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Auteur Sujet: Mon histoire d'hypothermie  (Lu 8026 fois)

31 janvier 2006 à 16:53:47
Lu 8026 fois

Ancien forum



Posté par kartoffel

Salut à tous

Après que David m'aie demandé de lui raconter ça cet hiver, j'y ai repensé, plein de détails me sont revenus...  et je me suis dit qu'il était peut être utile de conter cette histoire sur le forum.
Sachez que j'en ai pas mal honte et que c'est pas facile de s'ouvrir comme ça, et d'avouer une telle succession d'erreurs plus grossières les unes que les autres, mais enfin à ma décharge je rappelle que je ne connaissais pas le forum à l'époque et que je devais tout découvrir moi même  :) Voilà, disculpé.

Toussaint 2002, j'ai 19 ans et je suis un peu déprimé par un échec sentimental du genre qu'on a quand on est jeune et naïf  :) Un peu fatigué par la prépa aussi, et les vacances sont bienvenues.
Envie d'air, tout de suite, et pas envie de me fatiguer ; dans la Drôme, une réponse : le Vercors.

Je me balade trois jours selon un parcours erratique, au gré des envies de paysages, bien que la météo me laisse heure après heure le choix entre la pluie ou le brouillard. Je suis aux anges : la nature est belle, l'air sent bon, y'a plein de bestioles qui gambadent, j'ai retrouvé la pêche, bref tout va pour le mieux.
Le soir du troisième jour, les nuages s'en vont pour de bon et laissent place à un beau coucher de soleil. La nuit tombée, je m'installe dans un refuge à une croisée de GR (que je fuis par ailleurs) donc assez fréquenté (Chamailloux, pour les connaisseurs). Moi couché pour dormir, y'a encore plein de gens qui parlent, d'autres qui ronflent fort, et nom d'un chien ce fichu refuge est vraiment surchauffé. A deux heures du matin j'en peux plus de la chaleur et des ronflements, et sur un coup de tête j'emballe toutes mes affaires et me barre.

CA COMMENCE ICI.

Je ne crains pas l'accident, même de nuit, je sais où je peux aller sans risques et où le relief me mettrait en danger. Honnêtement pas de souci de ce côté là. Je fais une halte au ruisseau bien gonflé qui coule là et me charge d'un pauvre petit litre d'eau, et en bois d'ailleurs la moitié avant de repartir sans pour autant re-remplir la gourde. J'ai pas soif, et il fait frais.
(je vous avez bien dit que le récit serait truffé de bêtises grossières et impensables pour moi aujourd'hui... ça, c'était déjà la première ; les suivantes, je les marque d'un <!>)

Je me dirige vers l'ouest, traverse le plateau là où il est le plus étroit et commence à monter une pente qui fait face au côté où le soleil se lèvera. Je porte un t-shirt en coton <!>, une polaire et un anorak, et en bas j'ai mon éternel pantalon de ski de fond avec "effet-plombier" (qui montre la raie des fesses quand je me baisse) et des godasses Lowa. Toutes mes changes sont au fond du sac et mouillées de la pluie des jours précédents <!>.

J'arrive en haut de la pente un peu avant quatre heures du matin. De mémoire ça doit être dans les 1800 en altitude, à la louche. Je déroule mon tapis de sol et me pose là. Il n'y a pas un souffle, mais si le vent devait se lever je ne serais pas à l'abri <!>. Il fait juste un peu frisquet ; je garde les godasses et me glisse dans le sac de couchage, un sac de couchage estival <!> sans même une capuche. Je porte toujours mon T-shirt en coton, un peu imprégné de sueur <!> à cause de la montée qui commençait un tout petit peu raide, en me disant que ça sèchera bien d'une façon ou d'une autre. Le ciel est magnifique, y'a des millions d'étoiles et même quelques étoiles filantes. Je me sens parfaitement bien. Vers 5 heures, je sombre avec plaisir dans le sommeil.

Je rêve, ou plutôt je cauchemarde. Je rêve qu'un démon est derrière mon épaule gauche, qu'il veut que j'aille à Pré-Peyret... dans la réalité, Pré-Peyret n'est qu'à quelques kilomètres de là, mais dans mon rêve c'est quelque part à l'infini. Le démon dessine des flèches rouges par terre pour me pousser là où il veut.

