Did,
Quelques solutions (chèrement acquises par l'expérience) aux problèmes que tu soulèves :
1) quand on construit l'abri, il faut se couvrir des pieds à la tête d'une couche imperméable (idéalement respirante) et s'activer DOUCEMENT. On referme le capuchon, on rentre les mouffles dans les manches, on ferme les velcros, on serre tout ce qu'on peut pour éviter que la neige ne rentre.
2) Dans le cas d'une grotte de neige, on se retrouvera vite à plat ventre ou accroupi à creuser dans une tranchée à l'abri du vent : il fera vite moins froid, donc trop chaud. Y aller tranquillement, s'activer mais pas trop vite pour ne pas transpirer. If you sweat, you die. De toute manière, bien habillé, tant que tu bouges et que tu travailles tu ne vas pas crever de froid. L'abri est là pour te permettre de te reposer, justement. Autrement dit te permettre de t'arrêter de t'activer physiquement sans pour autant mourrir de froid. Sans cela, la lutte contre le froid est un sport d'endurance qui est possible quelques jours, sans plus. TOUJOURS respecter la règle du 50% du VO2 max et travailler sur un rythme "tai chi" : cool et doucement. DÈS qu'on sent qu'on surchauffe (sensation de chaleur au niveau de la tête et du visage, des oreilles, etc.) on ralentit le rythme pour éviter de transpirer. Ceci dit, dans certains cas tu peux te retrouver à 98% de ton VO2 max et encore grelotter, mais ça c'est quand t'es trempé, à oualpé, assis dans la neige par -50. Bref, cas extrêmement extrême. Un homme adulte moyen à 50% de son VO2 max produit entre 800 et 1200 watts en chaleur. On a calculé (avec un pote chercheur en activité physique) que moi, à 75% de mon VO2 max, c'est 1952 watts (de mémoire). Grosso modo une fois et demi un radiateur électrique planqué sous les vêtements... Dans ces cas comme ça, les grizzlis ont vraiment plus de chances de survie que les hérons (et l'inverse est vrai dans la chaleur exrême bien sûr).
2) Pour creuser, évidemment qu'une pelle (courte, pour pouvoir la manier dans un endroit confiné) c'est l'idéal. Le top du top. Mais j'ai souvent fait des trous dans la neige avec une simple gamelle, voire avec mes mains. C'est plus long, mais on y arrive.
3) Éviter autant que possible et toujours et sans arrêt de laisser de la neige fondre sur ses vêtements ou soi-même : "s'épousseter" en permanence. Autre bonne raison pour prendre son temps quand on travaille la neige d'ailleurs : on s'en met moins partout quand on travaille doucement et proprement.
4) Pour l'onglée, personnellement j'ai grandi avec... c'est douloureux mais pas dangereux. En fait c'est la mise en route de notre système de production de chaleur, en quelque sorte (vasoconstriction suivie d'une vasodilatation importante). Après l'onglée, si on se réchauffe un peu, les mains (ou les pieds) deviennent rouges et bouillants : on a atteint un nouveau niveau adaptatif.
Accepter la douleur reste un bon truc pour qu'elle ne se transforme pas en souffrance psychologique en plus. Toujours travailler avec ses mouffles (elles aussi devraient avoir une couche imperméable). Si on continue à travailler malgré l'onglée : Dès qu'on ne sent plus ses doigts (l'onglée disparaît), les mauvaises nouvelles arrivent. L'onglée, en fait, c'est la certitude de ne pas avoir d'engelure tant qu'on la sent, donc perso j'aime bien les onglées... Mettre les mains dans les manches, plus bas que le coeur. Fermer les poings plusieurs fois de suite pour activer la circulation. L'onglée revient. T'es content. Garder les mains aux chaud jusqu'à ce que l'onglée disparaîsse... et là on peut y retourner avec des fers à repasser en guise de paluches.
5) Il faut connaître plusieurs méthodes de construction et plusieurs types d'abris pour pouvoir s'adapter au terrain, à la neige, et aux outils dont on dispose et faire au mieux. On peut compacter à la raquette une neige poudreuse et la laisser prendre (2 heures) pour en tirer des blocs de qualité moyenne. On peut faire un gros tas de neige et le laisser prendre, puis creuser dedans. On peut combiner le fait de creuser et la construction en blocs. On peut utiliser n'importe quoi pour faire des blocs. Quelques outils que j'ai personnellement testés et qui fonctionnent :
- scie à neige (le vrai truc)
- egoïne
- bâton rond
- arc
- ski
- luge type "pelle à tarte" (fonctionne extrêmement bien, la courbure permet de faire des blocs trapézoïdaux automatiquement !)
- bâton taillé en "couteau"
- machette / camp knife
- avant-bras... !
La machette reste vraiment un top... mais rien n'est indispensable à part la volonté de survivre. Les outils ne sont que l'extension de ça.
La vieille neige sans cohésion (gobelets de glace et "gros sel" comme on dit chez nous) n'est pas d'une grande utilité, mais on la trouve en général surtout au printemps et donc on peut théoriquement survivre à la surface. Au pire, on peut très bien simplement se creuser une tranchée, voire un trou dans ce type de neige et ainsi se mettre à l'abri du vent, ce qui est déjà TRÈS appréciable. Si la cohésion de la neige est vraiment nulle, le trou prendra une forme de cône inversé. Pas très grave, on creusera simplement jusqu'à se trouver à l'abri du vent. Bien évidemment, déposer la neige qu'on sort du trou en tas DU CÔTÉ du vent dominant
Ça va un poil plus vite comme ça.
On pourra couvrir ce type de trou avec un poncho, par exemple, et ainsi emprisonner un peu d'air chaud.
En montagne, on trouvera évidemment des lieux abrités des avalanches et chutes de séracs en priorité, et on adaptera son abri à cette configuration : 3 heures sans abri, 3 minutes sans 02 dans ses centres vitaux, 3 secondes avec la connerie
... donc priorité aux risques type avalanche et séracs. De toute manière, il faut rester conscient que plus on s'approche d'un environnement constitué de froid, de roche et de glace sous diverses formes, et plus les divers niveaux de risques en prennent pour leur grade, d'où l'intérêt d'être d'autant plus prudents et de trimballer un minimum d'équipement pour se couper du vent et conserver ses watts près de soi / en soi.
Ciao
David