Atakanirenera, le dernier fils du grand pajé Atakanirena enfin arrivé dans la maloca de son oncle maternel Atakaniräura après 6 jours de pirogue depuis le village ou il était née, à quelques riachos de là, contemplai les quelques objets en sa possession qui l'avait accompagné pour cette nouvelle vie.
Son bol finement ciselé aux motifs de l'histoire de l'ancêtre du clan, offert par son frère se prêtait toujours à lui apporter rêveries et réconfort à l'heure du repas.
Le petit pot de terre ramené lors de son voyage qui avait fait de lui un Pajé accompli, dans le lointain pays des montagnes, au sein duquel il gardait précieusement un peu du précieux sel qui lui ferais défaut au milieu de ses terres nouvelles.
La pierre des âmes que son père lui avait donné avant son départ, incrustée de fines volutes figées dans sa transparence, marque de son puissant auxiliaire qui l'accompagnerais pour affronter les dangers de la Mère Forêt, du monde des Hommes et l'assisterais pour négocier avec les esprits les guérisons de ses nouveaux patients.
Quelques piments donnés par sa mère pour sa future épouse, qu'il planterai dans son jardin pour relever les ragoûts de tapir d'une saveur pleine de nostalgie.
Son collier de chasseurs à la pointe acérée, patiemment sculptée a partir de l'os du jaguar qu'il avait vaincu un jour au bord de l'igarapé du yagé et qui était devenu le premier de ses acolytes spirituels dans les batailles avec les forces qui gouvernaient le monde.
Mais, là où son regard puis ses doigts s’arrêtèrent, ce fut sur sa cuillère, faite avec toute la patience et l'amour qui la caractérisait par sa douce sœur de lait Akana, fille de son frère aîné Atakanarira, le vaillant guerrier qui avait rejoint les ancêtres depuis de nombreuses lunes. Elle était si légère, sculptée dans un bois porté par les eaux jusqu'à la plage de l'aldeia de son père, quelle paraissait irréelle dans sa main, la finesse et l'harmonie de ses courbes lui rappelait la beauté fragile d'Akana dont il était si orgueilleux quand les guerriers du clan de la colline venait rendre visite à la maloca pour l'admirer et la quémander auprès de l'ancien. Le rouge urucum et le noir jenipapo soulignaient les délicates échancrures qui terminant son manche, symbole de la peau du serpent ibiboca, l'ancêtre du clan de leurs mères respectives.
Dans cette nouvelle vie qui commencerait lors de la prochaine lune et de son union avec la resplendissante Akaniru, la fille de son oncle Atakaniräura, cette simple cuillère serait raviver au fils des jours heureux, l'éternelle souvenir de l'endroit où il était née et devenu le sage apprenti chaman qu'il était. Voici donc ma cuillère, faite durant mon trop bref et récent séjour au long du fleuve Amazone. L'objectif de cette création était de produire une cuillère avec les seuls outils dont je m'étais équipé pour ce voyage qui se voulait paisible (j'étais avec madame), sans gros engagements et en mode léger pour rendre l'itinérance plus agréable (pas de machettes, scies, haches, percerettes, gouges et autres jolis jouets manuels, même pas la leatherman c'est dire! D'ailleurs j'ai regretté de l'avoir laissée à la maison plus d'une fois) et les ressources naturelles rencontrées durant mon périple.
Les outils furent :
- un pliant pacific salt de chez Spydie (bientôt un retex....quand j'aurais le temps)
-un carré de papier de verre tout matériaux en 200 et un autre de carrossier en 800, à la base destinés à l'entretien de mon couteau.
- un bretelle de cuir terminé par une vis a bois et en partie recouverte de pâte verte à polir
- Et puis c'est tout!!!
La teinture a été faite a partir de noix de palme locale pour l'huile, donnant un joli reflet couleur cuivré au bois et faisant ressortir ces veines. Les couleurs sont obtenues à partir de graines d'urucum pilées(aussi appelé coral)pour le rouge. D'une pâte de jus du fruit de jenipapo légèrement fermenté, additionnée avec de la poudre de charbon de bois que l'on applique pendant quelques heures puis on nettoie et la couleur noire reste. C'est, pour la petite histoire, la teinture utilisée par de nombreuses tribus du Brésil pour les peintures corporelles, qui durent entre 3 et 7 jours a peu près. Je me souviendrais toujours de la tronche des gens dans la gare centrale des bus de Fortaleza, la première fois que je suis rentré d'un rituel dans une aldeia avec la moitié des mollets peint en noir et les avant bras recouvert par des motifs géométriques de peau de serpent,mes fringues toutes crade comme pas permis et avec la bonne odeur du gars qui a mariné dedans pendant 5h de car sans clim', chapeau de brousse décoloré sur le crane et sac de bidasse sur le dos
la vie, la vrai!
