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Auteur Sujet: "La Tribu" - Mise en perspective du lien social face à l'adversité...  (Lu 9215 fois)

04 octobre 2013 à 16:19:02
Lu 9215 fois

Bomby


Salut !

Allez, après avoir lancé ici le fil de discussion sur le texte de David sur la pédagogie et la survie, j'enchaîne en proposant de discuter ici du récent article du Gros Manitou intitulé "La Tribu" (http://www.davidmanise.com/la-tribu/), qui à mon avis pose de façon intéressante la question de la nécessité du lien social en la mettant en perspective historique et en la situant face à une adversité commune.

Je recopie le texte ici, par commodité :

Citer

LA TRIBU

Si on regarde un peu la préhistoire et même une bonne partie de l’histoire de notre espèce, on se rend compte qu’on a évolués, pour faire simple :

    - dehors, exposés aux éléments, au soleil, au vent, au froid…
    - dans la crainte permanente de prédateurs plus gros et plus forts (les gros chats, quoi) ;
     - en mangeant essentiellement des plantes sauvages (sans produits chimiques, engrais, pesticides), des noix diverses, et du gibier…
     - en bougeant toujours un peu, à faible intensité, avec de temps en temps des pointes d’activité pour fuir, combattre ou sortir de l’eau glacée dans laquelle on était tombés…
     - en chassant et combattant en groupes…

C’est le « en groupe » que je souhaiterais souligner un peu ici.

Nous vivons des vies, actuellement, en occident, qui sont absolument à l’inverse par rapport à tout ça.  Nos vies sont matériellement faciles, douces et confortables, pourtant nous ressentons une grande souffrance, un grand vide.  Ce vide est, à mon humble avis, causé ou en tout cas fortement corrélé avec l’absence de défis concrets…  et la solitude.

Nos corps et nos esprits ont été conçus, par le biais d’une évolution longue et sans pitié, pour la lutte, la guerre, la peur, et la cohésion.  Nous sommes câblés pour nous protéger les uns les autres, pour se serrer les coudes, pour se mettre à 5 ou 6 sur le tigre à dents de sabre qui a choppé un gamin par une cuisse et qui veut l’emporter pour le manger.  Nous sommes câblés pour protéger nos femmes, pour protéger nos petits, pour respecter les anciens qui savent, pour être fiers de ramener du gibier et de le partager.

Partager un repas, quand tout le monde a faim…  amener une cuisse d’orignal à la Tribu, la poser près du feu et regarder les gens se la partager et se mettre d’un seul coup à sourire et à blaguer…  parce qu’ils savent qu’ils vont vivre quelques jours de plus.  C’est sans doute l’un des sentiments les plus puissants et les plus nobles qui soient.  Et ça a clairement un sens, dans la survie de notre espèce, d’être fier de pouvoir faire ça, et de valoriser ceux qui le font…  tout comme je pense que le fait que tous les homo sapiens que je connais sont plongés dans un état second de calme dès qu’un feu est allumé, et que tout le monde aime rester autour, je pense que la fierté qu’on ressent à donner, la joie qu’on ressent à aider un autre homo sapiens qui en a besoin est, en soi, une adaptation évolutive propre à notre espèce.

Nous sommes, je le pense vraiment, une espèce qui a la coopération et l’entraide encodée en dur dans le génôme.  Et nos cultures, très diverses et très variées, sont toutes plus ou moins des dérivés de cette réalité toute bête qui veut qu’on s’en sorte mieux en groupe, avec un système cohérent pour vivre en groupe.

Et ce mal être que nous ressentons pratiquement tous, de nos jours, dans nos sociétés hyper-confortables, vient aussi, à mon avis, de la privation de contact humain réel.  C’est comme si nous étions tous bannis.  Comme si nous nous bannissions tous les uns les autres…  et de retrouver une meute, de retrouver une tribu est un truc qui devient tellement précieux de nos jours que ça ouvre la porte à plein d’abus (des sectes au communautarisme primaire, aux mouvements identitaires divers)…

En stage, nous avons très très souvent un commentaire qui revient : « c’était génial de rencontrer des gens comme moi »…  ou « je pensais être le seul au monde à me poser ces questions, et je suis content d’avoir vu que je n’étais pas un cas isolé, pas complètement cinglé »…  En fait, pendant un weekend ou une semaine, on se retrouve à vivre dehors, près d’un feu, en petit groupe de primates bienveillants.  On veille tous les uns sur les autres.  On fonctionne en meute.  On partage le peu de nourriture qu’on a.  Et on reprend contact non seulement avec le chasseur-cueilleur qui est en nous…  mais aussi avec les archétypes les plus importants, les plus centraux de son organisation sociale.

