Bonjour à tous,
Il existe déjà beaucoup de livres sur l'autarcie et tous les sujets qui en découlent, je ne vais donc rien vous apprendre mais j'aimerais juste vous faire part de notre expérience, de nos erreurs, de nos réussites....
Et si cela pouvait motiver des gens, faire germer des projets tels que le nôtre, j'en serais d'autant plus ravie.
Pour commencer situons la ferme dans son environnement car nous dépendons justement beaucoup cet environnement.
Nous sommes donc installés en Corrèze à 550 m d'altitude. Nous avons 17 hectares de prés en légère pente dont 4ha de marécage (eh oui on est bien en Corrèze !), quelques ruisseaux et sources, des petits bouts de forêt. Il y a un village avec tout le nécessaire (poste, médecin, magasin de matériaux, pharmacie...) à 2 km et Tulle la préfecture à 30 km. Nous sommes dans un hameau qui compte 4 familles.
Disons que c'est l'idéal pour un projet autarcique.
Nous nous basons sur la permaculture, ainsi nous nous efforçons de créer un système autonome ou chaque chose est utile à une autre.
Ce projet est valable sur ce lieu, avec nos idées, notre expérience, je ne dis en aucun cas qu'il est parfait et serait adaptable partout.
Nos chiottes sèches
Peu de gens comprennent notre démarche (j'ose espérer qu'ici oui !). Nous passons pour des inconscients, des fous, des marginaux et j'en passe. Parait même que les filles sont les pires !
Nous trouvons cela assez pénible de toujours justifier nos choix, d'expliquer pourquoi on chie pas dans l'eau potable, pourquoi on peur faire 100m en vélo et non en voiture...
Tout ceci nous incite parfois à vouloir vraiment vivre en autarcie comme des ours mais je pense que justement ce genre de projet doit s'ouvrir pour donner des idées, se multiplier !!!
Sans trop m'avancer, je pense que notre système est une solution parmi d'autres pour l'avenir et cela mériterait vraiment de créer tout un réseau de ferme autonome qui échangent entre elles des produits et en vendent une partie aux citadins.
Mais avant ça, revenons à nos moutons !
Je ne peux pas rentrer en détails dans chaque domaine, ce serai beaucoup trop long mais je pensais donner notre façon de faire et les points négatifs et positifs.
Animaux :50 brebis race Manech Tête Noire + un bélier
Ethiopie et Iris son agnelle
3 chèvres croisées porte et fenêtre + Elvis le bouc
Magnum !!!!
un couple de canards de Barbarie
3 oies ( nous allons augmenter le cheptel à 20-30 l'année prochaine)
11 poules et 1 coq
2 chiens de troupeaux
1 chat
1 ânesse
Achat d'un cochon prévu pour ce printemps
Et plein d'autres animaux plus ou moins désirables... Souris, rats, rapaces, grenouilles, biches, renards... La Corrèze étant un département très boisé et sauvage, ça pullule de partout !
- Bonne diversité en animaux atteintes, chaque animal à son rôle sur la ferme.
- Elvis notre bouc Massif Central, Ethiopie et son agnelle sont nos tondeuses, ils nous débroussaillent les chemins et coupent l'herbe là où besoin.
- Le cochon nettoiera la futur parcelle de céréales
- Les canards et les oies entretiennent les zones marécageuses et le verger
- Les chiens nous aident à déplacer le troupeau
- Le chat mange les souris...
- Nous ne vermifugeons pas nos brebis car nous faisons des parcs tournants à l'aide de fil électrifiés avec un poste solaire.
- Par contre, nous avons des prairies humides, ce n'est pas bien adapté à des brebis (leur onglons pourrissent...)
Productions animales :
Lait et fromages :En période de lactation, nous trayons tout les matins nos brebis, l'année dernière, vu que j'ai passé tout l'été toute seule sur la ferme (Pierre gardant un troupeau en montagne) j'ai trais que 10 brebis et taris le reste. Ainsi j'ai fais des fromages frais, du yaourt, du lait fermenté et de la tomme. L'objectif est que nous tirons un petit revenu issu de la vente des fromages mais avant tout que nous fabriquions assez de tomme pour tenir tout l'hiver.
