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Auteur Sujet: Retex de 3 semaines en Ukraine  (Lu 2499 fois)

16 septembre 2014 à 16:58:37
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Olcos



Salut à tous,

Retour d'experience après 3 semaines en Ukraine.

Je vais tout faire pour rester dans les thèmes du forum et dans les limites fixées par sa charte. Aussi il n'y aura pas de grande envolée politico-strategico-cafedelagare…

Pas beaucoup de photos non plus, on était chargé et j'ai laissé mon materiel en France, quelques clichés de smartphone.

1ère étape : Kiev.


Kiev est la capitale et fut le théatre des évènements l'hiver dernier ayant entrainés le renversement du président Ianoukovitch. La désormais célèbre place Maidan et sa « légion célèste » (comprenez par là l'ensemble des militants tombé sous les balles des snipers et les coups des Berkouts).
Vous avez sans doute vu ces images de gens en armures quasi moyennageuses (jambière, casque de chantier, barres cloutées…) qui avançaient sous la protection de bouclier pris a la police, et parfois repoussé violement sous l'impact d'un projectile.

Nous arrivons de nuit dans le nouveau terminal de l'aéroport Boryspol, construit pour l'euro de football il y a deux ans. Inachevé au moment de la compétition, il semble qu'au moins un niveau soit toujours en chantier.

Pas de grand changement avec mes précedentes visites dans ce pays. Le contrôle d'identité se passe sans encombre, on se mêle à un groupe de japonnais pour éviter un contrôle de douane qui aurait révélé notre frauduleux trafic : 3kilos de saint nectaire, 2kilos de fourme d'ambert, 4 bouteilles de vin et champagne, saucisson, foie gras… des cadeaux pour la famille.


Un détail qui met quand même dans l'ambiance. Le jeune soldat qui monte la garde dans le terminal n'est pas dans l'uniforme dont j'ai l'habitude : pantalon noire, chemise bleu et casquette surdimensionnée heritée de l'URSS. La mode est passée au treilli camouflé, aux brelages et à l'AK47 en bandoulière (sans magasin tout de même).


Le lendemain nous nous balladons dans la ville, et rien ne nous renvoie aux évènements de l'hiver ou au combat dans le Donbass. Les taxis klaxonnent, les babouchkas vendent leurs fruits et légumes devant les sortie de métro, les grandes blondes trônent sur des talons irrationelles (les brunes aussi d'ailleurs), les 4x4 hors de prix sont garés n'importent comment… Vraiment RAS. La vie économique de la rue est normale. Bien entendu, celui qui prète vraiment attention remarquera quelques détails ne trompent pas. Deja au moment de changer des euros en Hryvnas le taux est très différents de ce que j'ai connu. Lors de mon dernier voyage il y a 2 ans on comptait à la louche 10 hryvnas pour 1euro, là c'est 17 pour 1. Ou encore cette pub pour des bons au trésor (ou autre produit financier dans ce genre) sur un écran du métro et sur fond d'uniforme et de char…

Et puis Maidan… Forcément une visite s'imposait. Dans mes souvenirs Maidan est une grande place (Maidan veut dire place…) traversée du Kretchiatik (les champs Elysés si vous voulez), se terminant près d'un parc boisé. Je me souviens il y a deux ans d'un campement de tente, de discours protestataires et d'appels a la libération de Ioula Timoshenko sur une petite partie de la place. Et encore auparavant la place avait été l'épicentre de la révolution orange qui avait mené au pouvoir la même Timoshenko et Ioutchenko.



Aux abords de la place déjà un grand batiment est masqué par une bache très patriotique, derrière on doit travailler à réparer ce qui fut détruit et brulé dans les affrontements. La place elle même est calme, il fait beau et chaud, il n'y a pas de voiture ou juste celle autorisé a ravitailler ou je ne sais quoi le lieu. Des barricades ferment tous les accès. Le calme est irréel dans pareil décor urbain.
Le camp est un vaisseau fantôme. Les tentes protégées par des murs de palettes ou  de pneus sont pour la quasi totalités vident. Les barricades de bétons et de pierre sont abandonnées de leurs gardiens. La tribune est vide, les spot descendu a 1m du sol. L'Histoire ne s'écrit plus ici.


