bonjour je voudrais avoir des avis sur le condor bushlore. je crois que je n'est pas fais de doublon.
http://www.coutellerie-tourangelle.com/ctk23243hc-condor-bushlore-knife-xml-897_177_504-13047.html
Bonjour,
Difficile de répondre pour ce couteau spécifique (de toute façon je n'en ai pas). En revanche, je vais essayer de répondre de façon précise.
Je ne suis pas totalement d'accord avec ceux qui ne répondent pas ou conseillent "d'aller voir ailleurs sur des forums plus spécialisés".
Force est de constater que sur le net on trouve plein de forums "montrant des couteaux", "le CTS XP CPM c'est-ti-mieux que le DOB VanChromoWolfram?" ou discutant de "comment faire un couteau" en discourant sur la supériorité de la nitruration à base de corne de gazelle ou les mérites de la meuleuse au corindon comme méthode pour faire des couteaux "rustiques".
En fait, si on abandonne ces sujets sur DM, cela va être la calme plat.
Construction de type plate semelle en acier 1075 au carbone.
Lame de 11,5 cm.
On est en face d'un couteau classique "bushcraft" tel que popularisé par Ray Mears dans ses émissions. Ce n'est pas inintéressant Ray Mears, c'est même souvent très bien. Dans son contexte et pour son utilisation.
Le couteau fait plus d'une paume de large, ce n'est donc pas un "petit couteau". Il fait moins d'un empan ce n'est donc pas un grand couteau. On considère donc, traditionnellement, que c'est un couteau d'usage polyvalent facilement transportable. Examinons différents points.
L'émouture est de type "scandinave". Intérêts :
- Facile à réaliser par l'artisan qui ne dispose que d'outil simples, par rapport à une émouture remontant jusqu’en haut du couteau.
- Lame solide en torsion du fait de la grande présence de matière au niveau de la lame.
- Angle d'affutage plus simple à respecter (on met la lame à plat sur la pierre et on pousse). Ce n'est valable que si c'est un "vrai scandinave" sans biseau secondaire (ce qui est rare).
- L'angle du tranchant est aigu. La coupe est potentiellement bonne.
Défauts :
- Pour affiler la lame, comme on doit user tout le biseau et retirer beaucoup de matière, c'est long.
- Le passage du biseau au reste de la lame est abrupt. Pour certaines tâches de coupe et selon les matériaux ce n'est pas adapté.
- Il faut un acier dur, sinon le peu de matière sur le tranchant entraine une tendance à se tordre de celui-ci.
Personnellement je trouve que ce type de tranchant est bien adapté pour travailler le bois. Par exemple, pour les frisottis (pour démarrer le feu) c'est pratique car la lame à un profil proche d'un ciseau à bois : on pose la lame à plat sur le bois et en poussant le frisotis vient. Pour le batonnage du petit bois c'est bien aussi : comme la lame fait coin, le bois éclate rapidement.
La pointe est incurvée vers le bas et s'arrête au milieu de l'axe du couteau.- Elle permet de préparer le gibier (retirer la peau, ouvrir la panse) sans risquer de dégrader la viande ou de percer les tripes. En revanche comme elle n'a pas beaucoup de vente (lame étroite) ce n'est pas un très bon skinner ni très adapté à préparer les peaux.
- Ce type de pointe permet de travailler le bois "de la pointe". Comme elle est presque symétrique on peut même réaliser un trou, comme avec un alésoir (ex : planche à feu). C'est bien pour le bois et le cuir.
La forme du couteau est simple :- Comme il est symétrique sur son axe longitudinal, il ne se ballade pas quand on le porte suspendu. D'ailleurs de nombreux étuis scandinaves sont suspendus à la ceinture par un simple lien de cuir. C'est pratique.
- Cette symétrie et l'absence de garde facilitent la réalisation de l'étui qui peut être du modèle simple "à friction".
- L'absence de garde et la symétrie rendent l'utilisation du couteau plus délicate. On ne sait pas instantanément ou se trouve la lame par un simple touché. De plus les étuis par friction nécessitent souvent l'usage des deux mains pour sortir le couteau, et la main qui va saisir le corps de l'étui est exposée, par exemple en cas de rupture de l'étui.
- L'absence de garde empêche les coups d'estocs et n'est pas un facteur de sécurité (la main peut glisser vers la lame ou saisir la lame). En revanche elle facilité les travaux de précision (main plus proche de la lame).
- Petit ricasso. On perd un peu de longueur utile de lame et de précision, mais cela renforce la solidité de l'ensemble, facilite l'usinage et l'affutage.
- Absence de décrochage de la lame et/ou de stop goutte. Affutage un peu moins facile et surtout le sang et autres liquides vont directement dégouliner sur les doigts.
