Nan mais sérieusement il me semblait important de souligner la discipline de remise en cause.
C'est là que ça devient intéressant il me semble.
En effet, c'est là que cela devient intéressant, parce que c'est là justement que - à mon avis - la théorie du gros se démarque effectivement de la "discipline" de la marche ultra légère.
La théorie du gros, n'est pas du tout de moi, mais voici
comment je la perçois : j'ai du matos costaud, avec lequel je peux affronter un large éventail de conditions difficiles, sans me prendre la tête ni lors de la préparation de la sortie, ni pendant celle-ci.
Théoriquement, j'ai conscience que ma mobilité n'est pas optimale. À noter que la théorie du gros n'implique ni une surabondance de matos, ni un sac excessivement lourd par rapport au bonhomme (important, cette relation).
Remise en cause : Il n'y aura vraisemblablement de remise en cause que lorsque le poids du sac - par rapport au bonhomme deviendra vraiment un problème - soit parce que le bonhomme faiblit, soit parce que le sac s'alourdit de nourriture (autonomie sur plusieurs jours) ou d'équipement "extra" en vue d'une activité connexe.
La philosophie mul - le U étant pris au sérieux par les "anorexiques du portage" :
J'aime compter les grammes longtemps avant chaque sortie.
Théoriquement, j'ai conscience que ma marge de sécurité est réduite, sinon ténue, et, en cours de sortie, je ré-évalue sans cesse cette marge de sécurité par rapport à moi-même et par rapport aux circonstances.
Remise en cause : voir
"Réflexion sur l'effet yoyo" de peyo, ou encore
Stupid light d'Andrw Skurka. Plus prosaïquement, la recherche de la légèreté s'arrête et fait demi-tour "item par item", quand on se rend compte à l'expérience que tel ou tel équipement léger ne fait pas l'affaire. Exemple : j'ai payé bien cher quelques sardinnes en titane, avant de revenir à l'alu ... Bon, il est malheureusement des économies de poids qui chaque année font des morts de froid ... mais en principe il s'agit surtout d'inconscients mal informés ... ou de "risque-tout", surtout parmi les alpinistes adeptes de la course légère et rapide (engagée, ils appellent cela).
Théoriquement 1. La perte de mobilité est un handicap, mais, en pratique il y a adaptation : avec un sac plus lourd, on fait naturellement un peu plus attention où on met les pieds. Ceci dit, le poids du sac doit toujours être mis en relation avec le poids du bonhomme, et avec sa condition physique : aux alentours de 80-90 kg de poids total, une "surcharge" de 4 kg ne représente que 5% de la masse d'inertie ... C'est pratiquement négligeable auprès d'une personne "bien charpentée" : Olivier ne s'est pas senti handicapé par son sac lourd au début de sa traversée de l'Islande. Pas plus que les aventuriers qui ont traversé l'Alaska en autonomie complète par la diagonale du vide.
2. L'évaluation permanente de la "marge de sécurité" est une excellente chose. En pratique cependant, j'ai un doute sur la prise de conscience effective par les non professionnels de cette bonne attitude. C'est stressant, et on n'est pas là pour cela. Après de nombreuses sorties "sans problème", il s'installe vite un sentiment de confiance et la fausse sécurité n'est pas loin. C'est d'ailleurs une faiblesse de la théorie du lourd : elle retarde le moment où il faut vraiment faire gaffe, elle n'incite pas à rester en alerte.
Il faut mettre absolument au crédit du forum de David de lutter contre cette paresse intellectuelle et de recommander vigilance, anticipation, évitement et "fuite" aussi bien en sortie dans la verte qu'en survie urbaine.________________________________________
Pour ceux qui ne le savent pas : j'ai travaillé pendant 40 ans dans l'aéronautique. C'est un milieu où l'économie de poids est un facteur capital de rentabilité. On parle en terme de conquête de marché pour les constructeurs, donc en milliards de dollars, en milliers d'emplois ... ou en termes de rentabilité quotidienne pour les opérateurs, et donc, là aussi en chiffres astronomiques en fin d'année.
Le conflit entre le poids et la sécurité est omniprésent et arbitré par des règlements stricts qui spécifient des critères minimaux de sécurité tant au niveau des constructeurs que des opérateurs.
Mais il reste à chacun une marge de manoeuvre, une fois la règlementation satisfaite. Et "la triche" n'est pas tout à fait absente ...
Ainsi - théorie du gros :
Vaut mieux un pilote plein qu'un réservoir vide
Cette boutade est employée par certains équipages pour justifier un emport excessif de carburant afin d'évacuer le soucis "réserve de carburant" en cours de vol. Or, à force de se trouver "largement" en sécurité, on oublie d'être en alerte. Un jour, immanquablement, ce genre de paresse intellectuelle se termine mal : grosse angoisse à l'atterrissage avec une jauge à zéro, demande de priorité à l'atterrissage parce que "minimum fuel", voir "short of fuel", atterrissage cochonné parce il ne reste plus rien pour recommencer etc ... Tôt ou tard aussi, le déficit de performance au décollage du au surpoids se paie - en général très cher.