Je me réveille en sursaut. Un vent faible souffle de devinez où... de derrière mon épaule gauche. Je me sens bizarre, mais ne le réalise pas à ce moment là : ma mémoire enregistre, mais toute forme de conscience ou d'intelligence m'a quitté. Je tressaille très violemment plusieurs fois, comme un épileptique, mais tout me paraît normal. Je sens que mon corps souffre de l'intérieur, mais c'est comme si un filtre me contentait de me donner l'information sans m'obliger à ressentir cette souffrance. J'ai un instant l'impression de sombrer définitivement et ça me paraît une bonne chose, tout à fait naturelle. Mais par un miracle je me lève très péniblement en me disant "si le démon veut que j'y aille, je n'ai pas le choix, il faut lui obéir". Et je mets lentement un pied devant l'autre, vers l'aval de la pente, abandonnant tout ce que j'ai sur place.

Le coup de pot, c'est que si j'étais parti dans l'autre sens, cinq pas plus loin j'étais bon pour mes premiers 200 mètres de chute libre.

Au bout de quelques dizaines de pas, j'ai comme un éclair de lucidité. Je me dis que je fais un truc bizarre, et remonte à mes affaires. Là, les pas m'ont réchauffés juste ce qu'il faut pour que je retrouve un semblant de capacité d'abstraction, et je réalise que j'ai froid. Quel froid ! Un froid qui vient de l'intérieur.

Je me remets dans mon sac de couchage (faut il préciser que chaque geste est une réussite... je commence peu à peu à trembler très fort) et arrive à enclencher mon camping gaz sur sa cartouche ; je n'arrive pas à tourner le levier de vérouillage, alors je le laisse tel quel. Ma chance, c'est que c'est un modèle à allumage piezo avec un GROS bouton rouge qu'on peut appuyer avec une poing entier. Wouf, allumage, plein pot. Je mets mes mains et mon visage tout près de la petite flamme bleue. Un moment plus tard, j'ai envie de marcher un peu pour me réchauffer... je marche en rond un moment, laissant le gaz ronronner, puis me remets dans le sac de couchage et me chauffe comme je peux à la petite flamme.
J'alterne ainsi les phases de marche et les phases dans le sac. Au bout d'un moment, j'arrive à avaler des biscuits, et je bois le demi litre d'eau qui me reste. Le soleil est en plus en train de se lever, et d'ici une heure je sentirai peut être sa chaleur.



Je vais pas m'éterniser sur la fin de l'histoire. J'ai gagné le refuge de Pré-Peyret (lui aussi un nid à touristes, mais moins à la Toussaint) à une allure d'escargot, en faisant de longues pauses tous les 300 mètres. Un groupe de vieux qui passait là me paraissaient courir comme des cabris comparés à moi.

J'ai eu besoin d'une bonne journée de repos avant de me sentir OK, et j'ai eu de drôles de grincements à tous les tendons de mes grosses articulations pendant deux bonnes semaines après ça.

Je laisse chacun tirer la morale qu'il veut de l'histoire.
Inutile de dire que pour ma part, c'est après cet épisode que je me suis passionné pour les techniques de survie ; bien qu'ayant déjà connu avant quelques déboires de randonneur débutant je n'avais jamais eu l'impression de mourir. Là, si.

31 janvier 2006 à 17:26:31
Réponse #1

Ancien forum



Posté par bison_solitaire

Merci de nous en faire part Karto.
Leçon plus qu'interessante, y compris cette histoire de diable et d'épaule gauche ;)

31 janvier 2006 à 17:45:05
Réponse #2

Ancien forum



Posté par EH

Rassures toi, tu n'as pas le monopole de la c*nnerie en rando.
J'en connais un autre qui s'amusait à partir bivouaquer en hivers à 1200m avec t-shirt en coton, k-way chaussure de rando estivale et tout comme ça.
Bon, il a pris de la bouteille; et il est moins c*n. Enfin un peu moins.
Je pourrais écrire une suite : ce qu'il ne faut pas faire dans le brouillard par exemple.
Si j'ai le temps (pas ici, chut je suis au boulot  ;) ), je l'écrirai. Elle vaut bien son pesant de cacahuete.

Ce sont ces petites choses qui se content au coin du feu le soir ...  ::)



31 janvier 2006 à 17:52:46
Réponse #3

Ancien forum



Posté par kartoffel

Bison  :) Ouais, faites toujours gaffe à votre épaule gauche, là est la clef de la prévention.
Et c'était pas le diable, mais juste un démon ; peut-être un démon tibétain, mais j'ai pas eu le temps de lui demander, et il me faisait bien trop peur de toutes façons pour que je lui parle.
J'ai raconté les choses telles quelles, et le démon en fait partie intégrante. Si on veut, on dit qu'il démontre si besoin était encore que le froid fait délirer.

