Le peu de matière que je vais proposer m'a poussé à poster dans la catégorie "Feu de camp", merci de déplacer le fil si vous estimez mon choix inapproprié
et dans ce cas, désolé pour le dérangement
Voilà une vidéo qui illustre ce dont j'ai parlé je ne sais plus quand, je ne sais plus en quels termes. En bref : un type fait semblant de s'évanouir dans la rue habillé "comme un pauvre", puis habillé "comme un riche" et les réactions des gens sont filmées.
http://www.bob-toutelaverite.fr/LE-POIDS-DES-APPARENCES-Experience-choc_a2208.htmlPremière remarque : je doute fortement du sérieux de cette vidéo, notamment à cause du point de vue misérabiliste-réformateur; mais aussi à cause de l'origine... floue des geignements de la première partie de la vidéo.
Je pense qu'ils ont été rajoutés en même temps que la petite musique triste, ce qui laisse supposer d'autres retouches de la réalité.
Je me permets toutefois de partager la vidéo car elle illustre quelque chose que j'ai déjà observé.
Deuxième remarque : Il y a dans cette vidéo un ÉNORME biais. La manière dont le type s'effondre déguisé en pauvre et la manière dont le type s'effondre déguisé en riche sont très, très différentes.
En pauvre : il tousse timidement, puis s'étale par terre doucement et cesse totalement de bouger. Sa posture est fermée i.e. on ne voit sous aucun angle la partie avant de son corps, comme s'il cherchait à se protéger des passants.
En riche : il tousse sèchement, bruyamment, puis s'effondre et continue à remuer et à faire du bruit. On voit clairement l'avant de son corps dans l'axe de la caméra, qui est d'ailleurs l'axe par lequel de l'aide arrive.
Troisième remarque (découlant de la seconde) : l'apparence détermine certes l'attitude d'autrui envers soi [si cette assertion vous gêne : voir 1]; mais l'apparence est tout autant une question d'attitude que d'éléments purement physiques.
Pour "bien" s'évanouir, de manière à être secouru, il faut non seulement le faire d'une manière qui montre sans ambiguïté que OUI, il y a un problème; mais aussi le faire d'une manière qui parle aux spectateurs, qui éveille l'empathie.
Ici, Mr Pauvre pêche sur les deux tableaux : il a l'air pauvre, on supposera donc qu'il cuve sa nuit de débauche. Eh oui, messieurs-dames, y'a plus de valeurs chez-ces-gens-là [2].
ET il s'évanouit d'une manière qui n'attire pas l'attention, avant de rester dans une posture fermée n'attirant pas l'attention, dans une absence de mouvement n'attirant pas l'attention.
Ajoutons à cela que propre sur soi est, dans l'imaginaire collectif, étroitement corrélé à poli et convenable; d'où la crainte d'être sauvagement pris à parti par un histrion déchaîné si jamais l'on adresse la parole à cet homme en treillis qui, après tout, pourrait très bien en train de faire un câlin à la Pacha Mamma.
Je serais curieux de voir les résultats d'une expérience similaire réalisée de façon RÉELLEMENT rigoureuse, en échangeant l'attitude des deux personnages. Je parie que, a minima, les résultats s'équilibreront.
[1] : J'en vois venir qui m'objecteront que l'attitude que l'on adopte soi-même envers son prochain est aussi un facteur. Oui, mais non. Si je suis très gentil envers quelqu'un, et que je le cache tellement bien qu'elle n'en sait absolument rien, cette personne n'a aucune raison d'adapter son comportement en fonction. Pour qu'il y ait réciprocité, il me faut être gentil ET apparemment gentil. Vous me suivez ?
De toutes manières, dans le cas précis que montre la vidéo, l'évanoui ne connaît pas les passants, de telles considérations n'ont alors aucune incidence.
[2] : Dans la Grèce antique, la laideur physique était associée, dans l'esprit des gens, avec la laideur morale. Aujourd'hui et sous nos latitudes, la pauvreté pécunière est associée avec la pauvreté morale. On est en plein dans une question de catégorisation; pire : dans une question de manichéanisation. Le bien d'un côté, le mal de l'autre, avec pour les différencier toute la rigueur et le courage de l'association d'idées. Cela est totalement hors-sujet, je précise juste ma parole au cas où elle puisse être confondue avec un discours de haine anti-pauvre.