- Le coté lisse du couteau évite les points durs pouvant gêner ou blesser la main et laisse une grande liberté dans la prise...au détriment de la sécurité et de la fermeté de la prise.
Le manche.Il est en bois de forme simple. On a déjà traité de l'avantage et des inconvénients de la forme simple. En ce qui concerne le bois : C'est souvent agréable au touché. Mais cela dépend aussi du type de bois et du traitement de celui-ci.
- Les manches stabilisés par de la résine sont insensibles à l'humidité mais sont souvent glissant, mêmes secs.
- Les manches non stabilisés peuvent "craquer" ou pourrir en cas d'exposition prolongée à l'eau. Ils peuvent aussi s'imprégner de sang et autres fluides et devenir rapidement infectes.
- Comme le bois a tendance à bouger selon le niveau d'humidité et qu'il aime l'humidité, on peut souvent constater que de l'oxydation se développe entre le manche et la partie cachée de la lame.
- On peut facilement modifier un manche en bois pour l'adapter à sa prise en main.
Le montage :Ici c'est un plate semelle. C'est de plus en plus courant car c'est la plus facile à usiner en partant d'une barre d'acier standard et en découpant rapidement la forme à l'aide de machine.
- C'est théoriquement plus solide car il y a plus de matière. Après cela dépend surtout du traitement thermique. Une soie ou une plate semelle devrait être trempée moins dur ou plus revenu que la lame. C'est quasiment toujours le cas avec un montage sur soie (pour des raisons techniques), rarement avec un plate' semelle industriel.
- C'est toujours plus lourd.
- C'est souvent moins confortable car la présence de la plate semelle conditionne la forme du manche.
- L'équilibre est "vers l'arrière". Pour contrer cette tendance et alléger le couteau on peut découper des orifices dans la partie cachée sous le manche...au détriment de la solidité et cette méthode facilite l'oxydation cachée. On risque de perdre l'avantage principal d'un montage plate semelle.
- Seulement deux rivets (mais le passage de lanière peut faire office). Si un rivet saute, le manche n'est plus stabilisé. Trois points d'attaches sont préférables pour la solidité du montage (mais pas au point de fragiliser la soie).
L'acier. (seulement maintenant )C'est du 1075. Cela veut dire que l’alliage comprend du fer, 0.75% de carbone et probablement du manganèse (il facilite la trempe dans les aciers modernes, les couteliers peuvent prendre leur temps lors de la trempe et en évitant l'eau prendre moins de risque).
- C'est du "kirouille". Pour un fixe ce n'est pas un problème si on est soigneux et si on ne s'en sert pas en milieu marin ou très humide. Il faudra faire attention à utiliser un étui avec du cuir ayant un tannage végétal.
- Le "kirouille" n'est pas un problème pour le pouvoir de coupe si on s'en sert souvent. En revanche si on s'en sert que quelques fois par semaine le tranchant rasoir va s'oxyder et sera donc moins tranchant au moment de l'utilisation qu'n acier plus résistant à l'oxydation.
- Avec 0.75% de carbone, on est pratiquement à l'eutectoïde (terme placé ici pour la frime). C'est donc un compromis optimal entre la solidité et la dureté. On n'aura donc pas de carbures supplémentaires distribués dans une matrice.
C'est moins bien pour la résistance dans le temps du tranchant, mais c'est plus facile à affuter, plus solide et potentiellement le tranchant rasoir sera plus homogène et mieux adapté pour travailler le bois et/ou quand on coupe "par pression".
- Selon la qualité du traitement thermique, on peut avoir de la daube ou un super couteau. Par exemple avec du 1075 on peut avoir une trempe ou un revenu non homogène. La qualité du TT va directement impacter la qualité du grain donc la qualité du tranchant du couteau. Le TT, pour un couteau, c'est le point principal.
L'acier 1075 n'est pas un acier "obsolète", c'est un acier qui aurait fait rêver les anciens, surtout si c'est un acier de qualité issu d'une bonne aciérie (absence d'impuretés de type phosphore, souffre...).
La qualité d'un acier est souvent de nos jours plus fonction de la qualité de sa réalisation que de sa composition. Par exemple, pour les aciers à roulement (genre 52100) l'absence d'inclusions a permis ces 50 dernières années d'augmenter ++++ la longévité du roulement.
Voilà, j'ai certainement oublié plein de choses et on ne manquera de relever mes erreurs et approximations. Ce n'est que le reflet de ma compréhension, les avis diverges. Normalement ce genre de constat se transmet "mano a mano" sur le terrain. Par écrit c'est plus long.
Comme tout outil est un compromis, il n'est pas d'outil parfait. C'est à toi, en fonction de ton cahier des charges, de déterminer si cet outil te convient.
(PS : l'avantage de faire des posts longs, c'est que ça opère mécaniquement une sélection naturelle.
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