Après avoir vécu l'histoire, j'ai d'abord été plusieurs jours sur un petit nuage en repensant que j'avais failli mourir. Pour tout dire, je n'avais plus peur de la mort après ça (depuis, c'est revenu, quand même).
A plus long terme, ce qui me marque le plus, c'est pas la souffrance ou la perte de contrôle de mon corps... ce qui me marque le plus, c'est la perte de contrôle de mon esprit. C'est terrifiant de savoir qu'on devient débile au moment où on a le plus besoin de penser.

EH, j'attends ton histoire avec impatience  ;)

31 janvier 2006 à 18:05:31
Réponse #4

Ancien forum



Posté par kartoffel

Tiens, j'ai relu, et j'ai deux trois précisions anodines que je voulais rajouter :

- les tressaillements peu après mon réveil, ils étaient vraiment violents : ils me soulevaient du sol. Mais tout me semblait normal.

- le camping gaz, malgré son gros bouton rouge et sa simplicité d'emploi, a été une vraie misère à allumer. C'était un Twister. Avec n'importe quoi d'autre, j'aurais jamais réussi, et je parle même pas d'allumer un réchaud à essence (pomper, brancher le petit tuyau, arroser, amorcer, ouvrir en grand... bien trop compliqué, et trop de gestes fins)

- j'ai sûrement pas fait les gestes optimaux pour me réchauffer, mais j'avais pas toute ma tête, faut il le redire

- du verglas s'était formé par terre pendant mon sommeil ; on devait donc être juste en dessous de 0°C

31 janvier 2006 à 19:53:33
Réponse #5

Ancien forum



Posté par guillaume

Ca fait froid dans le dos  :o ;D ;D :D.
ça me fait un peu peur de savoir que l'on peux mourrir d'un coup de tête (je vais modérer mes jeunes esprits moi  :-[ :-X).
Juste une question, tu n'avais pas de sursac?
a+

31 janvier 2006 à 19:58:11
Réponse #6

Ancien forum



Posté par EH

C'est surpremant de lire comment  tu as réagi.
Entre l'hallucination du démon et ta demi conscience ....
Il m'est arrivé de faire des trucs limites mais jamais d'avoir des visions comme ça.
Les fois ou je me suis trouvé dans des conditions de froid similaires, à part grelotter et faire de très courtes périodes de sommeil, je n'ai jamais eu ce genre de réaction même avec une grande fatigue. Mais il faut dire que j'ai trop de yang en moi (et c'est mon amie qui le dit  ;)).

Cela ne doit pas être marrant de perdre le contrôle de soi-même, sa lucidité et encore moins de s'en rendre compte après.
Tu as eu de la chance de t'en sortir sans plus de mal. Ca a du être un sacré traumatisme à gérer.

31 janvier 2006 à 20:31:25
Réponse #7

Ancien forum



Posté par kartoffel

Bin heureusement ça m'est arrivé qu'une fois aussi  :)

Ca n'a pas été un traumatisme, au contraire. Ca m'a ouvert les yeux. J'avais à l'époque déjà conscience que cette mauvaise expérience venait d'un manque de savoir et de savoir-faire ; je m'y suis mis, j'ai appris de la théorie autant que j'ai pu (à l'époque, je savais même pas ce qu'était une hypothermie), et fréquenté des gens qui savaient, mais ils sont rares, même en montagne.
Et sur le terrain j'ai vu rapidement des résultats tangibles.

Par la suite, je me suis encore retrouvé plus d'une fois dans des situations limites à plus d'un égard, mais c'était différent : c'étaient des défis que je me lançais, j'étais volontaire pour, et mon énergie bien canalisée pour les gérer. Sous stress positif, je me suis souvent supris moi même par la force physique et les réflexes que je peux avoir, bien différents de la grosse limace que je suis quand tout va bien. Bref : savoir, savoir-faire, et volonté : j'étais prêt !

Une chose est sûre dans tout ça : si ce forum avait existé à l'époque, ça ne me serait pas arrivé.

31 janvier 2006 à 20:41:38
Réponse #8

Ancien forum



Posté par kartoffel

La réaction, l'hallucination, elle n'ont rien à voir avec le yin et le yang  :). En dessous de 34°C de température centrale, on a tous les neurones qui commencent à dérailler, c'est clinique.