Dans l’infanterie, on retrouve aussi beaucoup cela.  Quand, à 3h du matin, sous la pluie, on peut dormir dans le noir et sans bruit parce que notre binôme garde les yeux ouverts, forcément ça crée des liens, ça reconnecte à ce côté tribal…  Et quand on combat à plusieurs, quand on réussit à survivre ensemble, forcément, ça crée des liens d’une profondeur et d’une intensité qu’on ne peut pas comprendre autrement.

La vérité, c’est que depuis la nuit des temps, nous avons été sélectionnés exactement pour faire ça.

Je pense humblement, à force de le vérifier un peu partout, à force de côtoyer des humains dans ce contexte là…  à force de voir l’effet, aussi que ça a sur moi…  je constate de plus en plus que pour être heureux et équilibrés, nous avons besoin de problèmes concrets (du froid, de la faim) sur lesquels nous pouvons agir, d’ennemis (que nous pouvons combattre ou éviter), de combats…  et d’une Tribu.

DM

Personnellement, je suis notamment frappé par la pertinence de l'éclairage apporté par cette mise en perspective sur notre situation actuelle (même s'il n'est certes pas exclusif d'autres pistes de réflexion):

Citer
(...) Nous vivons des vies, actuellement, en occident, qui sont absolument à l’inverse par rapport à tout ça.  Nos vies sont matériellement faciles, douces et confortables, pourtant nous ressentons une grande souffrance, un grand vide.  Ce vide est, à mon humble avis, causé ou en tout cas fortement corrélé avec l’absence de défis concrets…  et la solitude. (...)

J'ajouterais qu'une certaine évolution à la fois culturelle, technologique et consumériste nous pousse, face à ce vide, cette vacuité relative mais souvent significative de notre existence, à "fuir" dans une sorte de recherche permanente d'un divertissement-zapping, qui contamine d'ailleurs tellement la diffusion de l'information qu'il devient de plus en plus difficile de prendre du recul sur quelque sujet que ce soit, et que même le lien social le plus proche, par exemple familial, se distend parfois dangereusement.

On peut ici penser à l'image facile de l'addiction aux écrans qui isole les uns des autres les membres d'une même famille, chacun dans sa bulle face à son propre écran, alors même que les sujets d'adversité des uns et des autres face auxquels on pourrait se liguer utilement ne sont même plus évoqués ni partagés.

Pas de quoi désespérer, bien sûr, mais au moins de quoi prendre conscience d'un certain nombre de travers auxquels il n'est pas si facile d'échapper, et auxquels d'ailleurs on n'a quasiment aucune chance d'échapper si l'on n'en est pas conscients...

Cordialement,

Bomby

EDIT : David, je ne sais pas trop s'il convient de placer ça ici ou dans le feu de camp. Ca ne me semblerait pas mal de profiter de cette rubrique pour discuter des textes que tu ponds régulièrement, au-delà peut-être des seuls aspects étroitement liés au CEETS et quitte à modifier l'intitulé de la rubrique.

04 octobre 2013 à 16:41:01
Réponse #1

Arnaud


Le texte de David m'a rappelé un truc lu y'a longtemps, je vous en fais profiter.

Citer
« Là-bas [en Europe] tout effort porte en soi son dégoût. Les journées trop courtes ne suffisent pas à faire les mille choses idiotes indispensables pour faire de l’argent, cet argent indispensable pour bouffer et dormir. Et quand vous avez bouffé et dormi, que reste-t-il? La gueule de bois et aucune envie de rien faire d’autre. C’est ce qu’on appelle la vie merveilleuse d’un homme civilisé "moyen".

La civilisation, c’est l’ensemble des besoins. Plus un peuple a de besoins, plus il est civilisé. Plus un individu a de besoins, plus il est raffiné.

