Salut à tous,
Les récentes discussions sur le signalomètre du forum me font prendre conscience que, si je veux entendre parler de ce qui m’intéresse, j’ai qu’à me lancer... Dont acte
Je voudrais qu’on aborde un point pas très travaillé ici, ce sont les spécificités des femmes quand il s’agit de survie (ici, sous-entendue, urbaine, je ne suis pas une pro de la verte). Je pense que ça demandera plusieurs fils différents si on veut rester cohérents mais faut bien commencer quelque part.
Je vous propose donc quelques pistes, essentiellement tirées de mon expérience, sur « femmes et sécurité en voyage ». Ce qui serait sympa, c’est évidemment de comparer avec d’autres expériences mais également avec d’autres contextes : je connais à peu près toutes les régions africaines mais je n’ai pas de point de comparaison avec les autres continents et c’est dommage.
Je parle donc de déplacements, sans spécificité de durée. Et dans des contextes uniquement africains, soit musulmans, soit chrétiens conservateurs.
Commençons avec les questions de sécurité physique et les moyens d'éviter les ennuis quand on est une fille en balade.
Pour que vous ayez une idée de qui parle, je vous pose le contexte : je fais moins d’un mètre soixante, je suis pas bien lourde, j’ai pas fait de sport depuis presque le lycée et, en plus, je fume... Mes possibilités a priori (et hors « mindset ») de mettre quelqu’un d’un peu énervé à terre ou de courir un 100 mètres dans un temps raisonnable sont très très faibles. J’ai par ailleurs bourlingué (seule puis en couple) dans toute l’Afrique.
Il m’a donc fallu développer des stratégies de protection. Je passe sur tout ce qui n’est pas spécifique au voyage (sifflet, téléphone, entraînement, bombe au poivre...).
Quelques points, pour commencer, sur le comportement. A me relire, je trouve tout ça hyper basique, je vous attends donc pour enrichir, hein !
Redéfinir son féminisme. Pour moi, c’est un point essentiel et c’est de loin celui qui m’a le plus coûté. Je ne suis pas certaine qu’il soit très « politiquement correct » mais je sais d’expérience que c’est une vraie question de survie. Une femme occidentale a l’habitude d’être traitée (en gros, on ne va pas entrer dans les détails !) à égalité avec les hommes. Ce qui implique des droits (au respect) et des devoirs (comme celui, qui découle du premier, de porter ses bagages ou ses courses par exemple
). Dans beaucoup de sociétés du Sud, affirmer cette égalité peut être source de malentendus et de conflits. Je ne dis pas qu’il ne faut pas à l’occasion montrer que, chez nous, c’est différent, mais j’ai un peu de mal avec le militantisme dans des pays où on est accueillie.
Il faut donc accepter un certain nombre de contraintes. Certains lieux ne sont pas ouverts aux femmes. Y venir seule (certains restos ou bars), c’est vraiment chercher les ennuis et c’est pas utile. Plus pragmatiquement, il faut également accepter des attentions parfois agaçantes à la longue, comme se faire invariablement porter ses bagages.
Tout cela est théorique, hein. Je dois moi-même admettre des coups d’énervements énormes sur ce thème, comme le jour où le gars que je devais ramener sur ma moto a prétendu la conduire parce que quand même, une femme, ça peut pas conduire un homme. Sans blague.
C’est donc un exercice très difficile mais stratégique. Par exemple, quand on voyage seule en bus, il est bon de trouver des « protecteurs », c’est à dire des gens (une famille, c’est plus sûr) avec qui on peut sympathiser et qui vont vous « prendre en charge » (nourriture, orientation, conseils, logement). Ca permet de passer un bon voyage et ça rend les choses beaucoup plus simples dans les endroits où on arrive.
Ne pas se faire remarquer
VêtementsLa technique du low-profile est beaucoup moins simple quand on n’est pas chez soi puisqu’on ne sait pas forcément ce qui est « low », justement. Il y a quand même un certain nombre de constantes. En Afrique, le plus simple est, en cas de doute, de respecter la règle « pas d’épaules pas de genoux ». Dans certaines zones, on est encore souvent à « pas de pantalon » d’ailleurs.
Une femme blanche est d’abord blanche : comme étrangère, on lui permet plus de choses que les autres femmes. Mais il est inutile de mettre les gens mal à l’aise ou, tout simplement, de passer pour une fille de mauvaise vie : les incidences sur la sécurité personnelle sont bien trop importantes. Par ailleurs, faire attention à se tenue est un service rendu aux autres visiteurs : un blanc est forcément assimilé aux autres. Quand une
occidentale se ballade dans Mombasa en plein Ramadan avec un short ras les fesses et un petit top qui montre son piercing au nombril, c’est moi (avec mes jupes longues et mes hauts de grand-mère) à qui on vient dire « tu vois comment ta sœur se comporte ».
Autre règle vestimentaire : faire attention à ce que portent les hommes et les femmes. Typiquement, un cheiche, c’est trop cool de s'en payer un. Mais si une femme le porte en brousse, on risque de lui demander pourquoi elle porte un vêtement d’homme. Inutile de se faire remarquer.