Considère aussi que j'étais sûrement un peu déshydraté : j'avais bu moins de 500ml 3 heures avant, et rien du tout pendant des heures avant de quitter le refuge. Ca n'a pas aidé mon corps à lutter contre le froid pendant que je dormais  :-/

Après cet épisode, j'ai lu tout ce que je trouvais comme articles sur l'hypothermie, avec d'ailleurs pour dernier en date l'excellent texte de David. C'est toujours marrant de voir décrit exactement ce qu'on a ressenti, et de réaliser que somme toute on est fait pareil que tout le monde  ;D


PS : Guillaume, non, ni sursac ni tente ni bâche. Personne ne m'aura jamais repris à refaire cette erreur depuis ce jour là  ;)

31 janvier 2006 à 20:59:29
Réponse #9

Ancien forum



Posté par Pierrot

Merci pour cette histoire très instructive, maintenant que celui qui n'a jamais fait de conneries te jette le premier CT.  ;D

31 janvier 2006 à 21:00:05
Réponse #10

Ancien forum



Posté par DavidManise

Merci Karto de nous raconter tout ça publiquement.  Je sais que c'est pas le genre de trucs dont on est fiers.  Mais quelque part...  on devrait.

HEIN ???

Oui.  Parce que ce sont les conneries qu'on fait (et desquelles on se sort vivant et sans trop de séquelles) qui nous permettent de progresser.  L'expérience est la somme de nous conneries réparées, quoi.

J'ai fait mon lot de conneries énormissimes (bien pires que ça) aussi.  J'aurais pu y laisser ma peau souvent...  mais ma constitution de grizzli m'a sauvé là ou l'intelligence et la jugeotte on fait défaut ::)

De ton expérience, je retiens une chose importante : il arrive qu'on tombe en hypothermie en dormant sans se réveiller.  Perso, je me suis toujours fié sur le fait que "si je me pèle trop, je me réveillerai et je m'installerai mieux".  Or ton expérience me prouve que dans certaines circonstances (fatigue importante et déshydratation, peut-être, dans ton cas) on peut se les geler sévèrement sans se réveiller.

N'ayant pas envie de tenter l'expérience moi-même, je retiens ta leçon, et désormais :

- je m'endormirai dans un contexte et avec des dispositions (abri, situation, microclimat, etc.) qui me laisseront BIEN de la marge en cas de refroidissement important pendant la nuit.

- je ferai ENCORE PLUS GAFFE si je suis très fatigué, etc.

Merci Karto ;)

David

31 janvier 2006 à 22:05:02
Réponse #11

Ancien forum



Posté par CAMP

;) Merci Karto. Une experience a mediter pour nous tous!
La perte de capacite intellectuelle et de motricite fine liee a l'hypothermie est tres bien expliquee dans ton recit, et demontre la difficulte de mener a bien des taches relativement complexe comme allumer un rechaud ou un feu par exemple.  Ce qui me fait dire qu'en matiere de survie, rien ne vaut un bon sac de couchage et d'etre convenablement hydrate.
Plus le probleme est serieux, plus la solution au probleme doit etre simplissime a mettre en oeuvre.

01 février 2006 à 09:52:41
Réponse #12

Ancien forum



Posté par EH

Citation de: kartoffel link=1138722827/0#8 date=1138736498
La réaction, l'hallucination, elle n'ont rien à voir avec le yin et le yang  :). En dessous de 34°C de température centrale, on a tous les neurones qui commencent à dérailler, c'est clinique.

Hum, le coup du yang est une boutade. La seul chose que je voulais sous entendre est que j'ai de l'energie à revendre. Et ça m'a bien servi. Je n'ai ni le physique de grizzli de David ni la science infuse de la survie.
Juste une bonne dose d'inconcience qui m'a permis de passer, sans me poser plus de questions que ça, des moments qui, avec le recul, étaient très limite. Je me rappelle une virée avec des potes en février avec, pour seul protection, une couverture de survie à 1200m ou un bivouac avec seulement un sursac à 1700m dans le Sancy en juillet (je rassure tout le monde, on avait bien un sac de couchage dans nos sacs à dos qui lui était au chaud  ::) ).
Bref, nous ne somme pas égaux devant le froid et la façon dont notre corps réagit.Evidement, selon les condition climatique, le facteur humidité est très aggravant.
En rando, je suis capable de marcher en T-shirt par  -5° et je crève de chaud dès 5° sans vent.
Avec l'experience; j'ai appris à ne pas brûler mes cartouches dès le 1er jour vu la consommation en calorie (coté réserve, je suis trop juste).
Néanmoins, personne n'est à l'abris de ce genre de mésaventure ....