C’est pourquoi les peuples civilisés et les individus raffinés sont ce qu’il y a généralement le plus malheureux au monde. Car s’ils ont davantage de besoins, ils peuvent en satisfaire moins. »

Paul-Emile Victor, Doumidia

« When the last tree is cut, the last fish is caught, and the last river is polluted; when to breathe the air is sickening, you will realize, too late, that wealth is not in bank accounts and that you can’t eat money. »

04 octobre 2013 à 16:45:35
Réponse #2

DavidManise


De toute façon ça fait 10 ans que j'ai dissous la frontière entre ma vie privée et ma vie perso.  C'est le drame de toutes mes meufs d'ailleurs.  Je suis comme le chat de Schrodinger, toujours en vacances ET jamais en vacances...

Bref, le texte est très bien ici pour qu'on en discute.

Concernant le passage que tu soulignes et ton commentaire sur la conso-zapping, je plussoie.  En fait les gens recherchent à combler le vide avec plus de consommation et plus de confort, alors qu'en fait ça renforce le problème en les isolant encore davantage de leurs semblables.

Ca m'a frappé quand, pendant une période de quête du creux le plus absolu je me suis mis à jouer à une vieille version des SIMS.

Boulot, conso, confort, repos, et la boucle recommence...  le confort étant un moyen de mieux récupérer pour aller mieux au boulot et ainsi de suite. 

Une sorte de spirale infernale où le SIMS en question ne voit, rigoureusement, personne.

Nos vies.

Nos vies en accéléré, devant nous.  Nos vies, étalées, extérieures à nous, dans un écran...  pour qu'on puisse piger le pattern et se rendre compte que c'est juste chiant.

Et en fait non.  Les gens y jouent.  Ils adorent ça. 

Ca me fascine.

Bref :)

Pas étonnant que les bandes violentes recrutent aussi facilement.  Elles offrent un peu d'inconfort, un ennemi commun et du lien social ultra-fort.  Ca répond à un besoin bien réel de l'Homo Sapiens, largué tout seul dans un cocon de ouate et qui, du fond de sa cage dorée, panique littéralement... 

David
« Modifié: 04 octobre 2013 à 22:35:46 par DavidManise »
"Ici, on n'est pas (que) sur Internet."

Stages survie CEETS - Page de liens a moi que j'aimeu

04 octobre 2013 à 19:10:34
Réponse #3

b@s


et oui...

d'ailleurs c'est effrayant de voir à quel point on peut avoir tendance aux achats compulsifs quand la situation perso est tangente ...
ça m'est arrivé, ça m'arrive encore, et ça me désole à chaque fois ... :lol:

cette année j'ai eu la douleur de perdre ma fidèle chienne d'une saloperie de crabe, après 11 ans d'amour canin  :love: j'étais super mal, et comme un abruti j'ai failli acheter je ne sais quelle m*rde inutile ...
et puis je me suis repris, et je suis allé marcher, marcher, marcher, dans la verte, en souvenir de Taiga...

beaucoup de choses sont vaines autour de nous ... et c'est pas facile tout le temps d'être lucide sur soi même

05 octobre 2013 à 05:46:39
Réponse #4

DavidManise


C'est un réflexe qu'on a tous, ça, je pense... 

Perso depuis que je ne vis plus assez à la campagne à mon goût, j'achète des tas de merdes qui me donnent l'impression que je me prépare à aller jouer dehors.  Alors qu'en fait je bosse comme un crétin 80h par semaine hein...  et que je passe au final plus de temps dehors que pas mal de gens, mais le fait de ne pas avoir de temps pour moi me pousse à la conso.  J'ai besoin de me faire plaisir, et j'ai l'impression qu'en achetant des trucs ça va le faire.

Mais en fait non.

Du coup depuis 2 mois c'est le grand ménage par le vide.  Je vends, donne, trie...  ça fait du bien.  Et ça fait des heureux en plus.  Et du coup ça recrée du lien.  Tout bénèf :D

L'une des choses les plus précieuses sur le forum, c'est très exactement ça.  C'est le fait qu'on se retrouve entre gros débiles qui se comprennent.  On est tous atteints de la même maladie mentale (l'envie de mener sa barque, au lieu de subir le courant, pour résumer).  C'est comme un groupe de parole ;# ;)

Ciao ;)

David
"Ici, on n'est pas (que) sur Internet."