J'ajoute que "routard" ou pas, les Africains attendent qu'on soit propres et qu'on ai des fringues en pas trop mauvais état. On m'a souvent demandé pourquoi les visiteurs (nous, donc) s'habillaient si mal alors que les femmes sont si chics en Afrique de l'Ouest, sans eau courante ni électricité.
Si vous avez une chevelure de rêve (et d’autant plus si vous êtes blonde), attachez vos cheveux et/ou rendez-les discrets avec un foulard ou un chapeau. Ne croyez pas que vous allez vous en sortir facilement si vous avez comme moi les cheveux courts : on vous demandera invariablement pourquoi vous avez fait subir ça à vos cheveux.
Une rapide étude sociologique des touristes permet également de voir ce que, eux, portent. En général, « le » touriste en Afrique se remarque à son sac à dos (si c’est un Quechua, on sait même qu’il est Français !
) et à sa gourde. Il est facile de troquer ça contre une besace et de planquer la gourde. On passe plus facilement pour un expatrié. Par ailleurs, on peut effectivement acheter beaucoup de vêtements à des prix imbattables directement dans les villes africaines (marchés de seconde main. Pour le fun : a Accra, il s'appelle
Obroni wawu, "le blanc est mort"
)
Discours.Ca reprend un peu la partie « rangez votre féminisme ».
Comme femme, il faut toujours, toujours faire attention à sa réputation. Pour moi, il y a eu deux types d’écueils à éviter : passer pour une fille facile (pas évident quand on voyage seule) et passer pour une mécréante.
Pour décourager (en partie...) les éventuels gars un peu lourds, il est très utile d’être mariée ou de s’inventer un mari. Pour cela trois éléments : porter une bague qui peut faire office d’alliance, avoir une photo de son mari ou d’un gros costaud quelconque et dire qu’il arrive bientôt, et, enfin, en parler dans la conversation
. Inutile de penser qu’on va faire évoluer les mentalités en une soirée en expliquant qu’on est divorcée ou qu’on vit en union libre.
La question inévitable sur les enfants peut être très difficile à contourner si vous avez passé la trentaine et que vous n’en avez toujours pas (de manière volontaire ou non, d’ailleurs, les interlocuteurs font rarement la différence). Je trouve personnellement plus difficile de mentir sur ce point mais il faut avoir conscience que, sans enfant, on perd pas mal de statut social. C’est pas toujours très évident à gérer mais ce n’est certainement pas vital.
La même réflexion s’applique à la religion (et c’est valable pour les hommes aussi) : en Afrique au moins, ne jamais dire (à moins d’avoir de fichus bons arguments et du temps pour discuter) qu’on ne croit pas en Dieu. Au mieux, vous aurez du mépris, au pire, vous allez subir un prosélytisme actif et pas agréable du tout.
En termes de comportements, comme le rappelle Vagabond, être avenante (plutôt que souriante, ce qui pourrait être mal interprété) est essentiel. De même que ne pas fumer (total sexy) ni jurer (total pas sexy).
Contacts physiques : ça dépend tellement des pays qu'il faut juste s'abstenir et observer. Ne jamais initier un mouvement. A Rome...
Tous ces points s’appliquent évidemment a priori. Quand on développe une relation de confiance dans une famille et qu’on se fait des amis sur place, on prend le temps de discuter et d’expliquer comment les choses fonctionnent chez les uns et les autres. C’est un super échange qui enrichit culturellement et humainement.
Mais quand on ne fait que passer dans une lieu ou qu’on croise des gens juste une soirée, c’est mettre sa sécurité en jeu que de provoquer, même si c’est sur des choses que l’on juge mineures.
Prévention généraleSi on voyage dans un pays potentiellement difficile, une zone dangereuse ou qu'on reste n'importe où mais longtemps, se faire enregistrer au consulat. Si on fait un trip dangereux, le signaler. Si on est un peu rebelle ou aventureuse, on a pas forcément envie de le faire, mais plus je vieillis, et même en étant souvent très critique sur la France, plus je me dis que je suis fichtrement chanceuse d'avoir un passeport français.
Avoir un téléphone et une puce locale (en Afrique, c'est trois fois rien). Enregistrer le numéro de l'ambassade, du consulat et le numéro d'urgence (permanence des gendarmes). Ils savent tirer les gens du pétrin.
Avoir les numéros de l'hôtel, de gens de confiance. Et penser à demander le numéro aux taxidrivers sympas et qui ont des voitures pas trop pourries. En Afrique, on peut les appeler et c'est très rassurant d'avoir toujours le même.
Savoir marcher : montrer qu'on sait où on va. Et donner la sensation qu'on est du coin (j'aime beaucoup l'idée d'acheter un journal local, je n'y aurais pas pensé).
Voilà pour ce soir. Je voudrais aborder plus tard la question des agressions et du logement mais j’espère qu’on peut commencer à discuter pour enrichir ma petite expérience.
EDIT : vendredi 24