Tout d'abord, j'ai ramassé un bois de bois flotté bien sec (enfin sec comme en Amazonie à la fin de la saison des pluies hein!) sur la plage d'une jolie cascade prés de la commune de Presidente Figuiero (
), au milieu d'un tas laissé là par les récentes crues, (attention au serpent qui adore les tas de bois pour se faire sa maison, toujours taper un bon coup dessus avec son bâton et attendre un peu pour voir si ça bouge dedans!). j'ai choisi ce bois car je ne voulais pas couper une plante vivante pour ça et puis parce que ne connaissant pas encore bien la flore locale j'évitais un bois toxique en prenant une branche ayant été déja bien lavé par le ruisseau qui l'a ramené là. De plus pas de problème de séchage et de fente dans ces conditions:
le bout de bois choisi, il convient d'en tirer la section désirée. Pour ce faire, après un rapide écorçage pour vérifier d’éventuelles zones pourries ou attaquées par les xylophages, j'ai procédé a un batonnage léger afin de sectionner rapidement la branche au moyen d'encoche en V relativement étroite sur le pourtour de la section voulue:
ATTENTION! COMME IL EST DIT PLUS HAUT DANS CE POST L'USAGE D'OUTILS COUPANTS EST DANGEREUX ET REQUIERT DES PRÉCAUTIONS COMME DES GANTS ET UNE TENUE ADAPTÉ. LES PHOTOS PRÉSENTE DANS MON POST NE MONTRE EN AUCUN CAS UN EXEMPLE A SUIVRE ET SONT LA EN TANT QU'ILLUSTRATION DE MON PROPOS ET NON COMME EXEMPLE MÉTHODOLOGIQUE. UN ACCIDENT GRAVE EST VITE ARRIVÉ NE JOUER PAS AVEC LA SECURITE! EN GROS FAITES CE QUE JE DIT PAS CE QUE JE FAIT... Rapidement je dégage le pourtour pour couper l'autre partie:
Le morceau désiré obtenu, je le fend en deux dans sa longueur d'un batonnage léger pour obtenir deux moitié égale qui serviront de base de travail ( bien penser à déverrouiller la lame et garder le manche légèrement fléchi pour ne pas abîmer le dispositif de blocage, attention c'est dangereux et une bonne maîtrise de l'outil est indispensable pour faire cela!)
Une fois les deux moitiés obtenues, je passe par une petite étape aiguisage avant travail (un homme est aussi affûté que son couteau comme on dit) a l'aide mes papiers de verre enroulés autour de chacune des deux moitié ainsi obtenues, finition sur la bretelle de cuir, au préalable accroché à l'aide de la vis dans une souche au bord de l'eau. J'en profite pour faire ça les pieds dans l'eau, au bord d'une autre petite cascade entretenue par les locaux:
Maintenant, ça coupe fort! Je dégage la forme de la future partie creuse en dirigeant ma lame avec le pouce de la main gauche pour bien contrôler mon geste et en faisant des copeaux pour y aller progressivement. cela forme un deux encoche en forme de triangle rectangle de chaque coté:
Puis, rebatônnage léger pour dégager rapidement la matière autour du futur manche de la cuillère:
De retour à la civilisation, il fait nuit, j'improvise un établi, pour pas tout salir, à l'aide mon étui à carte et donne sa forme au manche, quatre faces en losange, tout en gardant un bout au final pour faciliter et sécuriserla prise lors de certaines positions de coupe:
C'est l'heure de commencer à creuser la cuillère proprement dite, je commence par un mode simple contour intérieur puis en faisant des petites rainures incurvées je dégage le centre. C'est l'étape la plus longue et il faut y aller tout doux avec ce bois assez tendre:
Le lendemain on continu:
Je poursuis la mise en forme une fois rentré au bercail et enlève la partie haute devenue inutile:
Passe à la partie inférieur de la cuillère pour dégrossir par petite touches:
Enfin la sculpture du manche et un premier polissage au papier de verre pour regarder ou il vas encore falloir donner des coups de lame:
Dernière retouche, polissage final en gardant quelques traces de couteau pour mettre en valeur le travail manuel sans que ça face trop synthétique, passage de l'huile de palme, peinture (j'ai oublié de faire des photos durant cette étape, dommage) et la cuillère est terminée!
Quelques autres vues pour les détails:
Dessous:
La partie arrière du manche:
détail des courbes "enivrantes"
de la partie avant:
Et du travail de relative finesse des bords:
Et voila! Nous somme loin du travail d'un Mrod ou d'un Corbak mais, j'espère que cette histoire de cuillère vous aura plus et fait un peu voyager. Moi, j'ai pris beaucoup de plaisir a m'essayer a ce petit jeu en tout cas et c'est surement le plus important.
A+!