On reconnaît les locaux a leur pas décidé qui traversent l'endoit sans lui accorder un regard, déjà habitué aux barricades, aux drapeaux et aux derniers « mohicans » residant sur place. Ils vont à vélo ou à pied le casque audio vissé sur les oreilles, discutant et riant sans préter attention au décor qui les entour.
Les autres, dont nous sommes, s'attardent, photographient ou se photographient devant les « monuments ». Nous verrons même une mêre demander a un milicien patibulaire et barbu (et pas franchement enthousiaste) de le photographier avec son adolescente de fille (les slaves ont un goût de la mise en scène photographique plutôt douteux).
Quelques fleurs fanées encadrent la longue bache ont sont imprimés la centaine de «  portraits des héros » tombé. Nous ne remarquons parmi eux que deux femmes, sinon ils viennent de toutes l'Ukraine et sont de tous ages.


Reste ceux que j'ai appellé les derniers mohicans. Nous n'en verrons pas beaucoup. « Uniforme » sur le dos, nous remarquons deux groupes, assis a quelques mètres les uns des autres à la terrasse de deux petits cafés improvisé. Les uns pantalon noir et t-shirt rayés bleu et blanc (typiques des armés soviétiques ou post-soviétiques), bonnet noir. Les autres en vert kaki de la tête au pied. En les regardant je ne peux m'empêcher de penser (opinion toute personnelle qui n'engage que moi) à des marginaux qui s'accrochent désespéremment au maidan parce que les évènements leur ont donné une raison d'être et un statut.

Le lendemain nous partons pour le Centre-Est par le train. Maidan nous rattrappe dès le matin de notre arriveé. A la demande du maire de Kiev (le boxeur Klitschko) une unité de la garde nationale (« Kiev 1 » de mémoire) a été envoyé pour rouvrir le boulevard Kretchiatik et nettoyer la place de son camp. Des affrontements ont lieu avec les derniers mohicans.
 Kiev 1 est un bataillon formé de volontaires ayant affrontés la police sur la Maidan, et rappellé des combats dans le Sud-Est. Dans une interview à la télévision leur commandant déclare à propos des derniers occupant du Maidan « s'ils veulent se battre, ils n'ont qu'a venir avec nous dans le Donbass », ambiance. Klitschko appelle ensuite la population à venir elle même nettoyer la place le lendemain, lui même en tête pour l'exemple. Belle illustration des nombreux antagonisme locaux.

Etape 2 : le Centre Est.

Notre deuxième étape nous a emmennée dans l'Oblast (région) de Dnipropetrovsk. A 300km du Donbass et des combats. C'est une des 3 régions les plus riches en termes de PIB de l'Ukraine (les deux autres sont Lughansk et Donestk, autrement dit les zones de combats). Ici la population est russophone, et partagée (je n'ai pas fait de sondage exhaustif…).  La ville ou j'étais vous fait aimer le Tresor Public français ! Ici les routes sont défoncées, les ordures ramassées quand on y pense et de toute facon les gens les balancent n'importe où ! J'ai pu voir des maisons où le mauvais goût était à la hauteur du prix. Les propriétaires étaient « buizness man », et merci de ne pas poser de question. Les pauvres sont très pauvres, les riches sont très riches. Au milieu on se débrouille. Je m'éloigne un peu du sujet qui concerne le forum. Je vais me contenter de petites anecdotes.

Un jour nous allons sur un terrain privé clos. En partant nous tombons sur un couple de quadragenaire, échange de quelques mots avec nous (je ne parle pas russe). En les quittant j'apprends qu'il se cache là des autorités avec l'autorisation du propriétaire, motif : il a été rappellé sous le drapeau pour combattre à l'Est, et a choisi la désertion.
Le même jour nous allons dans un « bazar » (marché ou l'on vend de tout) chercher une paire de simili rangers pour un jeune type aussi rappellé sous l'uniforme. Lui avait laissé sa femme et ses quatres jeunes enfants. L’État lui avait fournit le dit uniforme. Mais pour les chaussures il devait se débrouiller. Pour la nourriture aussi d'ailleurs !

Une grand-mère râle qu'on lui a supprimé ses chaines de tv russes et qu'elle ne peut plus voir ses programmes. Le gendre lui répond que ces chaines diffusent de la propagande.

