important de ne pas transporter soi-même la personne si on est pas sur de là où aller.
Sur place, on évitera de poser garrot, inciser la plaie, mettre des "remèdes de grand-mère" ( qui peuvent accélérer la pénétration du venin dans le lit capillaire dans certains cas ), ou faire des pansements compressifs trop serrés. La première chose à faire c'est de rassurer la victime et lui expliquer que justement il y a très peu de chances que le venin a été injecté (si on parle de nos latitudes) et qu'il faut aller à l'hôpital uniquement par précaution (dans le but que la personne reste calme, et que son métabolisme ne s'accélère pas, ce qui aurait pour effet de faire pénétrer le venin plus rapidement). Ensuite, immobiliser le membre touché complètement, et la personne ne doit plus faire d'effort ( donc éviter de refaire 2h de marche pour rejoindre la civilisation, les hélicoptères de sauvetage existent pour une bonne raison). Un bandage léger peut être fait sur le membre, mais sans entraver la circulation. On peut également se permettre de désinfecter la plaie avec une solution aqueuse.
Par la suite, le traitement médical sera en fonction du venin. Pour cela, s'il est possible (et ceci sans prise de risques de la part de la personne) de récupérer le serpent (mort de préférence), afin de clairement l'identifier, cela peut être un plus.
L'administration de sérum se fera uniquement dans un milieu hospitalier avec des professionnels compétents, ce n'est pas une chose anodine et les complications peuvent être très graves, il faut le savoir.
Les venins agissant à différents niveaux (neurologique, cardiaque, rénal, etc...), il est nécessaire d'avoir une aide professionnelle pour faire face à la situation.
Oui je sais, y'a des gens qui ont survécus à des morsures de serpents mortels en s'incisant la jambe au couteau rouillé avant d'y apposer des mélanges d'herbes par dessus... Mais de 1 : on a jamais su si y'avait eu du venin injecté, de 2 : la personne a eu très certainement énormément de chance.
Quand on a la chance d'avoir à disposition des secours professionnels, il faut savoir les utiliser et surtout ne pas hésiter à faire appel à eux, en toute modestie.
Pour finir, l'aspivenin peut avoir une petite utilité pour les piqûres d'abeille ou de guêpes afin de limiter les symptômes (pour autant qu'on retire le dard de l'abeille rapidement et qu'on utilise l'aspivenin derrière). C'est plus par confort qu'autre chose.
Si une personne fait une réaction anaphylactique sur la piqûre, l'aspivenin ne sert à rien. Encore une fois, l'appel aux secours est une priorité. Le traitement dans ce cas se fera par de l'épinéphrine IM ou IV, voir en nébulisation sur des œdèmes dans les premiers stades (certaines personnes se sachant allergiques en ont sur elles en extérieur, en stylo auto-injectables), puis d'un antihistaminique IV (clémastine par exemple, nom commercial Tavegyl), puis d'un cortico-stéroide (méthylprednisolone, nom commercial solu-medrol). Attention, ces traitements ne doivent être donnés que par du personnel médical habilité et j'en parle ici uniquement à titre informatif. L'utilisation d'un médicament ne doit jamais être faite à la légère et sans connaissances approfondies.
Voilà, si j'ai oublié des choses ou si vous avez des questions, n'hésitez pas, j'y tâcherai d'y répondre au mieux de mes connaissances.
Sources :
http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJM199210293271820http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/1559468http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8202764http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14747805http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11055564http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/10065242Les articles sont en anglais, désolés, et pour les publications médicales je sais que peu d'entre vous avez accès sur pubmed donc j'ai pris des articles où le résumé est clair.