J'ai pu lire régulièrement, ici ou ailleurs, que l'ego en matière de SP était quelque chose qu'il fallait savoir mettre en sourdine afin de ne pas adopter un comportement qui amènerais à se foutre dans la m*rde pour se prouver quelque chose.
Je souscris complètement au fait que certains comportements de ''mâle sous testo'' soient particulièrement nocifs en matière d'intégrité physique. Néanmoins rapporter ça à l'ego est à mon sens trop rapide. Je pense qu'au contraire plus on a un ego fort et plus on est apte à bien agir en matière de SP. Mais il me semble que cet ego salvateur n'est pas fait de la même matière que l'ego dont on parle habituellement.
L'ego c'est l'image qu'on a de soi et qui peut donc être égratignée voir fracassée par tout un ensemble d'événements. Un concours raté, une séduction avortée, une agression physique ou verbale dans la rue. L'ego c'est aussi et peut être surtout l'image qu'on a de soit par rapport à une image qu'on estime être celle de notre catégorie sociale. C'est sur ce point qu'il me semble peut être bon de réfléchir pour penser le rapport SP/Ego.
Car mettre son ego de côté paraît finalement très compliqué IRL.
Primo car gérer son ego, savoir quand tracer sa route et quand se placer en situation de conflit ouvert est quelque chose de variable et difficile car touchant à notre sensibilité profonde, notre vision du ''moi''. Assez difficile et variable pour ne pas l'évacuer avec la simple formule ''Si votre intégrité physique ou celle d'autrui n'est pas menacé pas la peine de prendre des risques''. L'intégrité psychique est quelque chose qu'on ne peut pas mettre sous le tapis.
Secundo car l'ego est quelque chose d'extrêmement utile en SP. Il me semble que dans une situation d'atteinte à son intégrité physique mais aussi à sa dignité d'Humain il est bon, voir vital de posséder un ego d'un bonne taille. Suffisante en tout cas pour dire non. Evidemment tout le monde à envie de dire non quand il subit quelque chose qu'il ne veut pas. Mais posséder un ego suffisamment développé, avec une grosse estime de soi, de ce qu'on est en tant qu'humain, permet de ne pas dire ''Je ne veux pas'', mais ''Je ne tolère pas''. Quelque part c'est un switch d'une forme passive vers une forme active sous entendant autorité. Autorité de soi sur son environnement. Suite à divers expériences ce switch s'est fait chez moi de façon presque inconsciente. Je ne m'en suis rendu compte que plusieurs mois après en y réfléchissant longuement.
Mais l'ego n'est pas Un. Il est lié à l'image qu'on estime être celle de notre catégorie sociale. C'est là que ça part de travers. Si avoir un ego fort est sain pour la sp, avoir un ego fort reflétant l'image de ce qu'est censé être un ''homme'' devient problème. A partir du moment où son ego est blessé car on pas prouvé qu'on savait se battre, qu'on avait des muscles, qu'on avait de la gueule et ce qui faut dans le pantalon, là l'ego devient nocif.
Je pense à des mecs comme Jaures, Mandela, Ferrat ou le ''Tank Man'' chinois et je me dis qu'ils auraient été de très bon élèves en SP. Bons parce que capables de déboîter la mâchoire d'un mec, quitte à en supporter les conséquences, non pas pour prouver qu'ils ''en ont'' mais parce que leur dignité d'Humain avait été atteinte. ( pure spéculation de ma part j'avoue
)
Nécessaire donc de lâcher complètement le fait que savoir se battre, avoir des muscles, une tronche et une allure de guerrier aidait à faire de soi un homme plus ''vrai''. Attention, savoir coller une bonne droite/claque des chaumières et avoir de la caisse pour assurer derrière n'est pas superflu. Sauf que ce sont juste des outils, pas des éléments déterminants sa valeur d'homme. Je trouve au passage qu'un Harvey Milk ou une Rosa Park possèdent une virilité, du moins les attribues qu'on veut bien lui prêter, infiniment plus élevée que certains ''Mâles''.
Si j'écris ça c'est aussi parce que sur ce forum que je fréquente depuis plusieurs mois, même si un gros travail est fait pour démonter l'image du warrior on entretient encore beaucoup l'image de l'homme ''vrai'' de par sa carrure, son passé guerrier, sa capacité à mettre des baffes etc. Décalage certain avec le principe de retenue prôné en SP.
PS : Précision utile. Ce que je dis vaut surtout pour les individus qui n'ont pas grande expérience de la baston. Nécessité pour eux de se prouver quelque chose. Ceux qui ont un passif de baffeur, victorieux de surcroit, savent qu'ils ont déjà prouvé qu'ils étaient des ''vrais'' et peuvent laisser pisser sans trop de tracasserie concernant leur estime personnelle.