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Auteur Sujet: Récit d'avalanche et leçons à en tirer  (Lu 10018 fois)

12 décembre 2013 à 20:17:23
Lu 10018 fois

Phil67


Lors d'une discussion sur RL au sujet des recherches de victimes d'avalanches un membre a déniché une "pépite" qui n'a pas été mentionnée ici (à ma connaissance).

Nul besoin d'être expert en nivologie ou recherche DVA pour contribuer à une analyse pouvant être utile aux autres : gestion de risques, de crise, de groupe, de secourisme... c'est un petit concentré ici !

Attention : l'objectif n'est pas de se défouler bien au chaud derrière son écran, mais de trouver du signal utile qui aurait pu échapper à d'autres. Une analyse d'un sauvetage presque catastrophique est quelques fois plus instructive qu'une "démo parfaite".

Citation de la conclusion de la victime et auteur du RETEX :
Citer
Je suis certain qu'il y a encore plein d'autres leçons à tirer de cette histoire. Et c'est pour cela que j'ai pris la décision de rendre publique la vidéo, via le Sierra Avalanche Center. Mon but était de recevoir une critique constructive, et peut-être d'amener les autres à réfléchir sur leurs décisions et sur le processus de raisonnement qui sous tend ces décisions. Je savais qu'on se ferait tirer dessus à boulets rouges pour nos erreurs, mais j'accepte, si cela peut aider d'autres personnes à rester en vie. J'espère aussi que la salve des insultes et des critiques ne découragera pas d'autres de rendre publiques leurs erreurs, de sorte que nous tous, la communauté des skieurs de randonnée, apprenions de chacun d'entre nous. Nous faisons tous des erreurs, certains plus que d'autres, c'est sûr ; mais nous faisons tous des erreurs. J'en ai vu des vidéos d'avalanche ; et à chaque fois je pensais "Quel imbécile !", "Comment il a pu faire ça, ce type ?", ou "Il y connait vraiment rien, ce mec !". Ouais... Ben, cette fois, l'imbécile c'était moi, le gars qui qui y connait rien c'était moi. Alors maintenant, ce que j'espère en partageant cette vidéo, c'est que la prochaine fois où les choses tournent mal, ce ne sera pas vous le gars qui y connait rien.


Je vous propose de commencer par la vidéo en caméra embarquée, puis de lire le RETEX avant de commenter en connaissant mieux le contexte hors-champ.

Vidéo de l'accident qui se finit bien avec énormément de chance : https://www.youtube.com/watch?v=amI8deUK2UM

Analyse à froid du leader du groupe (pris dans l'avalanche) : http://www.camptocamp.org/articles/397542/fr/recit-d-avalanche-lecons-a-tirer-traduction

Discussion sur le forum CampToCamp : http://www.camptocamp.org/forums/viewtopic.php?id=230337


Remarque judicieuse de FMJ sur CampToCamp :
Citer
Initialement, à la vue de la vidéo, je n'avais que quolibets et remarques acides à faire.

Et puis, en relisant le texte de la victime, une petite musique insidieuse s'est fait entendre :
> "Et toi, tu n'y serais pas aller dans cette pente ?"
> "Et toi, aurais-tu su gérer calmement et efficacement la situation ?"
> "Et toi, aurais-tu été capable de faire ton auto-critique publique après coup ?"

On est souvent facile le cul sur la chaise, devant l'écran. Moi le premier. Mais sur le terrain .......
Personnellement j'ai du mal à trouver des réponses claires à ces questions... :-\
Nous avons deux vies, la seconde commence lorsqu'on réalise qu'on en a qu'une.

12 décembre 2013 à 20:53:29
Réponse #1

Axiome


Oui le gars reste calme , sang froid , même si il et on voit bien que la femme fait de son mieux donc à 50 ou 60 % de ses capacités , et la bousculer pourrai changer la donne dans le mauvais sens !
Je suis pas de la montagne j'y connais rien ! Mais le comportement des gens , même si y des erreurs faciles à voir derrière l'écran hein , est bon je pense il se fait dans le "calme" ça veut pas dire qu'ils n'agissent pas et que ça boue pas en dedans ( peur aussi ) loin de là je le comprends très bien !

Merci à ces gens pour le retex de bon sens et humain !

Je salue ce gars qui fait fasse à la réalité et qui communique pour avancer et pour autrui !

Merci Phil67 ce partage tombe à point nommé dans mon cas !

Axiome .

