Salut
A la lumière des conversations récentes sur le forum, je voudrais revenir sur un sujet qui me tient à coeur : la différence entre la "survie" et la "vie primitive". Ce forum a vocation à parler de ces deux sujets, et d'autres encore, mais j'aime bien quand on ne mélange pas tout, pas seulement parce que je suis un psychorigide qui aime vivre entouré de plein de règles strictes et de définitions bien établies faute de quoi il se sent menacé dans son intégrité intellectuelle, mais surtout parce qu'éviter ce genre de confusions aide à lever des idées reçues et à rendre la survie plus efficace.
La survie, c'est quoi ? C'est l'attitude qui va nous permettre :
1/ (et c'est un GRAND un) de ne pas se fourrer dans une situation douteuse
2/ de se sortir de situations mal engagées, grâce aux moyens du bord qui peuvent très bien ne rien avoir de naturel ni de primitif. Et ça, ça peut être du court terme ou du long terme, une virée dans la nature qui tourne mal ou une fuite devant l'ennemi pendant une guerre.
La survie est surtout une affaire de caractère, de psychologie. Les connaissances et les techniques qu'elle implique sont
très limitées et
très vite apprises.
La vie primitive, c'est quoi ? C'est le feu par friction, la taille du silex, la chasse au mulot avec une fronde en cordelettes d'orties... C'est vivre en utilisant des moyens naturels disponibles dans un environnement donnée. C'est
à peu près pour moi ce que les anglais appellent le
bushcraft (même si la définition n'est pas tout à fait exacte puisque dans le "bushcraft" on se sert d'une hache en acier ou d'une bâche en nylon.)
La vie primitive est un sujet très vaste, domaine d'experts, très long à s'approprier, tout le contraire de la survie quoi.
Alors pouquoi j'embête mon monde avec ce genre de réflexions ?
Je prends l'exemple que donne Tahiti (le membre de ce forum, pas les gens qui habitent là bas
) du mec qui tombe dans une cascade et après moulte efforts se hisse sur une berge, transi, en ayant perdu tout ce qu'il avait sur lui, et qui doit alors allumer par friction un feu pour se réchauffer, après avoir trouvé les bons bois, tressé la corde de l'archet etc... (et Tahiti de bien préciser, à raison, que c'est irréaliste). Ce qui me gêne, Tahiti (et je ne prends cet exemple qu'à titre "pédagogique" et pas du tout parce j'ai quoi que ce soit contre toi
pas de bol, t'étais au mauvais endroit au mauvais moment, c'est tout
) c'est que ça pour moi c'est pas de la survie, c'est même tout l'opposé du comportement que doit avoir un mec dans la nature, c'est de la connerie.
Quoi ? Comment il est tombé dans la cascade, le type ? Pourquoi est-ce qu'il n'avait rien sur lui, même pas des chaussures ? Sûrement qu'il s'est mis en tenue "légère" pour aller se baigner, mais dans ce cas c'est un idiot de se baigner sans surveillance et loin de tout dans un endroit dangereux au point de pouvoir l'entraîner vers une cascade. Son attitude était complètement contraire à mon premier principe de la survie : éviter les situations bêtement dangereuses. A la limite, c'est un défi qu'on peut se lancer, mais il faut être conscient en le faisant que c'est une insulte à l'instinct de conservation, et donc loin de la notion de survie.
Sinon, s'il s'est baigné alors qu'il y avait des gens près de lui, la question ne se pose pas puisque ces gens vont venir l'aider.
Enfin, s'il est seul et que la chute est un accident dû par exemple à une glissade qu'il ne pouvait vraiment pas prévoir (ça
peut arriver, cf. l'ami Kookaburra) ou dûe à un passage qu'il ne pouvait absolument pas éviter... alors le mec est très probablement habillé et a son équipement. A supposer qu'à la fin de sa glissade ses os soient encore en suffisamment peu de morceaux pour qu'il arrive à nager et se hisser sur la berge, le mec aura sur lui son équipement "moderne et brutal" pour reprendre les mots de David, parce qu'on ne perd pas comme ça des chaussures ou un sac à dos, même dans la plus violente des glissades. A la limite il se sera débarassé de son sac qui le gênait pour nager, mais il est bon d'avoir son équipement léger et vital près de soi, dans les vêtements. Grâce à cet équipement qu'il aura eu le bon sens d'emporter avant sa virée, et éventuellement grâce au sac qu'il peut retrouver un peu plus loin, il pourra se réchauffer rapidement et de manière efficace. C'est mon second principe de la survie.
Tout ça pour dire que le feu par friction, la taille des silex, la chasse à l'épieu, tous ces machins qu'on voit dans des livres "de survie", tout ça c'est pour moi de la "vie primitive", plaisante pour qui s'y connaît, mais sur laquelle on serait complètement stupide de compter alors qu'il est si facile pour nous de nous procurer un briquet, un firesteel, de bons vêtements ou un opinel.
C'est pour ça que j'aime bien les auteurs de livres "de survie" qui vont droit à l'essentiel, et qui malgré leur amour des techniques primitives haranguent leurs lecteurs pour qu'ils ne rejouent pas "La Guerre du Feu". Dans le genre, y'a Cody Lundin, et il semble que le futur livre du manitou soir de cette veine aussi.
Ensuite, les auteurs style Mears ou Kochanski, eux, ils prennent bien la peine d'intituler leur livre "Bushcraft" et non pas "Survival", et c'est appréciable.