Stages survie CEETS - Page de liens a moi que j'aimeu

05 octobre 2013 à 08:37:28
Réponse #5

b@s


J'ai besoin de me faire plaisir, et j'ai l'impression qu'en achetant des trucs ça va le faire.

Mais en fait non.

(...)
L'une des choses les plus précieuses sur le forum, c'est très exactement ça.  C'est le fait qu'on se retrouve entre gros débiles qui se comprennent.  On est tous atteints de la même maladie mentale (l'envie de mener sa barque, au lieu de subir le courant, pour résumer).  C'est comme un groupe de parole ;# ;)

Ciao ;)

David

voilà, c'est ça

bonjour, je m'appelle B@s et je suis accro aux  couteaux pliants  et aux sacs tactikeulllls pour la rando dans la pampa... si maxpe sort un porte bébé je dégaine le carnet de chèque  :lol:

05 octobre 2013 à 16:00:42
Réponse #6

Outdoorsman


Globalement d'accord avec David, avec une petite nuance.
Je pense que le vide ressenti par tant de gens vient de la perte de sens dans les gestes du quotidien ou de l'accroissement des chaines.

Je m'explique :
comme le dit David, quand on tue un animal pour le manger, on répond à un besoin primaire de façon directe. On sait pourquoi on accomplit ce geste.

De nos jours, que fait-on pour subvenir à nos besoins fondamentaux ? On va bosser. Mais dans notre boulot, nous sommes de petites fourmis, une petite partie d'un tout, avec lequel on est parfois en désaccord ou dont on ne comprend pas la finalité.

Les seuls moments où l'on se sent vivre, c'est sur les temps de loisirs, c'est à dire sur des temps choisis où l'on a le sentiment de maitriser ce que l'on fait.
"On a beau donner à manger au loup, toujours il regarde du coté de la forêt. " Ivan Tourgueniev
"Là où il y a une volonté, il y a un chemin" Edward Whymper
"Dégaine toi du rêve anxieux des bien-assis" Léo Ferré

07 octobre 2013 à 16:41:29
Réponse #7

Manengus


En accord avec pleins d’éléments, mais pas vraiment sur le diagnostic posé.

 
Citer
Nos corps et nos esprits ont été conçus, par le biais d’une évolution longue et sans pitié, pour la lutte, la guerre, la peur, et la cohésion.  Nous sommes câblés pour nous protéger les uns les autres, pour se serrer les coudes, pour se mettre à 5 ou 6 sur le tigre à dents de sabre qui a choppé un gamin par une cuisse et qui veut l’emporter pour le manger.  Nous sommes câblés pour protéger nos femmes, pour protéger nos petits, pour respecter les anciens qui savent, pour être fiers de ramener du gibier et de le partager

 Je suis très peu convaincu par ça. Je pense qu'il y a très peu de choses chez l'homme qu'on peut assimiler à des éléments de notre "génôme", qui seraient ancrées en nous depuis la "nuit des temps"...et pas celles là. Le propre de l'homme n'est pas d'être destiné à ceci ou cela, mais justement d'être la seule espèce vivante ayant la capacité de construire les règles qui vont cadrer et diriger sa vie, et la capacité de les faire évoluer.

 Qu'est ce qu'inspirerait la tribu ou le respect des anciens à un golden boy de wall street ? Pas grand chose je pense.
 Quid de l'individu qui se contrefout de la famille et des dangers qui l'entoureraient et contre quoi il devrait lutter ?

Mais peut être qu'ils ne font pas partie des humains, ou d'un certain groupe d'humain en tout cas.

 Je crois peu  à des pratiques précises et universelles qui permettraient à l'individu de s'accomplir. Certaines on été partagées par un grand nombre  pendant une longue période, mais ça n’en fait pas pour autant des impératifs à l’épanouissement ( puisque c’est de ça dont il s’agit finalement ). En fait l’individu a ‘’juste’’ besoin  d’éléments stables qui lui servent de repères autour desquels il va pouvoir construire sa vie et au travers desquels il pourra recevoir des signes de réussite, d'accomplissement. Ces éléments sont très divers, infinis en fait, et varient selon les époques, les sociétés, les classes sociales, les individus etc. Du macro au micro. 

