Posté par kartoffel Là Guillaume, tu touches un problème profond. C'est marrant parce que je voulais justement te parler de ça au sujet de ton futur trip "vivre sur le pays", partager ce que je retiens de l'expérience similaire que j'avais faite il y a trois ans avec mon frère.
L'objectif, c'était de manger sept jours ce que la nature nous donnait. On n'était pas en été, donc pas de fruits (mois d'avril), on connaissait mal les plantes comestibles et les plantes tout court (et je connais toujours mal les plantes, d'ailleurs), et en plus les collines arides du sud de l'Ardèche ne sont pas l'endroit idéal pour trouver des vergers sauvages luxuriants
(à moins d'aimer bouffer du chêne vert) mais enfin c'est notre chez nous et c'est là qu'on voulait le faire.
On ne faisait pas bombance, mais on a mangé du poisson quelques fois, des orties, des pissenlits, des grenouilles, j'ai goûté un insecte... on s'est aussi tué le bide en mangeant des plantes qu'on aurait pas dû
Mais là n'est pas la question.
Le vrai problème qu'on a rencontré, c'est la motivation. Pour qu'il y aie motivation, il faut qu'il y aie objectif. Or, tenir une semaine là où on était, c'est pas un objectif valable. On était parfaitement conscient que sur une semaine, même si on n'attrappait rien, on n'en mourrait pas pour autant. Tout au plus aurions-nous perdu quelques kilos. Une diète d'une semaine à base de tisanes, ça a toujours fait plus de bien que de mal.
Nous errions donc, de rivière en ruisseau et de colline en colline, sans jamais faire de gros effort parce que je te mentirais si je te disais que nous pétions la forme, et tenions un petit journal de bord, en s'interdisant de se lire réciproquement, histoire de garder une certaine honnêteté dans nos notes. Très vite, je réalisais que notre projet n'était pas au point, parce que que nous fassions quelque chose ou que nous nous laissions aller à la bronzette le résultat serait le même. Nonchalant comme j'étais (le corps se met rapidement en mode "éco" quand il n'a rien de substantiel à avaler) très vite ça ne m'excitait plus du tout... mais je continuais à jouer le jeu, pour faire plaisir à mon frère, et faisais tout pour ne pas laisser transparaître ma démotivation.
Au bout de cinq jours (six en fait, parce qu'on avait eu une interruption d'une journée pour raison technique, mais c'est une autre histoire), avachi au bord d'un ruisseau à prendre le soleil avec mon chien et en attendant activement qu'une écrevisse daigne se promener là, j'ai demandé au frérot si je pouvais lire ce que lui avait écrit depuis le début. Et là, nom d'une bique, dans l'intimité des confidences écrites il était aussi démotivé que moi... Je l'ai laissé lire ma partie... on s'est regardés, on est retournés à la voiture, on est aller pêcher quelques petits poissons dans un coin facile, on les a grillés et mangés, puis on est rentrés à la maison avec deux jours d'avance.
Chacun de nous ne se rattachait qu'à l'apparence solide de l'autre. L'apparence seulement... Seul, j'aurais jeté l'éponge encore bien plus tôt.
Moralité, avant de te lancer dans un projet QUELCONQUE (vie au grand air ou autre projet dans la vie en général), assure toi qu'il n'avortera pas pour cause de perte de motivation. C'est la plus nulle des façons de laisser tomber...
Je ne peux que t'inviter à relire aussi ce bon vieux fil
Psychologie et survie en entier, les 9 pages de discours... c'est très long, mais je trouve que de nombreuses idées très fortes y sont exprimées par chacun, et tu commences à être à même d'en piger l'essence.
++
Mathias