N'ayant actuellement pas de fromagerie aux normes, nous auto-consommons tous nos fromages que je fabriquais sous le auvent de la caravane.
Traite des brebis au prés
Viande :Nous tuons un agneaux de temps en temps.
Nous prévoyons de faire des saucisses, pâté, jambon fumé... avec le cochon qui sera nourris au petit-lait issu du fromage.
Nous mangeons aussi les canards.
Poules et œufs :Nos poules nous fournissent environs une trentaine d’œufs par semaine. Nous échangeons le surplus contre d'autres choses. Il serai intéressant de produire soi-même le blé pour les poules car ici en Corrèze, le blé bio ne court pas la rue, il est donc cher. Nous allons donc tenter de semer une parcelle de blé l'année prochaine.
Laine et cuir :Je feutre la laine en habits (veste, chapeau, chaussons..), tapis, sacs.... Je tricote et couds nos habits avec une machine à coudre à pédale.
L'objectif est aussi de tanner les peaux des animaux que nous tuons. Après plusieurs échecs de tannage (à la cervelle et à l'écorce d'aulne), nous avons une peau qui attends que nous tentions une autre technique de tannage.
Avec nos futurs peau tannées, je veux nous confectionner des mocassins, des vestes pour l'hiver, pourquoi pas des pantalons imperméables ???
Gilet en laine feutrée non cardée- non lavée
Échec au niveau des canards :Ni connaissant strictement rien du tout en élevage de canard, nous avons tout simplement acheter des simples canards à la foire aux bestiaux. Je précise que nous avons demandé au vendeur des canards de Barbarie avec l'objectif d'avoir des cannes pondeuses rustiques et qui se multiplient facilement.
Sauf que 6 mois après avoir acheter les canards, un paysan du coin nous a dit qu'en fin de compte nous avions seulement des cannes Mulard (croisement canne de Pékin et canard de Barbarie)... et ce croisement produit des femelles HYBRIDES et STERILES !! Elles auraient du mal à se reproduire !!!!
Du coup on les a toutes mangé et racheté un couple de Barbarie.
Réussites diverses :- les poules grattent bien pour nettoyer les futures parcelles de potager
- les canards mangent uniquement l'herbe (leur parc ressemble à un terrain de golf), on tenterai bien de les laisser en liberté autour de la maison pour gérer la pousse de l'herbe,
- les oies mangent beaucoup d'herbe mais aussi les jeunes arbres que nous venions de repiquer dans le verger !! Grrrr !! Nous ne savions pas qu'elles raffolent de tendres écorces.
L'avantage des oies est qu'il n'y a pas besoin de leur apporter du grain, elles trouvent toutes leur nourriture dans la nature.
Potager :J'ai réalisé un potager tout en butte « fabriquées par mes petits bras ». La construction des buttes est durs, longues mais il y a beaucoup d'avantages : sol plus aéré, arrêt de labour, meilleur drainage de l'eau, plus pratique à travailler car sol plus haut...
Notre terre est plutôt acide et est composée en grande majorité de sable. C'est donc une terre fragile qui doit obligatoirement être protégée du vent, du soleil (formation d'une croûte de battance)et de la pluie (lessivage).
J'ai testé plusieurs paillage : - BRF : C'est bon pour des sols très pauvres, sinon, risque de faim d'azote. Et à moins de couper tout les rameaux un par un au sécateur, faire du BRF nécessite un broyeur qui coûte cher et fonctionne au pétrole.
- Tonte de gazon, si trop épais et pas sec, ça fermente. Bref c'est pas l'idéale et nous ne tondons pas notre herbe donc il faudrait aller chercher les tontes des voisins... → perte de temps pour résultat moyen.
- La sciure est pas mal mais lorsqu'elle est sèche, elle empêche l'eau de pénétrer dans la terre je trouve. Elle se décompose assez vite donc il vaut en remettre régulièrement. Mieux vaut donc garder la sciure pour les chiottes sèches !