01 février 2006 à 11:19:34
Réponse #13

Ancien forum



Posté par Tycho70

Bon Karto, ton récit est vraiment stupéfiant !

C'est incroyable ce que tu a vécu, la perte de conscience subjective alors même que tu es réveillé... Ca m'est déjà arrivé une fois aussi ce genre de truc : après une syncope, je me suis réveillé sans doute 15 minutes plus tard avec un mal de tête attroce, et pendant une minute ou 2 je ne pensais plus... enfin si, je pensais juste "pourquoi on me fait si mal ?" (note que je n'ai pas dit pourquoi j'ai si mal). Et pareillement, pendant une a 2 minute j'allais et je venai, contre toute logique, jusqu'à ce que ma conscience revienne un peu pour me dire : tu existes, tu es quelqu'un, tu peux dire "je"... et alors à ce moment, j'ai commencé aussi à me dire, "je suis en train de faire quelquechose d'anormal"(donc ensuite j'ai réagi en mon âme et conscience).
Cet état c'est un peu comme si on vivait le déroulement de l'action à la 3ème personne, un petit peu comme si notre ame s'était échapée de notre corps. Ce qui expliquerai en partie la perte de sensation, car c'était bien une perte des repères sensationnels qui t'es arrivé pendant une certaine période.

Egalement, l'histoire du démon : délire ou "réalité" ? Je pense que tu ne dois pas véritablement pouvoir répondre à cette question, car l'humanité ne connait quasiment rien sur la phase transitoire entre la vie et la mort (la NDE), sauf quelques récits, mais rien de scientifiquement prouvé (et encore moins sur la mort elle-même).  Mais au vu de la situation, on peut raisonnablement penser que tu a surement frolé la mort.  En tout cas ça mériterai un topic à lui tout seul, mais bon au vue de nos connaissances si limitées, ça serai de la spéculation.

Il reste que c'est effrayant de savoir qu'on peut être un total pro, expert en survie et tout, et être réduit à l'état de locque humaine, ne serait-ce juste parce qu'on a passé 3 heures au froid.

A ce propos, ça me fait penser, avais-tu mis une mousse sous ton duvet ? Apparement tu a l'air de dire que tu n'avais que le duvet.

Tout autre chose : après l'épreuve que tu venais de subir, aucun randonneur n'a trouvé bizarre que tu fasse du 1 à l'heure ? Ou peut être que c'est toi qui faisais tout pour paraitre "normal" à la vue des autres randonneurs... ce fameux sentiment idiot de honte et d'amour propre qui nous pousse parfois à faire des choses débiles pour ne pas avoir l'air de  vouloir de l'aide !

Bravo Karto pour ce récit, car c'est bien connu on apprend beaucoup de ses erreurs, et des erreurs de autres, alors merci de nous en avoir fait profiter car c'est pas facile de raconter ce genre de déboires ! Longue vie à Karto !  :)


01 février 2006 à 15:09:59
Réponse #14

Ancien forum



Posté par kartoffel

Salut Tycho !
Désolé, suis au labo, pas le temps de faire beaucoup de prose... même si c'est pas l'envie qui me manque ;D


Vite fait :
déjà oui, je savais quand même, déjà à l'époque, qu'il fallait un tapis de sol  ;)

Ensuite, j'étais pas un "super pro", je ne le suis toujours pas d'ailleurs ; certes à l'époque je restais à certains égards un parfait débutant. Biologiquement, on peut tous devenir des loques et crever pour des raisons bêtes et en peu de temps ; la différence, c'est qu'avec un peu de prévention on empêche autant que faire se peut ces raisons bêtes d'apparaître.

Les autres randonneurs ?
D'abord, j'ai vu que ce petit groupe de vieux en question, personne d'autre (quoi que ça fait déjà beaucoup, par rapport aux randos où il m'arrive de ne voir personne pendant 5 jours) ; et eux, ce qu'ils ont vu, c'était un mec qui faisait une pause au bord du chemin  :) Quelques expériences vécues m'ont convaincu que si on veut que les autres nous aident, ou fassent seulement preuve d'empathie quand on va mal, mieux vaut le dire et le répéter plutôt qu'espérer qu'ils s'en rendent compte tous seuls.
C'est un conseil très sérieux que j'adresse à ceux qui en douteraient. Eviter de se plaindre ça a des avantages certains une fois qu'on s'est mis dans le merdier et qu'il faut s'en sortir, mais ne pas se plaindre alors qu'on peut encore tout arrêter, ça, ça fait courir le risque de s'engager dans une situation irréversible quand on ne devrait pas, juste par fierté. Cf. le thread "Psychlogie et survie".