Bref, en aviation, la "discipline" paye, la théorie du gros n'est pas en odeur de sainteté. Tous les opérateurs l'ont remise en question depuis longtemps!
Ainsi encore - philosophie de la MUL parfois pratiquée en aviation :
Je décole systématiquement avec le minimum de fuel réglementaire. Je suis un pro et je fais mon boulot "dans les règles" aussi bien lors de la préparation du vol que lors du "suivi" de la situation en cours de vol. L'avion est aussi léger que possible, les performances sont les meilleures et la sécurité qui va avec l'est également. Rarement,
mais pas exceptionnellement, les choses ne se passeront pas comme prévu et il faudra alors "se détourner", renoncer à atteindre la destination, atterrir ailleurs. La sécurité est maintenue, mais le coût et les embrouilles liés à un tel renoncement sont indescriptibles ...
Résultat : après une ou deux expériences pénibles, on remet vite en question cette quête de l'allègement "limite". On prend un peu plus de marge de sécurité sur la réserve légale de carburant, on se montre systématiquement moins confiant dans les prévisions météo, on apprend à reconnaître les "concours de circonstances" qui vont faire foirer les meilleurs plans ... etc.
Parce que c'était mon métier,
parce que, avec une formation d'ingénieur, le terme "optimisation" est sacré,
parce que l'aviation est un milieu où le partage d'expérience est institutionnalisé,
parce que j'ai toujours été passionné par "les performances" ...
parce que j'ai été sérieusement impliqué dans les arbitrages entre sécurité et économie ...
Pour toutes ces raisons, j'ai été en mon temps un véritable expert dans l'allègement intelligent.
Capable de réaliser des "exploits" en matière de rayon d'action - en sachant reconnaître les jours où c'était jouable, et les jours où c'était foireux.
Capable aussi de faire découvrir à d'autres les pièges qui les guettent à jouer au plus fin avec les normes minimales de sécurité.
C'était mon métier, ma passion ...
Aujourd'hui place à la randonnée.
Ce n'est pas mon métier.
Comme beaucoup d'entre nous, je n'ai qu'une expérience relativement modeste de la moyenne montagne ou des conditions hivernales sérieuses.
Par ailleurs, les montagnards (sauf exception) ne sont guère "partageurs" au niveau du vécu d'expériences tragiques ou simplement peu glorieuses. Il est par exemple jugé indécent d'étudier les circonstances d'un accident mortel, trop souvent considéré comme une "fatalité"; quant à disposer d'un rapport d'enquête approffondi ...
Dans ces conditions, la sécurité basée principalement sur la mobilité, sur le principe de la vigilance constante, sur la discipline de la diversion en cas de doute ... je n'y crois pas vraiment - du moins au niveau d'un pratiquant "amateur" :
- un petite entorse, une douleur au genoux ... adieu mobilité (surtout si on a rien prévu pour cela);
- l'esprit constamment en alerte, attentif à l'évolution des circonstances, analysant en boucle la situation, examinant et plannifiant toutes les options ... c'est une attitude peu fréquente chez les touristes que nous sommes ... Un peu de fatigue, une progression difficile, un mal de crâne, un début de crève ... et on oublie!
- l'expérience pour reconnaître les enchaînements de circonstances conduisants aux situations pourries ... peu de non-professionnels en sont dotés;
- la discipline du renoncement, de la diversion ... combien en sont réellement capables, combien ne préfèreront-ils pas ignorer les signaux d'alarmes, se rappeler que tout s'était bien passé "auparavant"?
Remise en question : une petite couche de gros ne fait pas de tort.
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Les enchaînements de circonstancesMurphy, ou la loi de l'embrouille maximale.
C'est LE piège ...
Parce que les possibilités sont infinies ...
Une difficulté "à la fois", une défaillance unique du matos ... vont rarement compromettre la succès d'une sortie.
Deux difficultés : un mauvais passage à descendre, un pied qui fait mal (simple ampoule, rien de tragique ... mais on "placera" le pied autrement que d'habitude)
Deux défaillances : un bâton foutu, une semelle qui part en vrac ...
Et bardaf c'est l'embardée ...
C'est quel numéro encore pour appeler l'hélico?
Oh m ... le portable ne passe pas!
On a de quoi calmer la souffrance, se tenir au sec et au chaud jusqu'à l'arrivée des secours, demain matin?
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In medio stat virtusIl paraît que c'est Aristote qui l'a dit :
Pas en latin, hein ...