Moi je trouve ce texte super. Pour aller plus loin et affiner, peut être qu'il faut néanmoins éclaircir un point, parce que tout le reste découle de là.
Devant la faillite de plus en plus réelle de l’Etat à assurer ses fonctions et à remplir sa part du contrat social (assurer la survie et le bien-être du peuple), les gens se questionnent
On est d'accord sur le fait que l'état ne fait pas correctement face à certains problèmes de nos sociétés modernes. A la question "Pourquoi ?" on peut répondre de deux façons :
-L'état n'a pas les moyens/capacités.
-Les solutions proposées par l'état ne parviennent pas à résoudre les problèmes.
La première situation dépend d'une non disponibilité ou pire, d'une non existence de ressources, la seconde d'un problème de gouvernance. Bien entendu l'un peut être affecté par l'autre.
Si l'on considère que la "faillite" de l'état, dans la majorité de ses missions, relève d'un manque de ressources, la possibilité que la situation s'améliore est inexistante (hormis apparition de ressources nouvelles). La conduite à avoir serait de se préparer à assurer soit même tout ou partie de ces diverses missions. Dans le cas où l'on opte pour la seconde réponse, la question qui se pose est comment faire pour que ces bonnes solutions ( qui doivent bien exister quand même...) soient trouvées, puis appliquées. A partir de là se pose la question de l'action : 1) Remplacement d'un état qui se serait cassé la gueule ? 2) Tentative d'amélioration (j'ai envie de dire méta-morphose) de l'entité politique Etat ?
Je prends pour ma part le choix de la deuxième réponse, car il prolonge bien d'une certaine façon la notion de "réappropriation".
La question de l'exclusion des citoyens de la politique dans les sociétés modernes est un sujet d'études qui remonte à quelques décennies maintenant et qui s'est retrouvée étroitement liée à la question de l'expertise. Son pendant moderne le plus commun est l'hostilité fréquente témoignée envers les "technos" de l'ENA ou de Bruxelles (la machine administrative du texte de David). En sommes une politique dépolitisée et gouvernée par la technique et les chiffres, donc les experts, et principalement tournée vers un soucis d'efficacité et de performance (la fameuse
TINA). Le citoyen profane se trouve donc de facto exclu, les problèmes relevant du technique (économique, budgétaire, médical, énergétique...etc), ce sont des solutions techniques (donc scientifique, donc "vrai") qu'il faut appliquer, et surtout point de position idéologique ! Que du technique on vous dit, donc pas de politique. A quoi bon demander l'avis du citoyen vu que la science et la technique apportera la meilleure solution pour la société sur un plateau ?
Alors contrairement à ce qu'on pourrait croire, les politiques ont bien conscience de ce problème et depuis la fin des années 90 on assiste à une multiplication de dispositifs participatifs visant à associer le citoyen à la prise de décision politique (lors d'installation d'une usine de retraitement de déchet, de réhabilitation urbaine, du tracé d'une voie ferrée..etc). La conséquence des ces dispositifs est l'émergence et la reconnaissance d'une "expertise profane", où la compétence et l'"expertise" de l'individu sur sa propre vie serait prise en compte dans l'élaboration des politiques publiques. Tout cela prends place dans un contexte où les institutions politiques prennent de plus en plus conscience de l'importance de faire coincider l'action publique avec la réalité de terrain, naturellement plurielle (le problème du mal logement n'a pas les mêmes contours dans la banlieue d'une ancienne ville minière de lorraine ou dans une zone rurale de la creuse ). C'est le principe de
subsidiarité et c'est normalement un principe fondateur de l'UE (pourquoi j'en vois qui se marrent là ?
).
Alors bon, soyons clair le bilan est loin d'être tout rose. Certains dispositifs ne sont que de la poudre aux yeux, un simulacre d'association qui n'est en fait qu'une vague consultation voir une simple réunion d'information. Néanmoins, ça et là, de vrais et solides expériences de co-production politique-scientifiques peuvent voir le jour, à la croisée entre le monde politique, techno-scientifique, et citoyen (dont les savoirs pratiques sont une richesse énorme). Je pourrais citer en exemple la transformation, pour l'instant réussite, de l'ancienne ville très chaude de la banlieue lyonnaise Vaulx-en-Velin ou encore la gestion des déchets nucléaires, dont l’enfouissement a été stoppé dans les années 90 par la mobilisation organisée de citoyens ayant développé une réelle expertise en la matière.
Ce genre d'initiatives qui forment une imbrication profonde et subtile de différents espaces sociaux me fait nuancer une affirmation du texte de David :
Le monde est désormais open source. Le monde est désormais « bottom up ». L’avenir de l’humanité commencera tout en bas de la pyramide, et il poussera en cercles bienveillants sous la structure. Ces cercles de « 5% » seront là quand les gros édifices étatiques fonderont comme autant d’icebergs au soleil.
Je rejoins à 100% le fait qu'il y a en ce moment un basculement d'un fonctionnement top-down vers quelque chose de plus bottom. Cependant aller vers un bottom-up pur n'aurait pas plus de sens que le modèle inverse.
Un grand nombre de problèmes politiques non ou mal- résolus prennent racine dans une complexification trop importante des sociétés modernes. Cette complexité a connu une croissance trop rapide par rapport à nos capacités cognitive. Un groupe d'acteurs réduit n'a donc plus la capacité de saisir toutes les dimensions de ces problèmes (là l’état centralisateur français, dans ses routines historiques et institutionnelles est forcément un élément de plus qui facilite pas la chose). Le truc c’est qu’on ne dispose pas encore d’outils institutionnels assurant efficacement le lien entre la compréhension du problème et le moment du choix politique. Concrètement à un moment le politique fait face à tellement d’interlocuteurs aux visions et intérêts divergents que le choix politique relève de la gageure (c’est dans ce moment d’incertitude que Mr.Lobbying fait son entrée…).
L'enjeu est amha d'arriver à créer des jeux de relations (et donc de communication) entre différents espaces sociaux afin d'entrelacer les regards et les expertises (typiquement entre les disciplines techniques et entre la techniques et l'expérience de l'individu). Toujours au plus prêt de la singularité du terrain, toujours en incluant autant que possible le citoyen. Le but au final, étant de rôder la pratique dans la méthode, puis de l’institutionnaliser dans les esprits.
Ca reprend grosso modo les principes de la
démocratie-dialogique Je suis bien désolé de la longueur du truc et du côté "prend mon exposé dans la gueule batard!", j'ai fait comme j'ai pu..