Contrôle routier, le policier demande les papiers. Réponse du conducteur « pourquoi vous ne parlez pas ukrainien ?
- Le plus important est que l'on comprenne ce que je dis. »

Bref, la vie ne fut pas trop différente de ce que j'ai connu là bas, mais on sent tout de même des antagonismes au sein même des familles.


Etape 3 : Lvov, l'européenne.


Retour a la gare, 600km à la louche, 18h de train, 1h30 de retard au départ : bienvenu en Ukraine…
Nous prenons le train dans un bled paumé, la mairie est protégée par des sacs de sables. Sur le quai des militaires (en permission?) se disputeront quelques minutes avec des jeunes, de leur débat je ne capterai que des noms de villes en proie au combat.


On voyage en 1ère (moins de 80€ pour 2, compartiment couchette privé, clim qui fonctionne et café ou thé servi par le contrôleur) c'est pas cher pour nous, c'est quasiment le salaire d'un serveuse de café…


Notre train est parti de Mariupol (logiquement il a du passer par Donestk, sous contrôle des pro-russes), le retard est excusable… Et va à Lvov, la « capitale » des nationalistes ukrainiens. Ce qui nous donne droit à un contrôle d'identité. Visiblement mon passeport français n'interesse pas, le policier semble avoir une liste. A l'arrivée un homme est menoté sur le quai…


Lvov est une ville européenne, on pourrait se croire en Bohème Moravie. Les gens sont plus sympas, les commercants en particuliers. Cela s'explique aussi parce que cette ville est touristique. Les rues sont en bien meilleur état que dans l'est. On parle ukrainien, mais je n'ai remarqué aucune d'aggréssivité quant a l'ukrainien à l'accent russe de ma compagne.



Etape 4 : Le pays Hutsuls, les Carpates.


Après un voyage désagréable en marchutka (minibus), largement sur-rempli, sans suspension a l'arrière du véhicule et sur des routes vraiment défoncée. Un chauffeur préssé et con au possible… Pas top. On finit par arrivé dans notre hôtel, une sorte de petit HLM propre et sans âme. Apparemment c'est très apprécié ici… On appel un taxi pour trouver autre chose. Notre chauffeur est une perle, on a droit à une halte paysage, il passe des coups de fil pour nous. Il nous trouve une maison a louer a 150m de la route, dans un endroit magnifique et en plein pays Hutsuls (Verkhovina).


Nos hôtes sont charmants et serviables. Arrivés tard, ils nous installent et madame nous fait la cuisine pour le premier soir, leur fille nous accompagne au magasin et le surlendemain au marché (ce qui lui permet d'éviter les corvés de la maison ;-) ). ici c'est la montagne, on coupe du bois, on a pas d'éléctricité à cause de l'orage. Nous avons le gaz mais apparemment nos hôtes eux, cuisinent au bois. Les vaches se balladent en liberté, « ici c'est comme en Inde, les vaches sont libres et sacrées ». Il y a peu ou pas d'ordures jetée par terre. Je ne veux pas faire dans la peinture naïve et idéalisée des gens simples des campagnes, mais je veux bien souligner qu'entre l'Est riche du point de vu du PIB, sale, pollué, mal entretenu et ceux des montagnes, très pauvres selon les critères de l'économie. J'ai trouvé la vie incroyablement plus douces et les gens plus heureux ici. L'écho de la pensé de Pierre Rabhi m'a rattrappé.


Un point que je voulais aborder quant à notre hôte, et qui boucle notre voyage. Nous avons commencé avec le Maidan. Nous finirons avec lui.
De ce que j'ai compris il est dans le batîment à Kiev, bien qu'il vît dans les Carpates. Il semble avoir un bon niveau de revenu. Sa fille étudie le génie civil et ambitionne d'entrer dans une université en UE. Cet homme de plus de 60 ans était sur la place lors des manifestations de novembre – janvier. Il a subit les assauts des berkouts, et a fait parti des bléssés gravent qui furent évacués sanitairement en Rép. Tchèque pour y être soignés (opéré dans son cas). Le maidan l'a laissé avec la main et le bras droit cassés, plusieurs côtes brisées et trois blessures graves à la tête…

là je me sens bien :-)
« Modifié: 16 septembre 2014 à 17:05:30 par Olcos »
"Le chien apprend à l'enfant la fidélité, la persévérance... et l'obligation de tourner trois fois sur lui-même avant de se coucher."