- La laine de brebis est dans mon cas le meilleur paillage. J'en ai une cinquantaine de toisons par an, c'est donc un paillage gratuit, écologique et économe. La laine garde très bien l'humidité du sol tout en conservant aussi la chaleur, elle laisse bien pénétrer la pluie, elle empêche la pousse des mauvaises herbes, elle se décompose très lentement. Par contre elle n'apporte pas de matière organique don il faut penser à incorporer du fumier dans la terre à l'automne.
J'ai semé des poquets de luzerne un peu partout comme engrais vert et à l'automne de la moutarde sur les nouvelles buttes pour les protéger et enrichir le sol.
Nous avons aussi fait pas mal de buttes de petits fruits rouges, dans l'idée de faire beaucoup de cueillette et manger dans le potager.
Alors il y a des myrtilles de plusieurs variétés, des framboisiers de plusieurs variétés, des groseilliers, des groseilliers à maquereaux, des cassis, des cranberry, des casseilles, des asiminiers, des baies de mai, des aronies rouges, des fraisiers grimpants, un goumi du Japon.....
Les réussites du potager : - Peu de problème de parasites et de maladie → grande diversité en légumes, fleurs, fruits, aromates, c'est la jungle !
- Beau et bons légumes EN ABONDANCE sans trop de travail → le paillage évite le désherbage, l'arrosage
Les échecs :- Pieds de tomates trop serrés → propagation rapide du mildiou surtout qu'il a plu casi tout l'été !!
- Semis de carottes, betteraves, choux rave trop tardif (juillet) → semé en échelonnée de mai à fin juin afin de ne pas se retrouver avec toutes les récoltes au même moment et des légumes rikiki
- Penser à toujours prendre des variétés rustiques, locales et de conservation
- ne pas mettre des topinambours sur buttes, ils ont tendance à se déchausser avec le vent
Le vergerA l'automne dernier, nous avons beaucoup investit dans des arbres fruitiers. Cela fait très mal au porte-monnaie mais vu le nombre d'année avant qu'un arbre produise, nous pensons que c'est une des priorités à faire en arrivant sur le lieu.
Notre verger est clôturé avec du grillage en métal de 1m35 de haut et a une surface d'environ 1600m2.
Nous avons choisis des variétés de fruitiers assez résistantes (rustique et locale) car l'hiver peut quand même être froid ici.
Pomme St Germaine, Mûrier Blanc et Noire, plaqueminier, pêche de vigne ...
Nous nous efforçons aussi de refaire des haies un peu partout. Pour la biodiversité mais aussi pour nourrir des brebis et.. nous !
Dans ces haies nous avons surtout mis des arbustes à petits fruits (cormiers, cornouillers, amélanchiers, gingko, pacanier, pin pignon, araucaria, merisier, châtaignier... et plein d'autres plan d'arbres piqués dans la forêt voisine (tilleul, bouleau, chêne, frêne, noyer,...)
Alimentation :En résumé, nous produisons : légumes, petits fruits rouges, œufs, fromages, viandes.
Nous achetons donc 1 à 2 fois par an des céréales (farine, flocons d'avoine, légumineuses (lentilles) et huiles (chez le grossiste bio) que je stock dans un congélateur en panne pour que ce soit à l’abri des souris et des mites alimentaires.
Avec les récoltes de notre jardin je fais des conserves en lacto-fermentation, aromatiques séchés... Donc ici pas de frigo et encore moins de congélateur !
Nous récoltons et mangeons pas mal de plantes sauvages, de châtaignes, noix, noisettes, champignons...
C'est le bonheur d'aller faire ses courses dans son jardin !! La nature est tellement abondante lorsqu'on ne travaille pas contre elle mais AVEC elle.
Salade du jardin
Énergie :L'objectif est de faire nous-même notre bois mais nous nous demandons si il est possible et réaliste de le faire sans trançonneuse... A réfléchir ! !
Au début on cuisinait sur un petit feu dehors, maintenant nous avons une gazinière qui sera vite remplacé par la cuisinière à bois.
Nous n'avons pas de voiture donc pour se déplacer nous utilisons nos vélos, nos jambes, le stop (ça nous réussit pas trop, faut croire qu'on doit faire peur aux gens!!), le train, le covoiturage... C'est parfois bien la galère, surtout en habitant à la campagne mais c'est possible !:)
Nous avons acheté des panneaux solaires pour être automnes en électricité mais j'aimerai tellement me passer d'électricité. On a 2 panneaux de 250WATT et 4 batteries de 100Ah chacune.
