Il y a aussi une distorsion de la manière dont on perçoit les bruits de nuit. Si on y ajoute une hyper-vigilance parce qu'on se sent vulnérable, notre imagination nous sert le menu qu'on commande.
Quelques exemples récents avec des enfants en phase acclimatation:
_Nuit noire & impression de bruits de pas allant crescendo.
---> Interprétation: quelqu'un s'approche de nous.
Réalité: une branchette s'est détachée, a heurté de plus en plus bruyamment celles en dessous au fur & à mesure qu'elle prenait de la vitesse et est tombée sur le sol (à la hauteur de nos couchages)
_Il y a des sangliers, d'ailleurs on les entend.
---> Oui, ils vont boire à la rivière, mais ce n'est pas eux qui font ce bruit.
Réalité: des mulots qui farfouillent dans les feuilles mortes à la recherches des miettes du repas (c'est fou le barouf que peuvent faire de si petits trucs la nuit)
_03H00 du mat', on échange nos bivis de conceptions différentes avec mon fils, pour vérifier des histoires de condensation.
--->Certitude du gamin: il y a du monde devant moi.
Réalité: son bivi a une ouverture frontale par où pénètre le son & la résonance trompe ses sens car c'est moi qui m'agite, mais 10 mètres derrière lui.
_Multiples impacts (bien réels) au sol & sur les tentes, donnant le sentiment d'une averse nocturne. ---> On sort mettre les sacs & chaussures à l'abri, mais pas une goutte d'eau & on voit les étoiles.
Réalité: nous sommes en plaine de Saône dans une zone inondable l'hiver (il y a des détritus flottés perchés à 3 mètres dans les arbres). Fin août, la brise détache des particules de boue séchée qui reproduisent à l'identique le son d'une forte pluie.
Après ils y a aussi des cas où les animaux sont curieux et/ou territoriaux:
_Encore des mulots (une autre fois), j'imagine attirés par la "nouveauté" de la texture d'un bivi.
Ils cavalaient dessus & m'empêchaient de m'endormir. J'ai grogné, ouvert le bivi, les ai éclairé au max des possibilités d'une frontale, mais rien à faire. Ils s'éloignaient d'un mètre ou deux et revenaient faire du toboggan sur mon bide la minute suivante. J'ai fini par mettre des bouchons d'oreilles.
_En moyenne montagne dans le Jura: bruit nocturne d'un "gros" animal qui rode autour du bivouac (là pas de doutes possibles sur la réalité d'une présence: il faisait ses crottes juste devant nos feuillées pour signifier qu'on était chez lui).
Il s'agissait d'un chat sauvage. Au bout d'une semaine, il passait à 15 mètres de jour en nous ignorant.
_Dans une zone difficilement accessible où les oiseaux sont peu habitués à la présence de l'homme: "concert" de piaillements (d'alerte?) à la tombée de la nuit.
On éteint le feu, mais rien à faire: impossible de dormir dans ces conditions.
Sur une idée de ma fille, on diffuse un feulement de félin sur le smartphone réglé au plus fort: le silence a été instantané (hormis les grenouilles qui n'avaient rien compris à sa stratégie de guerre biologique)
En fin de compte, les rares fois où nous avons eu à faire à une présence humaine, nous l'avons décelée bien avant elle (un couple de jeunes amoureux & un mec alcoolisé qui faisait du rodéo en quad).
De mon point de vue, en forêt, c'est plutôt quand le silence devient absolu qu'il faut se méfier.