12 décembre 2013 à 21:59:07
Réponse #2

Tumiza


Petite analyse synthétique sur le déroulement de la video. bien au chaud derrière un écran:

I)Point positif  :
La tactique
-Progression adapté au terrain raide et au conditions avalancheuses. (chaqu'un son tour avec des zone d'attente en securité).Ainsi une seul personne est ensevelie
-Lors de l'avalanche le cameraman garde le contact visuel avec la victime( pour savoir ou chercher)
-Le leader gère plutôt bien le  groupe (ordre directifs, mise en place de guetteurs...

II)Points négatifs
A)l'equipement:

-2 pack securité avalanche (arva pelle sonde) pour un groupe de 5 personne >:(

B) Les compétences
-perte de temps (2 min) au commencement de la recherche.
Vue la taille importante de groupe dépêcher un "éclaireur" pour balayer rapidement l'avalanche aurait été envisageable
(15 minute etant la limite  apres laquelles les chance de survie se degradent)
-Pelletage inefficace (ni gant, ni manche de pelle, ni rotation du pelleteurs,..)
-Dégagement de la victime en le tirant par un bras... >:(

En résumé :
Manque flagrant: de matériel et de compétences.
C'est peut etre le "mindset" de leader qui a permis à le victime de s'en sortir


image issue de ce lien http://www.davidmanise.com/forum/index.phptopic=62950.0

« Modifié: 12 décembre 2013 à 22:12:04 par ravachol »
BAVU ba pris

12 décembre 2013 à 22:35:50
Réponse #3

Phil67


Techniquement c'est un cumul incroyable d'erreurs : il doit y en avoir une en moyenne toutes les 20 secondes dans la vidéo qui pourrait servir de support à un débriefing sur la sécurité avalanche type "jeu de 7(0) erreurs" ! ;#

Je connais un peu le domaine (heureusement uniquement en exercices de simulation) et j'avais presque du mal à rester calme derrière l'écran à la 1ère vision tellement c'était gros.

Il faut cependant reconnaître que le gars à la caméra avait plutôt la tête sur les épaules en se trouvant "promu" instantanément responsable des secours sans aucune compétence alors que les autres semblent sidérés ou tétanisés et hors du temps.

Sur ce plan j'aurais probablement été contre-productif en leur mettant une pression trop forte au risque de les transformer en chimpanzés. :-\ Il change notamment le ton de sa voix vers 0:45 lorsque la jeune femme commence à s’emmêler les pinceaux (alors que j'aurais tendance à basculer en mode communication "machinale et glaciale" surtout lorsque les secondes s'égrènent ainsi).

L'adage "Keep calm and carry on" s'applique une fois de plus même lorsque les secondes sont comptées.

En revanche le gars en noir parait totalement déconnecté : même sans avoir à réfléchir il aurait pu aider la fille à enlever son harnachement pour récupérer l'ARVA et le sac plus vite. Il semble tellement dépassé qu'il n'a plus la moindre initiative : vu de l'extérieur c'est un encéphalogramme plat.

Il s'en suit beaucoup une liste d'"erreurs techniques" longue comme le bras qu'on pourrait reprocher à un expérimenté mais pas à un débutant total qui essaye de faire de son mieux.

Le "just relax" en arrivant sur la victime est également révélateur d'une bonne maîtrise de ses nerfs (après 2m30s d'ensevelissement qui sont une éternité vu l'absence de recherche ARVA + sonde).

La scène devient ensuite assez surréaliste avec des "temps morts" interminables ou lorsque la victime doit se dégager elle-même.

Est-ce le contre-coup du pic d'adrénaline, le faux sentiment de sécurité une fois que les voies respiratoires sont dégagées et que la victime peut bouger un bras, un rebasculement en "mode assisté" une fois que le leader ayant "les compétences" est en mesure de s'exprimer ? En tout cas il y a beaucoup de dispersion et de tâtonnements pouvant être dangereux (p.ex. tentative d'extraction en force).

Encore une fois il n'est pas venu à l'esprit du gars en noir de prendre le moindre relais à la pelle : manque de leadership du cameraman ou du leader / victime ?

Autre sentiment étrange à la fin lorsque la victime se relève : absence apparente de réaction alors que soit je l'aurais pris dans mes bras en étant au bord des larmes, soit j'aurais gueulé un bon coup pour évacuer...
« Modifié: 12 décembre 2013 à 22:45:47 par Phil67 »
Nous avons deux vies, la seconde commence lorsqu'on réalise qu'on en a qu'une.

13 décembre 2013 à 05:11:36
Réponse #4

musher


Pour un débutant, il s'en sort pas trop mal.

Je suis pas un spécialiste mais on m' a toujours dit : un ARVA par personne.

Normalement c'est un kit par personne mais comme ce n'était pas des skieurs de rando donc sans équipement perso, l'accompagnateur aurait du prendre au minimum 3 kits :
un potentiellement enseveli (ce qui a été le cas), un pour sortir la victime et un en backup en cas de sur-avalanche.