Pour le démon, le temps passant j'en suis venu à me convaincre que c'était en fait mon ange gardien  ;)
Vraiment très bizarre comme impression en tous cas. Et la découverte que la mort peut être très douce, ça m'a complètement changé.


Tycho, toi, c'était quoi la cause de ton problème ?

Longue vie à tous ;)

01 février 2006 à 17:10:47
Réponse #15

Ancien forum



Posté par Tycho70

Euh, mon problème c'était une erreur de jeunesse... vraiment un truc idiot dont j'ai honte. Mais bon comme tu as fait l'effort de raconter ton histoire, je epux en parler aussi :

J'avais un ami à l'époque qui était fana d'art martial et de self-control (yoga et compagnie) et il m'avait expliqué comment faire pour tomber dans les pommes, juste en controlant sa respiration (technique toute simple qui ne demande aucun matériel, mais que je ne tiens vraiment pas à propager).

C'est fou comme ça marche ! Ca a tellement  bien marché que je suis resté au moins 15-20 minutes en syncope. Maintenant quand j'y repense, c'était vraiment dangereux. Pourquoi je me suis réveillé seulement  après 15 minutes ? Pourquoi je ne suis pas resté encore plus longtemps / moins longtemps ?

Je n'explique pas encore pourquoi je suis resté ce temps-là (pourquoi pas plus ? pourquoi pas moins ?). Je me demande encore plus ce qui s'est passé dans mon corps pendant ce quart d'heure.

Et en même temps c'est là qu'on voit que notre état de conscience il ne tient qu'à notre bon vouloir et que si on fait le c** , tout peut vite basculer.
Ce que je peux te dire c'est que j'ai surement perdu des milliers de neurones dans l'affaire. Vraiment le truc à ne pas (re)faire.

01 février 2006 à 22:26:09
Réponse #16

Ancien forum



Posté par survivalfred

Salut Karto,

Merci pour l'histoire, très intéressant.

Y'a pas de honte a avoir, en plus tes erreurs tu les analyses au poil ! De ton expérience, je parle d'expérience puisque t'en es sorti vivant, nous pouvons confirmer deux faits :

- en situation critique de stress et/ou d'hypothermie (dans ce cas) l'utilisation de la motricité fine est corrompue ...

- une hypothermie légère à moyenne (sinon tu ne te serais pas réveillé du tout !)  altère de façon significative les capacités intellectuelles ...

donc il faut prévoir des trucs fontionnant comme si on avait des moufles et une bonne cuite !!

=> vêtements chauds, allume feu capable de créer un brasier d'un coup sans geste fin et de quoi s'abriter rapidement des éléments !

Au sujet de ton état hallucinatoire, dès que la température corporelle est perturbée de 3 ou 4 degrés ces phénomènes se produisent très souvent ... Tu commences par ne plus être conscient du danger, puis par ne plus être conscient de ce qui t'entoure ... jusqu'à perdre tout simplement conscience ...

J'ai vécu ça lors d'une hyperthermie à 41 °C, j'entendais du bruit dans la maison, je parlais avec mon épouse qui était dans la chambre lui demandant des trucs et elle n'est rentrée du boulot que 2 heures plus tard  :-?  ... vivre un truc comme ça sans substance quand on travaille en psy, ça fait réfléchir  :D


Fred

02 février 2006 à 00:15:44
Réponse #17

Ancien forum



Posté par madouc

Merci d'avoir raconté ton histoire. Du coup, ça m'a fait réfléchir et m'a rappelé quelque chose qui m'est arrivé il y a quelques années, beaucoup moins grave cependant.

J'étais partie en rando avec des copains dans les Pyrénées espagnoles, en été. Je n'avais qu'un sac de couchage très léger car pour moi été=pas besoin de se couvrir. En fait, je ne m'étais pas rendue compte qu'avec l'altitude, il faisait froid la nuit meme si le jour il faisait très chaud (de la c*nn***e pure!). Naturellement, il n'a pas gelé, je ne sais pas combien il a fait, peut-être 10° ou un peu plus, mais j'ai eu vraiment très froid. J'ai très peu dormi, car le froid me réveillait sans cesse. Je n'ai fait que de petits sommes. J'avais mis tout ce que j'avais sur moi cependant.

