Si cette scie doit servie pour l'abattage des arbres alors c'est d'un godendart que tu as besoin...
Voici un extrait de faire son bois:
Les haches et le godendart aiguisés, il ne restait plus qu'à attendre le moment favorable. C'était habituellement au début ou au milieu de novembre alors que les labours étaient complétés et que les premières gelées avaient durci le sol et glacé les marais, ce qui permettait un travail relativement propre. Parfois une légère couche de neige couvrait le sol.
La « wagen » était prête, la boîte avait remplacé le brancard qui avait servi à la récolte, et le siège à ressort et à dossier avait été installé ainsi que la planche-siège. Le temps était propice, mon père avant le déjeuner, avait préparé la poche de foin pour le dîner de Ben, notre cheval, et ma mère avait fait les sandwiches au porc frais et à la moutarde pour deux hommes, mon père et mon frère. Après déjeuner, l'aube n'était pas encore levée que Ben était attelé et qu'arrivait mon oncle Lévis avec son capot de poil, sa hache et sa boîte à lunch. Les trois hommes, après avoir placé le nécessaire dans la boîte de la voiture et bien vêtus s'installaient dans la voiture et en route vers le troisième rang.
Le voyage était assez long, au moins une heure pour parcourir les trois milles séparant la ferme du village au boisé. Au troisième rang, ils empruntaient le chemin de ferme du voisin, monsieur Richard, qui permettait l'accès au bois sans avoir à traverser la coulée large et profonde : un ravin qui serpentait sur leur terre à l'orée du bois et qui se déversait dans le fossé de ligne d'en haut. Quelque sept ou huit cents, peut-être mille pieds de chemin de bois où les bruits de la campagne s'estompaient tout à fait, séparaient l'entrée du bois de la cabane à sucre, le point de ralliement.
Cette dernière était élevée au milieu d'une clairière sur une pointe de terre que contournait une autre coulée, celle-là peu profonde, que suivait le chemin. Il ne restait qu'à traverser cette dernière sur un ponceau de fortune juste en face de la cabane. Et Ben se dirigeait vers la porte de l'écurie. Les hommes descendaient, enlevaient leur capot et s'affairaient : les instruments étaient descendus, Ben était attaché à un arbre tout près, « abrié » ou recouvert de sa couverture, sa poche de foin placée à sa portée et hop à la tâche!
Le premier travail consistait à faire une exploration du boisé afin de déceler les arbres dont la coupe s'avérait nécessaire : les arbres tombés sous l'effet des vents de tempête au cours de l'été ou ceux dont les branches étaient cassées ou encore ceux qui étaient morts ou séchés. Le coin des conifères était visité afin de trouver les deux pruches de bois de charpente dont les planches étaient nécessaires pour la réparation du lambris de la vieille grange ou pour une construction prévue.
Le choix des arbres complété, il fallait y aller de ses efforts, en commençant par les arbres couchés. Pendant que mon frère s'attaquait aux branches à grands coups de hache, et en dénudait le tronc, mon père et mon oncle prenaient en main le godendart et s'installaient de chaque côté en commençant par un trait à la base de l'arbre. Par des mouvements de va-et-vient, de « tire et d'abandon » ils voyaient le godendart pénétrer dans le tronc. Un coin était parfois enfoncé dans le trait de scie afin que le godendart ne soit pas coincé. Et ainsi de suite, l'arbre était découpé en pièces d'une douzaine de pieds. Les grosses branches, elles-mêmes dénudées de leurs petites, étaient jetées sur les billots qui étaient entassés tout près, de façon à ce que leur chargement puisse s'effectuer facilement la neige venue. Ce travail se réalisait à bras d'hommes à l'aide du « cantouque » et de la chienne, cette dernière permettant de soulever et de tirer les billots. Puis on passait à un autre arbre.
Pour un arbre debout, il fallait déterminer la meilleure orientation de sa chute pour qu'il ne puisse s'accrocher dans un autre arbre. C'était à y penser et faire à la hache une bonne encoche sur le tronc, une encoche du côté opposé au trait de scie et transversale à la direction du point de chute. Le travail du godendart devenait plus pénible, car il fallait faire le trait assez près du sol. Ils sentaient bientôt le tronc osciller sur sa base; encore quelques coups de scie permettaient à l'arbre de perdre ses liens et lentement de chuter dans la direction désirée. Il était bon de s'éloigner pour éviter un accident.
Une fois l'arbre abattu, il était débité comme le premier. Et le travail continuait. À l'heure du midi, il faisait bon s'arrêter pour prendre quelques sandwiches accompagnés d'une bonne tasse de thé chaud, tout en se reposant et en discutant du travail à venir. C'était le moment de donner un peu d'eau à Ben. L'après-midi était assez court, car en novembre la noirceur vient assez tôt et le retour à la maison s'effectuait avant la grande noirceur. C'était encore une heure de voyage. Plusieurs jours d'un tel travail étaient nécessaires pour pourvoir en bois de chauffage les besoins de deux maisonnées. À la fin de novembre, les « bûchages » étaient habituellement terminés, mais il restait à transporter ce bois. Il fallait attendre la neige, si elle était tardive, mais c'est au début de décembre qu'on s'efforçait de compléter cette tâche, avant la boucherie et les Fêtes.