Ensuite si tout le monde avait été équipé et expérimenté : un qui reste hors du couloir pour surveiller le couloir et ensuite les autres en bas avec ARVA pour repérer et sonde pour localiser. Mais bon dans le cas présent, la victime était repérable visuellement.
La il a bien réagi. Mettre le maximum de personnes en sécurité et descendre seul avec un type pour guetter et éventuellement le relayer car de toute façon, il y avait qu'un seul kit pour travailler.

Pas mettre de gants, ça c'est l'erreur car il doit s'arrêter pour se réchauffer les mains.
Pas demander à l'autre personne de le relayer quand il doit se réchauffer les mains, c'est une perte de temps. 

Pour le manche de la pelle, vu qu'il pellette à proximité de la victime, ça permet d'être plus précis (surtout que la neige a pas l'air d'être lourde ou dur) et éviter de blesser la victime avec un coup de pelle dans la panique.

Quand aux temps morts lorsque le visage de la victime est dégagé, ça peut s'expliquer par le fait que ce sont des novices et que dès que celui qui connait est en mesure de s'exprimer, les autres repassent en mode "exécutant" et attendent les ordres du leader.

Si la victime avait été enseveli plus profondement et non visible de la surface, ces erreurs auraient été fatales.
Un seul ARVA et une seule sonde pour localiser la victime (vu le champ de neige, ça aurait pris du temps)
Pelletage avec une seule pelle, sans manche et sans gants et sans être relayé : donc godet moins chargé, temps d'arrêt pour se réchauffer les mains, temps d'arrêt pour reprendre son souffle ...

Même en ayant eu la formation et en s'entrainant régulièrement, avec le stress, on fait des erreurs aussi c*nnes (comme enlever ses gants pour monter la pelle et commencer à pelleter sans les remettre).

13 décembre 2013 à 22:41:04
Réponse #5

Tumiza



l'accompagnateur aurait du prendre au minimum 3 kits :

NON, ils  auraient du  avoir un kit (arva, pelle, sonde) par personne. Il y aurait pu y avoir plus d'une personne ensevelies...  ;)

Ensuite si tout le monde avait été équipé et expérimenté : un qui reste hors du couloir pour surveiller le couloir et ensuite les autres en bas avec ARVA pour repérer et sonde pour localiser.

Ce n'est pas forcement la bonne méthode , car ça risque d’être rapidement le bordel, avec des zone inexplorées et des gens qui s'affolent dan tous les sens.

Vu la faible largeur du couloir d'avalanche( inférieur à 50m ), le nombre de victime ensevelie et le nombre de personne disponible je pense que l'organisation optimum pour un groupe de 5 personne dont une ensevelie aurait été:

-0)un chef expérimenté prend le commandement: donne les ordres, distribue les rôles   et prend ensuite part physiquement au sauvetage.

le chef du groupe :
-1) s'assure que la position immédiate du reste du groupe est sur (risque de suravalanche,...)
-2) compte le nombre de victime potentiel
- 3)  demande à toutes les personnes de passer en mode recherche ( ainsi seul l'arva de la victime reste en mode "émission")

-4) désigne une personne qui descend rapidement l'avalanche à la recherche d' indice de présence (bâton, skis,.. et les scannes rapidement avec son arva), une fois en bas elle scanne l'avalanche en la remontant

-5) désigne une personne par bande  de 45 m d'avalanche pour  scanner rigoureusement l'avalanche (en descendant:
 Voir la technique de recherche: http://www.anena.org/5953-dva-techniques-de-recherche.htm

-6) désigne une personne pour prévenir les secours par téléphone/radio ( sans se deplacer).
Si il n'y a pas de signa,l 2 membres du groupe peuvent essayer de bouger pour capter du reseau ( si elles ne sont pas nécessaire à la recherche.)
Information à donner: http://www.ffme.fr/uploads/federation/secours-montagne/fiche-alerte.pdf
voir aussi ce sujet du forum
http://www.davidmanise.com/forum/index.php/topic,49468.0.html

-7) une fois la (première?) victime localisé (arva - sondage), les personnes restés en attente en haut descendent et commencent à creuser (ici le leader, la personne qui alerte les secours, et le "chercheur" voir la technique de dégagement : http://www.montagne-secu.com/fr/avalanche/pelletage
-8
) si le nombre de victime n'est pas connu à 100 pourcent (cas de groupes melangés) une personne doit continuer à balayer le restant de l'avalanche

La recherche en groupe d'une ou plusieurs victimes est un exercice intéressant et difficile qui devrait être fait plusieurs fois par ans par chaque montagnard en situation hivernale en variant
-les rôles (leader,chercheur,...)
-les situation (nombre de victime, connu, inconnu, nombre de participants,..),
« Modifié: 14 décembre 2013 à 12:03:14 par guillaume »
BAVU ba pris

14 décembre 2013 à 09:07:49
Réponse #6

Outdoorsman


Par rapport à tout ce qui a été je rajoute :

Points positifs :
- le sauveteur descend sur le blessé par une petite crête et pas à la verticale du blessé. Il évite ainsi de lui remettre une coulée sur la tronche.
- demander à tout le monde de regarder l'accidenté quand il part dans l'avalanche est essentiel, même s'il est totalement enseveli on repère le dernier endroit où il était visible et ça indique la limite haute de la zone de recherche.