Mais ce qui est bizarre, et c'est la réflexion que je me suis faite le lendemain, c'est pourquoi je n'ai pas réagi. J'aurais pu  me lever pour bouger un peu et me réchauffer (faire du feu, pas question, il n'y avait pas de bois). Ou bien, étant donné que je n'étais pas seule, j'aurais pu demander si quelqu'un avait de quoi me protéger du froid, voire un peu de chaleur humaine. Mais non, je restais là, complètement frigorifiée, mais incapable de réagir, comme un lézard engourdi.

Du coup, je me demande si cette absence de réaction plutot anormale n'était pas due à un début d'hypothermie ? Je ne savais pas que cela pouvait avoir des conséquences sur les capacités cognitives. Qu'en pensez-vous ?

En tous cas, ça m'a servi de leçon.

A+
Madouc

02 février 2006 à 01:10:20
Réponse #18

Ancien forum



Posté par kartoffel

Salut Madouc  :)

Ton expérience est assez classique, tant pour le coup d'avoir froid la nuit en été, que pour le coup de ne pas penser à se lever pour se réchauffer.

Pour ce qui est d'avoir eu froid, ça pouvait venir d'un sac de couchage trop fin, mais aussi peut-être d'un léger courant d'air qui aurait soufflé la couche d'air chaud qui se forme dans l'isolant de ton sac, ou peut-être aussi d'une certaine humidité dans l'air qui aurait imprégné ton sac... y'a plusieurs facteurs possibles. Les méthodes pour prévenir ça, c'est une tente (en été ? beurk !), une bâche (ici ils appellent ça un "tarp"  ;)), un sursac, une couverture de survie autour du sac...

Pour ce qui est de ne pas avoir réagi, ça me le fait aussi quand je n'y prends pas garde, tant que je n'ai pas trop froid. Ca n'a rien à voir avec l'hypothermie. Je pense plutôt que c'est tout bêtement une forme aigüe de flemme, dont je suis heureux de découvrir que je ne suis pas le seul à "souffrir". Pourquoi ? Parce que quand même, quand t'es couchée, ton but c'est de dormir. Or, là dans ton sac, tu es bien consciente que si tu te mets à faire des pompes pour te réchauffer, ou à sortir du sac pour bouger ou faire quoi que ce soit, tu seras complètement réveillée  ;D et dans ton demi-sommeil un peu embrumé tu juges (et tu fais mal / je fais mal) qu'il vaut mieux essayer quand même de dormir malgré tout.
Enfin, c'est ma théorie à deux balles  ;D
Le meilleur compromis c'est bel et bien d'avoir quelqu'un contre qui se blottir  :)

Si tu entrais dans la première phase d'hypothermie, étant réveillée, tu t'en rendrais nettement compte : frissons franchement violents, respiration rapide et saccadée... si tu en arrives là, c'est critique et il faut absolument faire quelque chose !

J'espère t'avoir été un peu utile  :)

@+

Mathias

02 février 2006 à 11:09:34
Réponse #19

Ancien forum



Posté par Tycho70

Comme le dit Karto, je pense aussi que tant que l'hympothermie est légère, on peu réagir avec toute sa tête. C'est d'ailleurs pour ça qu'en général on se révveille lorsqu'on caille vraiment, même si l'expérience de Karto montre que l'on peut ne pas se réveiller si on a déjà des facteurs aggravants (fatigue notamment).

Mais c'est sur que il faut combattre la flemme de se lever si on a trop froid (c'est souvent le plus dur), car je crois que tout le monde a tendance à peser le pour et le contre dans une phase à moitié brumeuse où on ne dort pas, mais on est pas complètement réveillé non plus...

Affaire à suivre au fond du duvet !

02 février 2006 à 11:22:12
Réponse #20

Ancien forum



Posté par madouc

Merci Mathias de ta réponse.

Je pense que ton analyse est correcte, c'était plutôt de la flemme ! J'avais vraiment sommeil, et l'envie de dormir était sans doute plus forte que le désagrément causé par la sensation de froid, aussi intense soit-elle. Et c'est vrai qu'il y avait aussi de l'humidité. Le froid aurait vraiment été insupportable, je pense (j'espère !) que j'aurais fait quelque chose.