 On a pas besoin de lutter contre un ennemi, d'avoir une famille, une tribu hyper soudée, ou de faire quelque chose de ses mains pour se sentir plein. On peut être sans famille, avec peu d'amis, et sur les écrans 15heures par jour. L'importance est de  s'investir et réussir dans des choses auxquelles on donne du sens. Evidemment une bonne partie de ce sens provient de son groupe d'appartenance.


Pour moi le syndrome du vide ne vient pas de l’absence de la tribu ou de la déconnexion avec des pratiques qui seraient « ancrées » en nous.  Le problème vient des valeurs qui sont diffusées par la société ( le méta-groupe dans lequel on est tous pris ).

 Le poids des valeurs/rôles injectés ou plutôt diffusés au niveau sociétal est de facto celui qui est partagé par le plus d'individus. Maintenant quand on regarde un peu dans le rétro de l’histoire qu'est ce qu'on voit ?

 Tu vaux quelque chose parce que tu es un bon chrétien( jusqu'au XIXe ). Facile, juste à bien prier et pas trop pécher + produire 2700 calorie par jour.
"       "  bon républicain ( de 1870 jusqu'à 45 ). Humm, ok, acquérir une bonne instruction et m'investir moralement dans la vie de la société me semble être à ma portée + avoir un job.
"        " bon consommateur pensant à sa réussite personnelle ( société de consommation, énorme accélération dans les 80's). Heu ok mais si mon métier gagne pas assez ? parce que bon, faut bien des ouvriers et des balayeurs...Je suis condamné à être un mauvais ? Ok d'ac je vais essayer de me démerder pour gagner plus, donc si je suis bien les règles mon intérêt prime avant celui de la communauté ou de mon pote hein ? Self made man c'est ça ? Moi moi moi ? ok c'est parti...

 Le "sens de vie" que l'on a injecté à bloc dans les sociétés occidentales à partir des années fin 70-80 est pourri. Pourri car d’une part il crée une frustration énorme chez une partie de la population vu que de fait, chacun ne peut pas atteindre les conditions d’accomplissement supposées, d’autre part même en y parvenant ces dernières sont tellement friables qu’elles apportent difficilement la satisfaction à elles seules. En ringardisant la solidarité et en rongeant le lien social il devient concrètement une menace pour  ce qui tient une société ensemble. Le vrai problème est là, ce "sens de vie" crée de la frustration, un bonheur superficiel donc extrêmement volatile, et nique sa race à ce sur quoi repose une société.

 Au final je rejoins le fait qu'appartenir à une tribu ( asso, religion, groupe terroriste ) permet de renouer avec un cadre de valeurs capable de donner un sens à sa vie. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si ceux qui se trouve le plus à la marge d'un idéal sociétal auquel ils ne peuvent accéder se retrouvent dans les tribus les plus en rupture avec cette société. A contrario ceux qui parviennent a créer leur propre "monde de valeurs" ( à travers une riche vie spirituelle, un hobby, CF le très juste post d'Outdoorsman )  échappent davantage à ce sentiment de vide. Logique aussi l'apparition d'ennemi/menace, intérieur ou extérieur, le plus vieux et grossier moyen pour resserer une communauté autour d'une cause commune.

 N'empêche, en dépit de ses bénéfices, je pense que se focaliser sur la tribu et ses pratiques est un pis aller, une étape voir un mirage. Si le paradigme sociétal qui continu à être diffusé reste le même, peu probable de voir une amélioration de la situation. C'est ce paradigme qui doit changer ( facile  ;# ) ! 

 D'ailleurs en parlant de changement de paradigme,  je suis retombé sur le cahier d'école de mon arrière grand père de 1909. Voilà ce qu'il dit sur la société :

Citer
27. La société et ses bienfaits
 La société est l'ensemble de tous les hommes. Grâce à la société, nous vivons aisément, nous nous instruisons, nous devenons meilleurs. Nous ne pouvons pas nous passer d'elle. Un lien unit tous les hommes, c'est le bien de solidarité et de fraternité. Resserons ce lien en travaillant pour eux et en les aimant.
 Chacun est utile à tous, tous sont indispensables à chacun.