Robert Benchley

16 septembre 2014 à 20:15:02
Réponse #1

jebstuart



17 septembre 2014 à 13:42:48
Réponse #2

Loupvert



17 septembre 2014 à 16:41:32
Réponse #3

Kilbith


Salut Olcox (cela faisait un baille camarade...d'ailleurs il manque quelqu'un sur les photos  :huh:)

J'aime beaucoup la façon comme tu présentes ton récit comme une simple ballade...y compris quand tu en profites pour parler des hutsuls comme d'une évidence, alors qu'ils sont loin de faire la une des médias.

Sur le fond, c'est toujours difficile d'imaginer quand on regarde la TV, que si on s'égorge là...on vie très tranquillement un peu plus loin.

Ce paradoxe perturbait énormément les permissionnaires de 14-18 qui se rendaient à l'arrière durant les permissions. De même, quand "tout est normal" difficile d'imaginer que l'horreur est au bout du chemin. 



 ;)
« Modifié: 17 septembre 2014 à 16:54:53 par Kilbith »
"Vim vi repellere omnia jura legesque permittunt"

17 septembre 2014 à 17:50:53
Réponse #4

Olcos


Salut Kilbith,

Je ne post pas beaucoup, mais je rôde ;-)
Taïga va bien, elle va sur ses 13 printemps. Elle ne peut plus beaucoup marcher, 2h tout au plus, sinon ses rhumatismes la font souffrir. Elle voit un peu moins clair, souffre de surdité sélective (la vibration de l'aliment atteint beaucoup mieux ses tympans que mes demandes...). Elle ne pense qu'a manger et se faire carresser. Un vieux chien en somme :-)

Pour les Hutsuls, c'est vrai que j'aurai pu m'étendre un peu sur le sujet. C'est une population montagnarde, essentiellement dans les carpates ukrainiennes et un peu en Roumanie. On leur doit ces chemises blanches aux motifs très colorés que l'on voit sur les images de l'Ukraine lors de manifestation très patriotiques. Ils sont quasiment devenu le symbole de la culture ukrainienne. C'est sans doute lié à leur éternel indépendance même sous la gouvernance soviétique (ils se sont battus contre les allemands jusqu'en 44 avant de se battre contre les soviet).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Houtsoules


image prise sur google

Et puis un film leur est consacré, les cinéphiles se souviennent surement des chevaux de feu de Sergei Paradjanov (http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19541674&cfilm=802.html

Pour ce qui est des combats, il y a une chose qui est differente de 14-18. celui qui veut savoir a acces a l'information, la brutalité des béligérents, la douleur des victimes, les drames... La vie continue à l'arrière mais internet a rendu la censure difficile pour ne pas dire impossible (la censure, pas la propagande ;-) )
« Modifié: 17 septembre 2014 à 17:56:10 par Olcos »
"Le chien apprend à l'enfant la fidélité, la persévérance... et l'obligation de tourner trois fois sur lui-même avant de se coucher."

Robert Benchley

19 septembre 2014 à 16:05:16
Réponse #5

Draven


Tes photos sont très belles, c'est particulièrement prenant de voir l'envers du décors, avec les explications.
Les images que j'ai de l'Ukraine récente c'est uniquement via les médias, et sur des périodes très courtes, donc c'est super d'avoir ce genre de photos/récits.

Y'a une suite a attendre ?

Une explication concernant la part de gateau en photo ?  :lol:
Version humaine de l'Ursus arctos middendorffi
FlickR

24 septembre 2014 à 13:24:43
Réponse #6

Olcos


Pas de suite Draven, on a mis 40h a rentrer en Auvergne (une huitaine pour la partie Kiev Clermont Fd). Nous avons passe la majeure partie du sejour dans le centre est, mais comme c'etait une visite familialle il n'y avait pas grand chose a raconter. Je ne me suis ballade que quelques heures dans la steppes :-)

Le gateau est la preuve evidente de la culture centre europeenne de Lvov :-D
"Le chien apprend à l'enfant la fidélité, la persévérance... et l'obligation de tourner trois fois sur lui-même avant de se coucher."

Robert Benchley

 


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Bienveillance, n.f. : disposition affective d'une volonté qui vise le bien et le bonheur d'autrui. (Wikipedia).

« [...] ce qui devrait toujours nous éveiller quant à l'obligation de s'adresser à l'autre comme l'on voudrait que l'on s'adresse à nous :
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