02 février 2006 à 13:22:44
Réponse #21

Ancien forum



Posté par DavidManise

Salut :)

Très intéressant cette "inactivité".  Elle est le point de départ d'un tas de situations de survie, et ne doit pas du tout être négligée...  car elle est un phénomène récurrent.

En fait, pour briser une habitude et agir différemment de ce qu'on fait en temps normal, il faut réellement beaucoup de "dérangement", d'envie, de motivation.  Nous agissons, pratiquement tout le temps, de manière purement "conditionnée" et si nous n'avons pas un motif pesant très lourd pour agir différemment, on continue comme d'hab.

C'est comme ça que certaines personnes continuent de marcher dans une direction improbable tout en se doutant bien qu'elles sont perdues, ou qu'on s'entête à rester couché comme ça -- malgré le froid -- en attendant le sommeil parce qu'en général, on reste couché, on finit par réchauffer la couette, et le sommeil vient.

Je parie ma paye d'un mois que quelqu'un qui a l'habitude, dans sa vie de tous les jours, de se lever pour prendre une couverture en plus quand il a froid et que ça l'empêche de dormir agirait beaucoup plus vite pour se réchauffer que quelqu'un qui a simplement l'habitude d'attendre que ça passe...  

Ces comportements conditionnés...  on appellera ça des habitudes, sont purement mécaniques et nous en sommes tous au même point.  Il ne faut pas sous-estimer la puissance de l'habitude...  je dirais même plus qu'il peut être utile d'apprendre à utiliser ses habitudes/comportements conditionnés comme des outils, plutôt que de les subir et de les laisser gouverner notre vie.

Comment se conditionner volontairement ?  

C'est simple.  Se trouver plongé dans une situation X ou Y, et poser un geste.  Faire ça plusieurs fois.  La situation et le geste sont associés par notre corps, et nous "enregistrons" une nouvelle habitude (qu'on a choisie).

On est à la frontière de la psychologie et de la physiologie, là.  C'est même pas un truc "de l'esprit".  C'est quasiment purement mécanique...  mais pourtant ça influe lourdement sur notre comportement.

Ciao ! ;)

David

02 février 2006 à 14:23:52
Réponse #22

Ancien forum



Posté par kartoffel

David, 100% dak.
Mais...

Au quotidien, dans ma vie d'étudiant citadin, je peux certes essayer de me conditionner : enfiler un truc dès que j'ai froid.
Mais je peux aussi profiter de la sécurité de la vie quotidienne pour m'acclimater : quitter une épaisseur de fringues tant que j'ai pas froid.

Les deux sont nécessaires. Mais pas un peu antinomyques ?

26 février 2009 à 15:32:51
Réponse #23

alexr



Je fais remonter ce fil passionnant sur une hypothermie, vécue de l'intérieur par Kartoffel.

Pour le démon, le temps passant j'en suis venu à me convaincre que c'était en fait mon ange gardien  ;)
Vraiment très bizarre comme impression en tous cas. Et la découverte que la mort peut être très douce, ça m'a complètement changé.

Hypothèse : le démon pourrait être une métaphore utilisée par la partie consciente du cerveau pour expliquer les signaux inquiétants émanant d'une partie plus archaïque du cerveau : danger imminent, nécessité impérieuse de bouger. Quand ces signaux parviennent au cerveau qui rêve, ça donnerait un contenu qui semble délirant au premier abord, mais qui au final a permis à Kartoffel de réagir à temps et lui a probablement sauvé la vie. Donc effectivement, une sorte d'ange gardien.

On raconte que des alpinistes en difficulté hallucinent parfois des companions qui les aident à tenir. Quelqu'un parmi vous a-t-il déjà fait une expérience de ce type ?



02 mars 2009 à 10:10:15
Réponse #24

sextius




On raconte que des alpinistes en difficulté hallucinent parfois des companions qui les aident à tenir. Quelqu'un parmi vous a-t-il déjà fait une expérience de ce type ?




  Personnellement non .
  J'ai lu le recit d'une experience semblable dans cet ouvrage : http://en.wikipedia.org/wiki/Winterdance:_The_Fine_Madness_of_Running_the_Iditarod
 ou l'auteur Gary Paulsen , lors d'une course de traineau a chien en Alaska , par des moment de grande fatigue ( manque de sommeil ) hallucine la presence d'un viel indien sur son traineau , ce qui l'aide a tenir . Sur cette course en solo qui peut durer jusque a 1 mois les cas d'hallucinations/vision/reve eveille semble etre frequents .
    Merci pour ce temoignage Kartofell !!!  :doubleup:


 


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