Si vous permettez, j'aimerais partager ces instants où je côtoie la chasse. Je ne suis pas chasseur, mais j'adore la photographie animalière, et je n'habite pas en France, mais sur l'île de Taiwan. Il m'arrive de partir vadrouiller le dimanche sur un sentier de forêt, vers 800 mètres d'altitude. forêt de feuillus, ou de conifères plantés il y a longtemps par les japonais. Les montagnes de Taiwan qui comptent cent sommets à plus de 3000 mètres, représentent un quart de la superficie des Alpes, mais on y trouve quatre fois plus de diversité biologique. Il m'arrive donc de rencontrer des chasseurs. ce sont des aborigènes, là où je vais souvent, c'est le territoire des Atayals, mais il m'est arrivé d'être invité à une chasse à courre chez les Bunun, ou encore de travailler sur la chasse des Amis (pendant mes études). Je ne m'écarte pas des sentiers dans la forêt, se perdre ici tourne rapidement au vinaigre: difficulté de faire le point eu égard au couvert végétal, manque de signal pour un gps, et boussoles souvent imprécise (sans doute composition de la roche des montagnes?). Et puis, ce n'est pas une forêt domaniale, c'est très dense. Le dimanche, donc, lors de mes randonnée, souvent, je croise des chasseurs, par exemple, par un beau dimanche de décembre. Moi je descends, eux, ils montent, en fin d'après midi. Sympa, en me voyant, ils m'interpellent pour boire un coup, j'en profite pour leur poser des tas de question sur leur connaissance de la faune et de la flore. les deux chasseurs ont la cinquantaine, l'un un peu plus jeune, ils habitent dans une tribu pas loin d'ici, ils appartiennent à une ethnie aborigène, rattachée à la famille austronésienne, des atayals, je parle leur langue, mais on fait un mix chinois-atayal. On est en décembre, il fait à quatre heures de l'après midi, 12 degrés, le soleil se couche, ca va vite descendre, en forêt, l'humidité est telle que les chinosi ont un mot pour ça, ils disent que c'est un froid qui pénètre les os. Les chasseurs, eux, portent un vieux pantalon usé, l'un un vieux t-shirt troué, l'autre, rien en haut! Il me dit avoir l'habitude, et ne souffre absolument pas du froid. On trinque, une bière chacun. Ils ont des sacs à dos de rattanplastique tressés, fait maison, pas de matos de marque. Des bottes premiers prix parce que ca tient mieux sur les sentiers glissants, et ca protèges des sangsues et des serpents. Il y a une cinquantaine d'espèce de serpents dans ces forêts. les morsures de cinq d'entre elles sont potentiellement mortelles. une dizaine d'autres sont moyennement venimeux. Bien sûr, ils connaissent parfaitement les danger. L'un me désigne une cicatrice sur son épaule droite, attaque de sanglier. Il y a des chasseurs qui ne reviennent pas parfois. Outre les serpents, le premier danger, ce sont les frelons, ceux qui défrayent la chronique en France. Tomber sur un nid et le réveille, c'est se mettre dans une situation ou on a très peu de chance d'en sortir. Ils ont une boite en plastique, remplie de poivre. Ils me disent: si tu rencontre un essaim de frelon, recouvre-toi de poivre. "Ils n'approcheront pas". Le plus vieux me tend cette boite: prends-là! Il insiste, je ne veut pas le priver de l'un de ses rares équipements, mais il insiste tant que ce serait malpoli de refuser... Leur équipement? cette boite de poivre, donc, le sac à dos fait maison en rattan, une frontale, seul concession à la modernité, modèle rustique un peu bricolé avec des fils électriques pour raccorder une grosse batterie qui fournira de l'éclairage pour toute la nuit, puisque la chasse a lieu la nuit: le gibier recherché sera les écurueils volants, marsupiaux apprtenant à quatre espèces, ou bien le cervule muntjack, sorte de petit chevreuil. Bien sûr, dans l'équipement il y aussi le couteau, les couteaux, les hommes atayals en ont deux, l'un pour la chasse, entre 30 et 40 centimètres, lame en forme de croissant de lune, effilée vers la pointe, elle sert à achever et à se défendre d'un animal agressif. , l'autre, plus petit, pour dépecer en détail. Enfin dernier équipement, l'outil principal du chasseur: son arme: le fusil. La chasse, activité traditionnelle suivant les cycles des saisons et liées à des représentations symboliques (les aborigènes de Taiwan coupaient autrefois les têtes de leurs ennemis, dans un cadre très ritualisé, le flux vital des ennemis doit être acquis par un jeune homme pour gagner la faculté de procréer, ce flux vital étaiet également considéré comme nécessaire pour faire pousser les récoltes. En outre, ramener une tête dans un village est très problématique du fait de la propension de l(âme) devictime à se venger, il fallait donc faire intervenir le chaman pour amadouer cette tête et s'en faire une alliée) . Je reviens au fusil donc, comme le reste du matos, pas de 38 ceci, de 44 cela, de marque, rien de tout cela, la chasse, règlementée, interdite historiquement par l'administration coloniale japonaise puis chinoise (république de Chine), a débouché sur la règlementation actuelle: interdiction est faite aux chasseurs d'acquérir une arme de chasse sur le marché. Ils doivent la fabriquer eux même! Cela donne donc une arme simple, fabriquée en tube d'acier, crosse en bois, cela ressemble à une arme du moyen âge, canon très long, certains chasseurs savent fabriquer des armes plus précises, mais cela est difficile, ils se contentent donc de ce que certains appelleraient des pétoires, et ca le fait très bien, la plupart du temps, pour arrêter un sanglier de 120 kilos ou un petit cerf. Enfin, ça, c'est en visant bien, car il arrive de rater son coup, et c'est pour ça que les chasseurs chassent par paire. l'ailier est là pour rectifier le tir le cas échéant. Ces armes doivent être déclarées et présentées au commissariat de police une fois par ans, ainsi que les munitions, des billes d'acier. Les aborigènes ont de nombreuses revendication pour regagner ce pan de leur culture qui leur a été pris: le droit de chasser. Aujourd'hui, entre la protectiond e certaines espèces, et la stricte limitation des armes de chasse, les revendications sont nombreuses, les choses évoluent lentement, ils viennent d'obtenir des dérogations sur certaines espèces qui ne sont plus considérées comme menacées. Voilà, après une demi-heure de discussion, je continue sur le chemin du retour, et laisse les chasseurs s'engouffrer dans la verte, ils vont, eux, bientot quitter le sentier pour monter, il y a des écureuils volants à la cime des arbres en haut de la montagne. Ces hommes chassent parce que cette activité fait partie de leur culture, c'est pour eux viscéral, mais aussi parce que, en tant qu'aborigènes , ils sont des citoyens de seconde zone dans la société taiwanaise, ils n'ont pas accès aux mêmes service (santé, éducation, infrastructures..) que les autres, et ramener un cervule muntjack permet de nourrir en viande la famille pendant plusieurs jours, alors qu'ils ne pourraient pas se payer de steacks dans un supermarché carrefour implantés sur l'île. Voilà, j'espère vous avoir intéressés par cette petite histoire vécue..