 Et pourtant c'était pas des cocos  ;D

 

 

13 novembre 2013 à 00:59:23
Réponse #8

Lonny


Je rebondis sur ce thread, parce qu'une récente expérience m'a inspiré un rapprochement assez évident avec d'autres textes que j'ai lus ici, et qui insistaient aussi - sous un angle à peine différent - sur un truc essentiel : survivre à une situation de crise, c'est d'abord recréer du lien social. Savoir se regrouper intelligemment, et assez rapidement, pour surmonter ensemble les difficultés. Loin des visions romantiques à la Robinson Crusoé, où on s'installe tout seul dans la verte avec un gros sac tout plein de "matos" pour essayer de vivre dans une très virile autarcie.

Bref, l'expérience était très simple : m'entretenir longuement avec un "senior" sur son expérience de l'exode en 1940. Et accessoirement sur son passage dans la résistance intérieure, mais c'est le premier point qui est le plus intéressant. Sans rentrer dans les détails, on va dire que c'était à des fins documentaires, c'était pas une simple conversation de comptoir.

Le point fondamental que j'en ai retenu était finalement assez simple : jeune étudiant en région parisienne, matériellement et financièrement démuni, le bonhomme a mis à profit tout son réseau de connaissances pour tracer son chemin vers le sud en juin 40. A l'époque, il n'y avait évidemment pas Facebook... (et quand bien même, un outil comme Internet - conçu à l'origine selon des normes militaires pour résister aux pires catastrophes - se serait probablement retrouvé hors d'usage au bout de quelques jours). A l'époque, on ne s'embarrassait pas non plus de prises de tête interminables sur du "matos" performant, ou sur d'hypothétiques technologies sophistiquées qu'on stocke chez soi en attendant le jour J !

Donc, notre jeune étudiant a enfourché son vélo et a embarqué en quatrième vitesse le minimum de matériel (une couverture, quelques fringues, une pomme et quelques cacahuètes, deux-trois sous d'économie… je n'exagère pas), et a tranquillement tracé sa route en improvisant chaque jour son itinéraire. De l'improvisation, certes, mais en suivant une logique rigoureuse : dans 30 bornes je peux faire escale chez un cousin, 60 bornes plus loin je peux retrouver un ancien camarade de classe - ça tombe bien il est dans un patelin près de la Loire, je n'ai pas de carte mais je sais que mon objectif prioritaire est de passer la Loire ; après ça j'ai encore un autre pote de promo, idem à la Rochelle où je me démerderai peut-être pour embarquer vers l'Angleterre, etc.

Et finalement, tout se déroule plutôt bien, sans angoisse paralysante, et avec même le petit frisson de l'aventure… malgré le plongeon dans l'inconnu, le côté totalement chaotique et anarchique de la situation, et bien sûr le stress des menaces de bombardement qui pesaient quotidiennement sur les routes de l'exode. Chaque étape était un point de chute cohérent où ce jeune homme pouvait se retrouver dans un environnement familier, se reposer et se ravitailler, échanger et récupérer des infos et des tuyaux indispensables pour adapter ses décisions, etc.

Ce parcours d'une quinzaine de jours m'est apparu assez naturellement comme une expérience de survie habilement menée. Je parle volontairement d'habileté, parce que finalement il s'agissait avant tout de garder la tête froide. Rien de vraiment surhumain, juste un effort pour continuer à avancer et à raisonner en prenant systématiquement en compte le collectif. Dans ces conditions, on peut aussi passer du temps tout seul dans la verte en squattant des granges délabrées avant l'étape suivante. On peut avoir le ventre vide pendant un certain temps. Bref, on fait l'expérience d'une certaine rusticité, c'est sûr. Mais surtout on ne s'enlise pas, on reste le plus mobile possible et on s'efforce de rester connecté avec les membres de sa "tribu".

Je sais : le contexte était spécifique, ça s'est passé sur un territoire bien balisé et il n'y avait pas d'isolement forcé au milieu de nulle part. Ok, ma petite analyse n'a peut-être plus aucune valeur si vous me parlez de survie dans le cadre d'un trek dans les Andes qui tourne mal. Il n'y a que des cas particuliers, qui nous propulsent plus ou moins loin de nos tribus, c'est clair...


 


Keep in mind

Bienveillance, n.f. : disposition affective d'une volonté qui vise le bien et le bonheur d'autrui. (Wikipedia).

« [...] ce qui devrait toujours nous éveiller quant à l'obligation de s'adresser à l'autre comme l'on voudrait que l'on s'adresse à nous :
avec bienveillance, curiosité et un appétit pour le dialogue et la réflexion que l'interlocuteur peut susciter. »


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