Nous nous efforçons de produire le moins de déchets possible, nous essayons de tout récupérer, tout transformer !
Les points fort de notre système :- notre mode de vie simple, cela implique très peu de dépenses (ça sert à quoi de se maquiller ou d'avoir le portable dernière génération ???!?) Nous n'avons pas d'eau chaude ni de sanitaire... Vive la décroissance.
- notre mode d'élevage et de culture n'a pas beaucoup de frais, laissons mère nature faire !
- bonne réserve en eau
- altitude faible donc choix en variétés d'arbres, de légumes et de fruits très élevé
- projet très flexible, ouvert, vivant donc facilement adaptable
- planification et aménagement du lieu longuement réfléchi afin d'optimiser les dépenses d'énergie future
Après 10 mois passé sur la ferme dont 5 mois seule, nous sommes déjà autonome sur pas mal de chose, beaucoup plus qu'on imaginait possible après si peu de temps !:)
Mais on trouve qu'on aurai vite tendance à se « normaliser » par facilité et pression sociale très forte... Pourtant on aimerai encore plus simplifier nos besoins dans le sens ou nous trouvons que nous achetons toujours de trop par rapport à ce qu'on pourrai faire. Si si..
Les points faibles de notre système :- dépendance à l'agriculteur voisin pour faucher nos près → il faut trouver une solution à cela -> pâturage hivernale intégrale ??
- tout faire soi-même a ses limites, c'est souvent lourd, physique, fatiguant. - J'ai déjà des tendinites au deux poignées....
- Manque de cohérence sur certains points : obligation d'avoir un ordinateur, dépendance aux livreurs de matériaux..
Brainstorming :- Créer un réseau. J’essaie déjà de favoriser le troc avec les voisins du hameau : un service contre un fromage.... Et des échanges de produits avec les producteurs locaux : Un pot de miel contre quelques lactiques... Je pense qu'il est vraiment être urgent de se créer un réseau de « gens capables » autour de soi !!
- Sans les primes de la PAC, le monde agricole ne vie plus....
- L'administratif !! Ca prends du temps, temps qu'on ne passe pas avec les brebis ou dans la potager. Surtout lorsqu'on ne rentre dans aucune case du système...... Prise de tête assurée^^
- C'est très difficile (mais pas impossible je pense) de vivre sans pétrole dans notre société.
- Accès au foncier très fermé, c'est actuellement un parcours du combattant pour acheter un bout de terrain quand on a pas de diplôme, peu d'argent, un projet différent. L'agriculture industrielle gagne du terrain
- Financièrement c'est difficile. Au début nous pensions pouvoir trouver un petit terrain pas cher, construire une petite cabane, avoir quelques animaux et un grand potager. Mais au final on a dû emprunter de l'argent et faut payer plein de trucs... Taxes foncières, eaux, taxes ordures ménagères, MSA, prophylaxie......
Les chantiers à venir :- construire notre maison passive en bottes de paille, torchis et toiture végétalisée
- construire la fromagerie et la cave d'affinage (en cours)
- creuser plusieurs étangs dont un grand pour élever des poissons
- construire une petite cabane en argile pour passer l'hiver prochain au chaud (ça caille en ce moment dans la caravane !!!!)
- faire plus de butte dans le potager
- créer une parcelle de céréales (→ blé pour les poules)
- faire l'assainissement de la maison en phytoépuration
- construction de mure en pierre sèche un peu partout
- construction d'un séchoir solaire
Aménagements proche de notre future maison (potager, poulailler, mare, buttes de petits fruits rouges....)
Voilà, si vous avez des questions, ou autres, n'hésitez, on a encore énormément à apprendre mais je me ferrai un plaisir de partager avec vous le peu que je sais...
Et pour finir, je tiens à faire un petit clin d’œil à ce forum qui m'a permis de croiser le chemin de Thorgaal avec qui je chemine maintenant dans la vie et sans qui rien de tout cela serai réalisable ! Merci le forum, David, le destin ….. :')
Arhya et toute la tribu