Point négatif :
- j'en rajoute un par rapport à ce qui a déjà été remarqué : pendant que les uns cherchent, un autre appelle SYSTEMATIQUEMENT les secours au téléphone.
"On a beau donner à manger au loup, toujours il regarde du coté de la forêt. " Ivan Tourgueniev
"Là où il y a une volonté, il y a un chemin" Edward Whymper
"Dégaine toi du rêve anxieux des bien-assis" Léo Ferré

14 décembre 2013 à 13:38:54
Réponse #7

musher


Ce n'est pas forcement la bonne méthode , car ça risque d’être rapidement le bordel, avec des zone inexplorées et des gens qui s'affolent dan tous les sens.

Quand je dis les autres en bas avec ARVA, c'est pas chacun qui cherche comme il veut. ;D
C'est en ligne depuis le dernier point visuel de la (ou les victimes) et on descend en ligne l'avalanche.

Pour l'alerte au secours, c'est le guetteur qui le fait.

La formation était pour un groupe de 5 donc lorsque on enlève le guetteur, on se retrouvait à 4 à faire  la recherche.
Après lorsque le PGHM arrive, on passe en mode "exécutant" aux ordres du chef de colonne du PGHM.

14 décembre 2013 à 16:38:29
Réponse #8

raphael


le récit de l'enseveli :

"Quand la plaque a cédé, je n'ai rien pu faire. Tout ce que j'avais lu, entendu, et même discuté m'est passé par la tête : bats-toi pour rester en surface, nage comme si tu étais en dos crawlé, les pieds vers l'aval, pense à te créer une poche d'air dès que la coulée ralentit, pointe une main vers le ciel... Et puis, il faut pas se leurrer, c'est la neige qui contrôle tout. J'ai passé la barre rocheuse sur le dos, la tête la première. Heureusement, je ne me suis pas englouti dans le cratère creusé par l'impact, et c'est le reste de l'avalanche qui m'a enseveli quand elle a sauté la barre à son tour. En fait, j'ai rebondi au fond du cratère comme une poupée de chiffon, et je me suis retrouvé pas trop loin de la surface. Quand la coulée a ralenti, j'ai réussi à percer un trou avec le poing et à tendre la main vers le haut. Mais pour le reste, j'étais incapable de bouger. Tout était noir ; et là, d'un seul coup, j'ai paniqué. Peu à peu, j'ai réussi à me calmer, et j'ai dégagé mes voies respiratoires avec ma main libre. Et finalement, je ne pouvais rien faire d'autre qu'attendre. J'ai eu beaucoup de chance. "

quelques bon réflexes ?
Se connaitre et s'accepter


14 décembre 2013 à 17:58:57
Réponse #9

Outdoorsman


"On a beau donner à manger au loup, toujours il regarde du coté de la forêt. " Ivan Tourgueniev
"Là où il y a une volonté, il y a un chemin" Edward Whymper
"Dégaine toi du rêve anxieux des bien-assis" Léo Ferré

24 novembre 2016 à 15:10:06
Réponse #10

Arnaud


Je déterre pour un rappel de saison.

Un article qu'un copain snowboarder m'a envoyé :

https://medium.com/@.claude/avalanche-f6467c530066#.tsfw2udd0

Citer
Tous ceux qui sont en bas sont sur une zone sécurisée en train de regarder celui qui descend.

On évite de s’arrêter dans une combe :

https://youtu.be/1GOgnvOAC7w
« When the last tree is cut, the last fish is caught, and the last river is polluted; when to breathe the air is sickening, you will realize, too late, that wealth is not in bank accounts and that you can’t eat money. »

 


Keep in mind

Bienveillance, n.f. : disposition affective d'une volonté qui vise le bien et le bonheur d'autrui. (Wikipedia).

« [...] ce qui devrait toujours nous éveiller quant à l'obligation de s'adresser à l'autre comme l'on voudrait que l'on s'adresse à nous :
avec bienveillance, curiosité et un appétit pour le dialogue et la réflexion que l'interlocuteur peut susciter. »


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